La
déclaration, le 4 février dernier, de Claude Guéant, ministre de l'Intérieur du
président Nicolas Sarkozy, que «toutes les civilisations ne se valent pas » a
provoqué un tollé et une capitulation en bloc aux appels racistes de Guéant de
la part de l'establishment politique français.
Ces
remarques de Guéant, faites lors d'un meeting du syndicat étudiant droitier UNI
(Union nationale inter-universitaire) visait implicitement à stigmatiser les immigrés
et plus particulièrement les musulmans, cible de longue date de la droite et de
l'extrême-droite françaises.
Guéant,
un voyou de la politique, spécialiste des appels antidémocratiques et
sécuritaires a hypocritement dénoncé les civilisations qui nient les
« libertés individuelles » et les droits des femmes. Les membres de
l'UNI, organisation droitière mise en place après les protestations étudiantes
et la grève générale de 1968, avec l'aide de Jacques Foccart, le « M.
Afrique » de l'impérialisme français, étaient tout à fait conscients du
message politique sous-jacent.
Il
s'agit d'une grossière tentative raciste pour attirer l'électorat
d'extrême-droite vers la candidature de Sarkozy à sa propre succession lors de
la présidentielle d'avril-mai. La politique d'austérité de Sarkozy et ses
guerres en Afghanistan et en Libye l'ont rendu extrêmement impopulaire, à la
traîne dans les sondages, derrière le candidat du Parti socialiste François
Hollande. La candidate néo-fasciste Marine Le Pen du Front national le suit de
près et les remarques de Guéant cherchaient à glaner chez Le Pen des voix pour
Sarkozy, sur une base anti-immigrés et d'extrême droite.
Mais
ce qui a suivi est un incident encore plus remarquable. Le 7 février, Serge
Letchimy, député de la Martinique, a publiquement fait à l'Assemblée nationale
une comparaison entre la politique de Guéant et celle des nazis.
Letchimy
a dit : «Vous nous ramenez, jour après
jour, à des idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de
concentration au bout du long chapelet esclavagiste et colonial. Le régime
nazi, si soucieux de purification, était-ce une civilisation ? La barbarie
de l'esclavage et de la colonisation, était-ce une mission civilisatrice ?»
La réaction du premier ministre François Fillon et
de l'ensemble du gouvernement a été de quitter l'hémicycle. Ils ont été suivis
par tous les députés de l'UMP (Union pour un mouvement populaire), le parti au
pouvoir.
Le gouvernement n'a osé ni essayer de réfuter les critiques
de Letchimy, ni essayer de les ignorer: Il n'est que trop clair que la campagne
pour la ré-élection de Sarkozy chasse sur les terres néofascistes et procède à
des attaques importantes contre les droits démocratiques. (Voir Retour à Vichy)
Letchimy,
dirigeant du Parti progressiste de la Martinique (PPM) est membre du groupe
parlementaire PS. Néanmoins il a été largement désavoué par le PS, parti qui
s'est adapté à la politique raciste de Sarkozy.
Jean-Marc
Ayrault, chef de file du groupe PS au parlement, pressé par Fillon de désavouer
les propos de Letchimy a déclaré: «Nous
pouvons être d'accord ou non avec la forme. »
Lorsque ce soir-là, sur France 2, François Hollande
a été interrogé pour savoir s'il réprouvait l'intervention de Letchimy, il a
refusé de répondre. Il a balayé la controverse sur les propos de Guéant d'un
revers de main, la qualifiant de « polémique
inutile », en se contentant de faire remarquer qu'il
pensait que les propos de Guéant étaient une « provocation. »
Après la déclaration de Letchimy, les députés UMP
ont demandé qu'il soit traduit devant le bureau de l'Assemblée nationale où il
pourrait être condamné à une perte de salaire et une suspension. Le Monde
rapporte que, «Sur LCI, Christian Jacob,
président du groupe UMP à l'Assemblée, a réclamé mardi matin, conformément au
règlement de l'Assemblée nationale, des ' sanctions exemplaires' contre un
élu qui a établi, dit-on à droite, un parallèle honteux, voire monstrueux. »
En fait les remarques fascisantes de Guéant ne sont
qu'un élément d'une longue série de provocations et de mesures racistes de la
part du gouvernement Sarkozy. Parmi elles on compte des rafles massives
aveugles et des déportation de Roms et de sans-papiers, des provocations contre
les musulmans, telle l'interdiction du port de la burqa et des déclarations
répétées selon lesquelles les immigrants sont responsables de la criminalité.
La
question principale qui se pose est la suivante: Comment est-ce que la classe
dirigeante française a pu, à maintes reprises, appliquer une telle politique sans
rencontrer de réelle opposition politique?
L'ensemble
de la « gauche » bourgeoise et petite-bourgeoise, PS, Parti
communiste (PCF), Parti de Gauche, Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) ont
activement travaillé avec Sarkozy lors de campagnes islamophobes pour
légiférer sur l'interdiction de la burqa et, avant cela, du foulard islamique
dans les établissements scolaires.
Ils
ont soutenu la montée des guerres de l'impérialisme français en Afghanistan et
en Afrique, l'intervention néo-coloniale de l'an dernier en Libye, et
maintenant son appui aux forces intermédiaires pro-OTAN en Syrie qui sont
entraînées et approvisionnées par l'armée française et d'autres forces de
l'OTAN.
Le
NPA, le PCF et le PS ont travaillé avec les syndicats, notamment la CGT (Confédération
générale du travail) pour imposer la politique du cas par cas, consistant à ne
légaliser les sans-papiers que si un patron en avait besoin comme main d'oeuvre
bon marché et sans droit.
Letchimy lui-même n'a pas tardé à reculer. Le
Monde rapporte que lors de la réunion du bureau de l'Assemblée nationale du
8 février, « M. Letchimy, qui avait
prévenu M. Guéant qu'il ne serait pas 'le bienvenu' en Martinique, l'a assuré
qu'il ne ferait rien pour entraver sa visite, se contentant de ne pas
l'accueillir. » Le bureau a décidé de ne pas sanctionner
Letchimy.
Letchimy, président du Conseil régional de la
Martinique n'a pas tenté d'empêcher la visite de Guéant samedi dernier. Son
parti, le PPM s'est contenté de boycotter les meetings du ministre durant les
quatre jours de sa visite.