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Le rapport Perruchot expose la collaboration entre les syndicats
français et la bourgeoisie
Par Anthony Torres
28 février 2012
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La publication du rapport du député Nicolas Perruchot du Nouveau Centre (proche
de l’UMP) sur le financement des syndicats patronaux et ouvriers le 12
février expose les rouages anti-ouvriers du « dialogue social » en France et
en Europe.
Bien que soulignant la qualité de ce rapport, les députés l’ont rejeté à
l’Assemblée nationale le 30 novembre 2011. Ceci constitue une première
depuis qu’existe la chambre des députés. Le gouvernement a demandé aux
députés de l’UMP de s’abstenir lors du vote, laissant le soin au PS et à ses
partis satellites de faire passer le rapport à la trappe. Plusieurs mois
plus tard, Le Point a publié l’intégralité du rapport.
Nicolas Perruchot a déclaré à la Revue Parlementaire : « Le président de
la commission (Richard Mallié), m’avait dit la veille qu’il voterait sans
doute pour. Il a dû être appelé entre-temps par Christophe Jacob», le
président du groupe UMP.
Ce que craignent les représentants de la bourgeoisie française, c’est
qu’un rapport montrant la dépendance financière des syndicats vis-à-vis de
l’Etat et des entreprises, et par conséquent l’adaptation des syndicats aux
besoins de la bourgeoisie, ne décrédibilise les syndicats auprès des
travailleurs. En votant contre ce rapport, les députés ont voulu sauver les
syndicats d’une hostilité irréversible de la part des travailleurs envers la
CGT et les autres syndicats.
« La non parution de ce document a multiplié les allégations et les
suspicions à l’égard des syndicats », a expliqué le secrétaire général de la
CGT Bernard Thibault. Les dirigeants de la CGT, ainsi que des autres
syndicats, n’ont contesté ni les chiffres ni le contenu du rapport.
A la page 165, le rapport explique : « On le voit, presque 4 milliards
d’euros qui sont vraisemblablement consacrés annuellement à l’activité
syndicale en France. L’essentiel de ces moyens (90 pour cent) semble
provenir de l’exercice du droit syndical dans les entreprises et la fonction
publique, tandis que les contributions directes des syndiqués sous forme de
cotisations n’en représenteraient, après déduction de l’aide fiscale, que 3
à 4 pour cent ».
Ainsi les syndicats en France n’ont pas besoin de syndiquer un nombre
important de travailleurs pour pouvoir survivre ; en fait, seulement 8 pour
cent des travailleurs en France sont syndiqués. Ces chiffres révèlent
l’intégration profonde des syndicats dans la structure des entreprises et de
l’Etat. On ne peut plus parler d’organisation de salariés, ce sont des
coquilles vides pilotées par des petites bureaucraties confédérales selon
les besoins politiques de l’Etat et de la bourgeoisie.
Selon les chiffres établis dans le rapport, la plupart des ressources
syndicales proviendraient des employeurs—environ 3,5 milliards d’euros de
décharges horaires et de subventions de fonctionnement accordées au
personnel syndical et aux comités d’entreprise. Cette somme est divisée à
peu près moitié-moitié entre la fonction publique et le secteur privé.
Les syndicats participent aussi à la gestion d’organismes d’intérêt
général, c’est-à-dire aux commissions paritaires qui gèrent les flux
financiers de la Sécurité Sociale, même si le rapport observe qu’ils « ne
fournissent pas directement, concrètement, des services de cette nature ».
Ceci leur rapporterait aux moins 80 millions d’euros, au-delà des
subventions publiques et réductions d’impôt qui rapportent environ 175
millions d’euros.
Alors qu’ils engrangent cette manne de l’Etat, les syndicats négocient
avec l’Etat et les entreprises les réductions des retraites et, plus
largement, la destruction des acquis sociaux des travailleurs.
Toutes les bureaucraties syndicales nationales en Europe jouent
fondamentalement ce même rôle. Cependant, même comparée aux autres
bureaucraties syndicales européennes, la bureaucratie syndicale française se
distingue par la faiblesse de son soutien financier parmi les travailleurs,
et son étroite dépendance vis-à-vis de l’Etat.
L’importance des cotisations pour le fonctionnement des syndicats dans
les pays voisins est essentielle, avec 1.300 millions d’euros provenant des
cotisations pour l’Allemagne et 1 milliard d’euros en Grande-Bretagne,
contre 110-160 millions d’euros pour la France. Le Danemark et la Suède ont
respectivement 70 et 83 pour cent de travailleurs syndiqués, à peu près dix
fois plus que la France.
La transformation progressive des syndicats en organismes de l’Etat a été
accélérée par l’élection de Nicolas Sarkozy comme président de la
République. Il a compris qu’il pourrait travailler étroitement avec les
syndicats pour imposer les coupes sociales, utilisant les confédérations
comme une police au sein des entreprises.
En 2008, la CGT et la CFDT ont signé avec le gouvernement en échange
d’attaques sociales une meilleure représentativité des syndicats les plus
importants pour discipliner la classe ouvrière et lui faire accepter les
futures politiques de régression sociale.
La réforme des retraites de 2010 voulue par le gouvernement rencontra
l’hostilité des travailleurs. La France connut une pénurie d’essence avec le
blocage des raffineries dans le Nord et des stocks pétroliers dans le Sud de
la France. Le gouvernement fragilisé envoya les CRS reprendre le contrôle
des raffineries et des dépôts pétroliers.
La répression physique et l’intimidation faite aux travailleurs des
raffineries pour les obliger à reprendre le travail n’a pas amené la CGT à
demander une lutte plus large des travailleurs ; les syndicats ont voté la
fin de la grève contraignant les travailleurs à reprendre le travail. C’est
une illustration flagrante du fait que les syndicats sont hostiles à une
lutte politique du prolétariat contre la classe dirigeante.
Cette défaite des travailleurs aura de lourdes conséquences pour les
syndicats, qui auront de plus en plus de mal à contrôler les grands
mouvements de masse.
Le rapport Perruchot souligne l’écart grandissant entre les travailleurs
et les syndicats : « L’opinion voit les syndicats plutôt comme des
bureaucraties dirigées par des boss que comme des organisations au service
de leurs adhérents … Parfois même cette situation se double de soupçons de
collusion avec l’employeur, voire de corruption. Une telle évolution peut
notamment arriver dans les cas de figure où la direction des entreprises en
cause la favorise, en cherchant à servir ses propres intérêts. ».
Indirectement ce rapport expose les soi-disant partis d’« extrême
gauche », comme le NPA et LO qui insistent pour dire que seuls les syndicats
peuvent diriger les luttes ouvrières. Ceci revient à dire que la lutte des
classes doit toujours être contrôlée par des agences subalternes de l’Etat.
L’effondrement du système capitaliste depuis 2008, la situation des
travailleurs en France et en Europe est dramatique avec des réductions de
salaires, le chômage, les coupes dans la fonction publique. Nous sommes en
présence de tensions de classes aigues. L’Etat aura besoin dans le futur
d’avoir un organe policier plus centralisé pour réprimer les ouvriers dans
les entreprises.
La classe ouvrière doit mener une lutte politique contre la bourgeoisie
pour cela elle devra aussi entrer en conflit avec la bureaucratie syndicale
qui opposera toute réelle lutte de la part des ouvriers.