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Le parlement grec a voté un plan de mesures d'austérité de grande envergure qui plongera le pays encore plus dans la récession tout en apportant davantage de misère sociale.
Le vote s'est déroulé dimanche lors d'une session extraordinaire qui a duré dix heures et s'est achevée à minuit, alors que le parlement était encerclé par environ 4.000 policiers et que quelque 80.000 personnes protestaient devant le bâtiment.
Dans un contexte d'affrontements entre la police anti-émeute et les jeunes, le premier ministre grec non élu, Lucas Papademos a déclaré : « Le vandalisme, la violence et la destruction n'ont rien à faire dans un pays démocratique et ne seront pas tolérés. »
En fait, ces maux sociaux sont au coeur même du plan de rigueur - fondé sur une réduction des dépenses de quelque 3,3 milliards d'euros - et à présent adopté par le parlement grec en échange d'un renflouement du système financier d'une valeur de 130 milliards d'euros. La session extraordinaire avait été convoquée après que les ministres des Finances européens avaient déclaré qu'ils n'étaient pas satisfaits des engagements donnés la semaine dernière. Ils avaient alors ordonné aux représentants du gouvernement grec de s'engager plus résolument, par des coupes additionnelles des dépenses de 325 millions d'euros.
Le vote du parlement est survenu après une campagne soutenue de propagande avertissant qu'il n'y avait pas d'autre alternative que d'accepter les dictats de la « troïka » - la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international. Papademos a brandi la menace d'un effondrement économique et de chaos social en disant qu'un défaut de paiement des prêts grecs condamnerait le pays à un « calvaire désastreux. »
Papademos a dit à son cabinet : « Cela créerait des conditions d'un chaos économique et d'une explosion sociale incontrôlés. L'État ne serait plus en mesure de payer les salaires, de verser les retraites et de couvrir les coûts de fonctionnement élémentaires comme ceux des hôpitaux et des écoles. »
Les importations d'articles de base, dont les médicaments et le pétrole, deviendraient problématiques et des commerces fermeraient, a déclaré Papademos. Le « niveau de vie des Grecs s'effondrerait et le pays serait pris dans une spirale de récession, d'instabilité, de chômage et de misère. »
Dans une allocution nationale télévisée ce weekend, Papademos a affirmé que les mesures d'austérité allaient « restaurer la stabilité fiscale et la compétitivité mondiale de l'économie qui retrouvera la croissance, vraisemblablement au cours de la seconde moitié de 2013. » C'est un mensonge éhonté. En fait, ces mesures entraîneront la Grèce davantage encore dans une spirale vers le bas de croissance réduite, de chômage, de diminution des dépenses et de récession sans fin.
Après cinq ans de récession, la production s'est contractée en Grèce de 15,5 pour cent en décembre par rapport à l'année précédente. La production industrielle a baissé de 11,3 pour cent et le chômage a bondi à 20,9 pour cent. « C'est ce à quoi ressemble une spirale de la mort, » a remarqué le correspondant économique du Telegraph de Londres.
Les dirigeants des deux principaux partis parlementaires ont affirmé de concert qu'il n'y avait pas d'alternative.
« Si nous n'osons pas aujourd'hui, nous vivrons dans une situation catastrophique, » a dit l'ancien premier ministre et dirigeant du parti socialiste (PASOK), George Papandreou. « La formule. n'est pas bonne ou mauvaise : c'est la seule qui existe. »
Le dirigeant du PASOK parle de plus en plus pour nul autre que les banques et les intérêts financiers. Son parti, qui avait obtenu 44 pour cent des voix lors des dernières élections, ne jouit plus, selon les récents sondages, que de 8 pour cent de soutien.
Antonis Samara, dirigeant du parti Nouvelle Démocratie, a tenu des propos similaires. L'acceptation des mesures « nous éloigne de la faillite, du pillage, du chaos qui s'ensuivraient » après un défaut de paiement.
