WSWS : Nouvelles et analyses : Europe
Lors d'une campagne médiatique coordonnée, des dirigeants du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) ont appelé hier à une alliance avec le Front de Gauche dominé par les staliniens et ont indiqué qu'ils allaient soutenir le candidat du Parti socialiste (PS) François Hollande, malgré son programme libéral.
Le candidat du NPA à la présidentielle, Philippe Poutou a accordé une longue interview au Monde, appelant le Front de Gauche et le groupe de « gauche » petite-bourgeoise Lutte ouvrière (LO) à se regrouper pour construire une « opposition au PS. » Il a expliqué, « Si la gauche gagne, [c'est à dire le PS] il nous faudra construire une opposition au PS... Et cette opposition, le NPA ne peut pas la construire tout seul. »
Quand on lui demandé s'il allait appeler à voter Hollande au second tour pour battre le président sortant conservateur Nicolas Sarkozy, Poutou a laissé entendre qu'il le ferait : « Il faudra qu'on en discute collectivement à l'issue du premier tour pour savoir comment on formule la position du NPA. Aujourd'hui, ce qu'on dit, c'est qu'il faut dégager Sarkozy et toute sa bande. »
Le porte-parole et deux fois candidat à la présidentielle Olivier Besancenot a fait passer un message similaire sur radio Europe 1 : « Il faut construire une opposition à la gauche du gouvernement qu'on formule à Jean-Luc Mélenchon [candidat du Front de Gauche] et à Nathalie Arthaud [candidate de Lutte ouvrière]. Seront-ils oui ou non prêts à nous rejoindre? »
À la question de savoir s'il s'opposait au PS au point de ne vouloir voir ni Sarkozy ni Hollande à l'Élysée, il a répondu : « Non, non, si on parvient à battre Sarkozy, François Hollande sera à l'Élysée. » Faisant remarquer que de larges sections du Front de Gauche essaieraient d'obtenir des postes au gouvernement si Hollande était élu président, il a dit vouloir une alliance avec « les plus indépendants, » et a ajouté : « Je vois les choses en termes de résistance. »
Derrière les promesses creuses d'« opposition » et de « résistance » du NPA, la réalité politique est que le parti soutient une victoire de Hollande et prépare une alliance avec des forces qui rejoindront les officiels du PS dans des cabinets ministériels ou des blocs parlementaires. Ces forces comprennent le Parti de Gauche (PG) de Mélenchon, ancien ministre PS qui se présente en candidat du Front de Gauche, ainsi que le Parti communiste français stalinien (PCF), partenaire de coalition traditionnel du PS qui fournit au Front de Gauche le plus gros de ses adhérents.
Le NPA les soutient non pas en dépit de la politique qu'ils vont mener, mais du fait même de cette politique dont le NPA a tout à fait conscience et qu'il est disposé à soutenir. Ainsi après un meeting de campagne à Clermont-Ferrand le 27 mars, Poutou a dit qu'il « appellera à battre Sarkozy » même si le NPA n'a « aucune confiance » en Hollande, dont la politique sera « une austérité de gauche... Mais cela ne veut pas dire que Sarkozy et Hollande c'est blanc bonnet et bonnet blanc. »
Ceci veut dire que le NPA est disposé à soutenir l'austérité si elle est mise en place par le parti de la « gauche » bourgeoise, et non par Sarkozy. C'est tout à fait dans la ligne de la politique plus large poursuivie par le NPA qui a soutenu la bureaucratie syndicale alors même qu'elle étranglait les grèves et les manifestations de la classe ouvrière contre la politique d'austérité, ainsi que l'impérialisme français dans ses guerres en Libye et en Syrie. Cette politique marque le NPA du sceau de parti petit-bourgeois pro-impérialiste qui vire rapidement à droite.
L'argument avancé par Poutou pour justifier son soutien à Hollande, argument selon lequel ce dernier, en tant que politicien de la « gauche » bourgeoise, va effectuer des coupes sociales moins draconiennes et plus acceptables, est un mensonge politique.
