Le candidat du Parti socialiste François Hollande
a accordé de longues interviews vendredi à divers journaux, dans lesquelles
il fait l'éloge du candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon qu'il
cherche à utiliser comme couverture pour sa propre politique pro-guerre et
pro-austérité.
Hollande a dit dans Libération: «
Jean-Luc
Mélenchon n’est pas mon adversaire, ni même mon
concurrent. »
Interrogé pour savoir si cela l'aiderait que
Mélenchon fasse un score élevé, Hollande a refusé de répondre. «C
e
qui compte, c’est un bon score de François Hollande au premier tour, »
a-t-il dit, ajoutant, « Moi, je suis dans une
campagne présidentielle pour la gagner. »
Les sondages indiquent que les intentions de vote
pour Mélenchon atteignent 17 pour cent, ce qui le place en troisième
position après Hollande et le président sortant Nicolas Sarkozy. Cette
augmentation reflète le soutien aux propositions qu'il avance, telle
l'augmentation du salaire minimum à 1 700 euros ( 2 223 dollars) et une taxe
sur les richesses.
Mais ces propositions sont cyniques étant donné
que Mélenchon, partisan de la politique droitière du défunt président
François Mitterrand et du gouvernement de gauche plurielle du premier
ministre Lionel Jospin, n'a aucune intention de les appliquer. (Voir
Ces signes de Hollande à l'intention de Mélenchon
soulignent le fait qu'il compte sur Mélenchon pour lui fournir une façade de
gauche pour sa propre campagne, malgré son programme droitier. C'est un
réquisitoire à l'encontre de la politique de l'ensemble de la « gauche »
bourgeoise, y compris du Front de Gauche, et de sa promotion de Hollande
comme alternative à Sarkozy.
Hollande compte sur le Front de Gauche,
principalement constitué du Parti communiste stalinien et du Parti de Gauche
de Mélenchon, et qui est mis en avant par le Nouveau Parti anticapitaliste,
pour semer des illusions réformistes. Pendant ce temps, Hollande se présente
comme l'unique candidat de « gauche » ayant une chance de l'emporter.
Ce n'est que la toute dernière manoeuvre de
mauvaise foi de Hollande pour stimuler des illusions sur sa campagne dans la
classe ouvrière. En février dernier, il avait fait une promesse creuse de
taxer à 75 pour cent les revenus annuels dépassant un million d'euros. Un
peu plus tôt le même jour, il avait promis de poursuivre la participation de
la France à l'OTAN, d'accroître les attaques contre les immigrants et de
maintenir le nombre d'années de cotisations imposées par Sarkozy pour
obtenir une retraite à taux plein.
Tout en lançant des signes à Mélenchon, Hollande
donne des assurances ambiguës mais indubitables aux investisseurs qu'il va
poursuivre les mesures d'austérité et supprimer des emplois pour restaurer
la compétitivité internationale de la France. Il s'est vanté lors d'un
récent meeting à Rennes: «
On nous dit :
'Attention, la Gauche revient, elle va vider les caisses.' C’est fait ! '
Attention, la Gauche, si elle revient, va augmenter la dette.' C’est fait !
' La Gauche va dégrader la compétitivité.' C’est fait ! Eh bien nous, nous
ferons tout l’inverse. »
Hollande a clairement fait comprendre qu'il
réduirait drastiquement les dépenses publiques afin de revenir à zéro
déficit d'ici 2017, tout en prétendant de façon absurde que de telles
mesures d'austérité seraient compatibles avec la poursuite de la croissance
économique.
Il a aussi indiqué qu'il poursuivrait les
interventions militaires françaises là où les intérêts impérialistes
français étaient en jeu. Après avoir promis de maintenir la France dans la
structure de commandement de l'OTAN et avoir soutenu l'intervention
militaire de l'OTAN en Libye, il a promis de continuer à faire pression sur
la Syrie.
Il a dit que « La Syrie
sera un sujet extrêmement préoccupant, je ferai tout
(et je n’ai pas de critique à faire sur la diplomatie française) pour que le
Conseil de sécurité puisse enfin décider un niveau de sanction et
d’intervention permettant d’en terminer avec les massacres. »
Si Hollande est élu, sa politique sera déterminée
non pas par ses promesses de campagne mais par les exigences des marchés
financiers d'accroître les coupes sociales et les attaques contre la classe
ouvrière. Il a déjà laissé entendre de façon voilée qu'il abandonnera son
programme s'il est soumis à la pression des marchés.
Dans une autre interview vendredi, le quotidien
économique Les Echos a fait remarquer à Hollande: «
vous
souhaitez une initiative de croissance. Mais les marchés n’attendront
peut-être pas » Le candidat du PS a répondu que
sa «responsabilité de candidat, c’est d’envoyer
un message de cohérence dans les choix et de confiance dans les engagements.»
Néanmoins, comme Hollande a promis de réduire les déficits budgétaires,
l'unique mesure « cohérente » consiste à appliquer des coupes sociales plus
importantes.
Le Guardian a fait remarquer, « Avec la
nervosité des marchés concernant l'Espagne et l'Italie, les économistes ont
prévenu que la France pourrait être le prochain pays dans une situation
économique désespérée qui ébranlerait l'euro. »La France a le niveau de
dépense publique le plus élevé d'Europe, à plus de 55 pour cent du produit
intérieur brut. La presse économique dit que la France n'est pas allée assez
loin dans les coupes sociales pour réduire la dette publique, tandis que le
patronat critique le niveau des salaires qui mine la compétitivité française
notamment par rapport à l'Allemagne.
Les marchés financiers sont conscients de la
résistance de la classe ouvrière aux coupes sociales, malgré la trahison par
la bureaucratie syndicale des grèves contre les coupes sociales. Le
Financial Times a cité un banquier français en vue: « Il aurait fallu
faire davantage, mais quand on entreprend ces réformes en France, il faut
surmonter une très forte résistance. »
Le 11 avril, le Financial Times a publié un
article intitulé « Election française: L'hitoire de deux présidences, » qui
montrait l'échec du président sortant droitier, Nicolas Sarkozy, à appliquer
des coupes sociales d'envergure depuis son élection en 2007. Selon le
Financial Times, « M. Sarkozy n'a pas proposé une refonte radicale du
modèle social de la France. »
Malgré les coupes impopulaires dans les retraites
en 2010, que les syndicats ont négociées avec Sarkozy après avoir trahi les
protestations massives de la classe ouvrière, le Financial Times a
regretté que sous Sarkozy, « Des réformes fondamentales, telle la
suppression des 35 heures et l'ouverture des professions très réglementées (
closed shops) tels les conducteurs de taxi, n'aient jamais été mises en
place, ce qui a provoqué la frustration de beaucoup de gens qui attendaient
davantage. » Le journal cite Vincent Beaufils, rédacteur en chef du magazine
économique Challenges critiquant « L'incapacité de Sarkozy à faire
entrer la France dans une autre ère. »
Le Guardian écrit que la France « Deuxième
plus importante économie de la zone euro, avec un modèle social généreux et
un des plus hauts niveaux de dépense publique d'Europe occidentale s'est
entendu dire par son audit national qu'elle est sous la menace d'une
intenable spirale de la dette. » Le journal poursuit: « Le chômage est à son
plus haut de ces douze dernières années à presque 10 pour cent, la
croissance stagne, la note en triple A a été baissée et le pays est
tellement endetté que le remboursement des intérêts est la deuxième dépense
la plus importante de l'Etat après l'éducation. »