Le chaos est toutefois déjà là. La journaliste du Guardian, Helena Smith, qui couvre la Grèce depuis vingt ans, a constaté que « loin de combler les trous noirs du budget du pays, les mesures d'austérité drastiques l'ont poussé vers l'effondrement économique et social.
Les réductions implacables des salaires et des retraites, les augmentations d'impôt et les réformes visant une réduction des coûts ont fait que le pays est devenu l'ombre de lui-même. Dans sa cinquième année de récession consécutive, la Grèce est une version érodée de ce qu'elle fut jadis, se désagrégeant tous les jours un peu plus. Des hommes et des femmes fouillent la nuit dans les poubelles. Et bien plus de gens dorment dans la rue. »
Plus d'un tiers de la nation est officiellement enregistré comme vivant dans la pauvreté. Le chômage excède à présent un million de personnes - un taux de chômage de près de 21 pour cent. Le taux de chômage des jeunes avoisine les 50 pour cent.
Depuis que la crise financière mondiale a débuté, en 2008, l'on estime qu'au moins 20.000 personnes ont été jetées à la rue. Les gens dorment sur les trottoirs, les bancs publics, dans les gares, dans les galeries marchandes et dans les entrées d'immeubles. L'Église orthodoxe grecque dit nourrir 250.000 personnes par jour.
Si la classe ouvrière dans le reste de l'Europe décide d'ignorer la contre-révolution sociale qui est lancée en Grèce, elle le fera à ses risques et périls. C'est le terrain d'essai de ce qui est projeté partout sur le continent. On voit déjà clairement quels sont les prochains pays ciblés. Les taux d'intérêts de la dette portugaise demeurent à des niveaux historiquement élevés et, la semaine passée, l'agence de notation Standard & Poor's a dégradé ses évaluations de 34 banques italiennes, dont la plus grande du pays, UniCredit.
« La vulnérabilité de l'Italie aux risques financiers extérieurs a augmenté étant donné son endettement public extérieur élevé et qui a pour conséquence, pour les banques italiennes, une capacité grandement diminuée de refinancer l'ensemble de leur dette, » a précisé l'agence de notation.
Une fiction est mise en avant selon laquelle un défaut sur la dette en Grèce n'aura aucun impact sur le reste de l'Europe parce les injections massives de liquidités de la Banque centrale européenne ont stabilisé la situation. En fait, les actions de la BCE n'ont fait que créer les conditions d'une crise financière encore plus grave. En échange de prêts accordés aux banques, dans l'incapacité de lever la trésorerie nécessaire sur les marchés financiers, la BCE avait inscrit dans ses propres comptes de plus en plus d'investissements dans des dettes de qualité douteuse.
Alors que les actions de la BCE ont stimulé les marchés financiers, des observateurs plus perspicaces ont rappelé les expériences historiques précédentes. Dans un commentaire publié la semaine passée dans le Financial Times, l'ancien directeur général de la Banque Barclays, Martin Taylor, a remarqué : « Des analogies avec la période de l'entre-deux-guerres - une époque de faux espoirs continuels - sont en train de se multiplier de façon inquiétante. Tout comme au début des années 1930, l'onde de choc du krach, limitée dans un premier temps à ceux directement impliqués dans les marchés financiers, a douloureusement affecté la vie d'un nombre croissant de gens. »
L'effondrement économique des années 1930 a emporté toutes les formes de gouvernements démocratiques existant sur le continent européen et l'on a assisté à l'imposition de dictatures militaires et fascistes. Ce processus est de nouveau en cours. La Grèce et l'Italie sont dirigées par des gouvernements non élus et, de par l'Europe, la dictature de l'oligarchie financière devient de plus en plus manifeste. Alors que la forme du système parlementaire demeure, par-derrière des préparatifs sont mis en oeuvre en vue de formes de gouvernement dictatoriales permettant l'application de la contre-révolution sociale exigée par le capital financier. Les événements en Grèce n'en sont que le début.
(Article original paru le 13 février 2012)
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