D'un point de vue factuel, cette affirmation est fausse. En Grèce, la bourgeoisie s'est tournée vers deux gouvernements soutenus par le parti social-démocrate PASOK ; d'abord le social-démocrate Giorgios Papandreou en 2009, puis Lucas Papademos l'année dernière, pour détruire les acquis d'après-guerre de la classe ouvrière en Grèce en perpétrant les coupes sociales les plus draconiennes d'Europe. Ces deux premiers ministres ont réduit les salaires de 30 à 50 pour cent, fait grimper en flèche le chômage, fait d'un grand nombre de personnes des sans domicile fixe et les ont privés de l'accès aux soins médicaux.
Mais de façon plus significative, cela indique le fossé de classes qui sépare les idées du NPA d'une opposition révolutionnaire à l'élite dirigeante capitaliste. Malgré son nom, le NPA ne s'oppose pas au capitalisme ; au contraire, il cherche à renégocier sa place au sein des forces de la « gauche » petite-bourgeoise dans l'orbite du PS.
Dans son interview au Monde, Poutou a acquiescé au PCF stalinien et au PG, Parti de Mélenchon ayant fait scission d'avec le PS, en faisant l'éloge de la campagne de Mélenchon : « Il y a un succès qui est positif dans le sens que ça peut donner la pêche aux militants du PCF et du PG, mais si c'est pour nous refaire le coup de la gauche plurielle, ça pose problème. »
En fait, Mélenchon était un partisan de la première heure du gouvernement de gauche plurielle (1997-2002) conduit par le PS et le PCF, dont le programme de privatisations et de suppressions d'emplois le rendit fort impopulaire. Cela n'empêche pas Poutou de promouvoir les illusions que le Front de Gauche pourrait appliquer une politique différente de celle du gouvernement de gauche plurielle, afin de justifier le soutien que le NPA leur apporte.
Ceci confirme l'analyse du WSWS en 2009 au moment où la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) « trotsko-guévariste » se dissolvait pour fonder le NPA. Le WSWS avait écrit, « Pour faire partie du réarrangement de la gauche par la bourgeoisie, la LCR doit montrer clairement qu'elle rompt tous les liens, aussi ténus soient-ils, qu'elle a pu avoir avec une politique révolutionnaire. Dans la mesure où la LCR est associée au trotskysme dans l'esprit du public, cela constitue un obstacle au fort virage à droite qu'elle prévoit d'effectuer en collaboration avec les syndicats, le Parti socialiste (PS), et les autres forces de l'establishment politique français. »
Tandis que la bourgeoisie oeuvre à transformer les relations de classes dans toute l'Europe, par des mesures d'austérité dévastatrices en Grèce, au Portugal, en Espagne en Italie et ailleurs, le NPA veut contribuer à imposer cette politique à la classe ouvrière. Qu'elle le fasse à l'intérieur du Front de gauche, en participant à une majorité parlementaire pro-PS, ou simplement en tant qu'opposition loyale au PS, proposant à Hollande une critique constructive, c'est, du point de vue de la classe dirigeante, un détail technique. La classe dirigeante exigera l'option qui limitera le plus efficacement l'opposition de la classe ouvrière aux coupes sociales.
En France, selon des économistes, les salaires devraient être réduits de 10 à 20 pour cent à tous les niveaux, pour rivaliser avec l'industrie allemande. Mais ce ne serait qu'un acompte sur les coupes sociales qui seront exigées pour maintenir l'exploitation des travailleurs français et allemands au niveau de leurs frères de classe surexploités d'Europe du sud et des pays en voie d'industrialisation d'Asie et d'Amérique latine.
Telle est la tâche que Hollande et ses partisans de la « gauche » petite-bourgeoise, tel le NPA, se verront confier par la bourgeoisie, si le PS venait à gagner l'élection présidentielle.
(Article
original publié le 12 avril 2012)
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