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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Le candidat du Front de Gauche organise un rassemblement électoral à Marseille pour les élections présidentielles

Par Alex Lantier à Marseille
17 avril 2012

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La manifestation à Marseille

Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dimanche sur l’avenue du Prado à Marseille afin d’assister au rassemblement électoral de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle. C’était le troisième rassemblement, après Paris et Toulouse, d'un candidat dont on prévoit qu'il viendra en troisième position lors du vote du 22 avril, après le président sortant Nicolas Sarkozy, et le candidat François Hollande du Parti socialiste (PS).

La participation à la manifestation à Marseille reflète les attentes répandues pour une politique de gauche contre les banques, ainsi que les espoirs soulevés par le programme électoral de Mélenchon—qui appelle à augmenter le salaire minimum, à élargir l’accès aux soins de santé et à limiter les inégalités sociales.

Cependant, une grande contradiction traversait le rassemblement : ces attentes sont placées sur le Front de Gauche, qui est composé de forces incapables de s’opposer sérieusement à l’establishment politique dont ils font partie—le Parti de Gauche et son dirigeant, Mélenchon, ex-ministre du gouvernement de la gauche plurielle menée par le PS (2000-2002) ainsi que le Parti communiste français (PCF) stalinien. Le PS, le PCF et leurs alliés ont un long bilan, lorsqu’ils étaient au gouvernement dans les années 1980 et 1990, de mise en place de mesures d’austérité exigées par l’élite dirigeante. Le fait que les espoirs populaires pour le changement politique et social reposent sur de telles forces discréditées montre le vide à gauche en France.

Mélenchon a commencé son discours samedi en faisant référence à la Méditerranée et aux révolutions d’Egypte et de Tunisie, appelant à l’annulation de la dette tunisienne : « Nous voyons la direction prise par le mouvement du peuple. Nous devons alléger le fardeau de ces peuples, particulièrement nos frères et sœurs en Tunisie. » Il a critiqué la présence militaire américaine en Méditerranée, dont il a dit que ce devait être une « zone de paix » et a dénoncé les tentatives de diviser la population sur des bases religieuses : « Foutez-nous la paix sur les religions, toutes les religions ».

Il a continué : « Nous écrivons une page dans l’histoire de la gauche, la gauche qui ne trahit pas. » Il a promis de défendre « ceux qui sont méprisés, ignorés, insultés. Nous en avons assez d’entendre que nous sommes des parasites. Les seules personnes qui sont des parasites dans ce pays sont les riches. » Il a fait l'éloge de la classe ouvrière comme étant « la classe de l’intérêt [national] commun, la classe patriotique » et aussi comme une classe « écologique ».

Faisant référence à la création à la bourse allemande d’instruments financiers pour spéculer contre la dette souveraine de la France, il a mis en garde : « La finance va attaquer après le 16 avril [lorsque Eurex, filiale de la bourse allemande, va lancer un nouveau contrat à terme standardisé sur les obligations du gouvernement français] et la France ne va pas abandonner. » Il a appelé ses partisans à répondre aux appels des syndicats à des grèves de protestations, les appelant à être « cultivés » et « une force disciplinée dans la lutte. » Il a terminé par ces mots : « Vive la République, vive la France ! »

La perspective de Mélenchon s’est maintes fois avérée être une impasse pour la classe ouvrière européenne dans sa lutte contre la dictature du capital financier. La politique qu’il a présentée— à savoir que les travailleurs doivent suivre les bureaucraties syndicales dans des grèves de protestations limitées pour influencer la politique de l’Etat—a été la ligne des partis de « gauche » staliniens et petit-bourgeois sous les gouvernements sociaux-démocrates en Grèce, en Espagne et au Portugal ciblés par les banques. Ces gouvernements sont allés de l’avant avec la politiques d’austérité, ignorant les protestations populaires et appauvrissant les travailleurs de ces pays.

Le nationalisme et le patriotisme promus par Mélenchon, malgré son enrobage de « gauche », expriment des intérêts sociaux qui sont complètement hostiles à la classe ouvrière. Il a été assez prudent pour cacher les implications chauvines et impérialistes de ses positions nationalistes, tel son soutien à la participation de la France dans la guerre libyenne ou le rôle du PCF dans la proposition d’une loi interdisant la burqa. C’est pour cela que Mélenchon ne pouvait pas expliquer la différence entre sa politique et celle des politiciens de « gauche », dans le Parti socialiste et le Parti communiste, dont il a implicitement admis leur trahison de la classe ouvrière. La politique de Mélenchon est, en fait, largement la même et n’a rien à voir avec la lutte révolutionnaire qui serait nécessaire pour obtenir des emplois décents, desconditions de vie décentes et des droits fondamentaux contre le capitalisme français traversé par la crise.

Farid

Les reporters du WSWS lors du rassemblement ont parlé avec Farid, technicien dans un hôpital de Marseille et membre de l’équipe de sécurité du PCF. Il a dit qu’il espérait voir Mélenchon obtenir « un bon score dans les élections présidentielles, afin d’avoir un impact sur les questions politiques et de changer le débat… Si Hollande est élu, ce ne sera pas comme en Grèce ; Hollande sera bien contrôlé par la gauche. »

Il a dit que les réformes de la Sécurité sociale de Sarkozy, permettant aux médecins de facturer les patients pour chaque consultation, a créé de « l’inégalité, et qu'une partie importante de la population n’a pas accès aux soins médicaux. » Il a aussi indiqué les pertes de milliers d’emplois industriels à Marseille avec la fermeture de l’usine de ciment Lafarge, des usines pétrochimiques Kulhmann et des chantiers de construction de navires. Il a dit : « Nous avons besoin de banques au service de la nation… une partie du système bancaire doit être pour l’industrie et une autre partie doit être pour la finance purement et simplement. »

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait qu’il fallait un gouvernement ouvrier, comme ce qui avait émergé en URSS lors de la Révolution d’octobre, Farid a répondu : « Nous ne voulons pas un gouvernement ouvrier, mais nous voulons gouverner avec le peuple… Nous voulons que cet idéal soit au service du peuple. »

Etienne, étudiant, s'est dit d’accord avec « pratiquement tout » dans le programme de Mélenchon, ajoutant qu’il espérait que le politicien du Parti de Gauche influencerait une présidence de Hollande : « Même s’il ne gagne pas, il aura une influence sur le programme de Hollande. » Il a cité la proposition de Hollande de taxer les revenus annuels au-dessus de 1 million d’euros à 75 pour cent comme un exemple de l’influence de Mélenchon sur le PS.

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait que Mélenchon allait vraiment influencer la politique de Hollande si ce dernier était au gouvernement, il a dit : « C’est difficile à dire. » Notant qu’il était jeune lorsque Mélenchon faisait partie de l’équipe politique du PS sous François Mitterrand, Etienne a ajouté qu’il espérait que Mélenchon « avait corrigé sa conduite depuis ce temps. »

Le WSWS a aussi parlé avec Jean-Marc, qui travaille chez Arsenal et répare des avions de combats français et qui est un sympathisant du PCF. Il a dit qu’il assistait au rassemblement « pour défendre notre politique, la distribution de la richesse, les retraites et les services publics. » Il a dit vouloir « un changement contre toute l’Europe financière, qui nous poussera à la rue comme ils l’ont fait en Grèce. »

Lorsqu’on l’a questionné sur la participation de la France à la guerre en Libye, que Mélenchon avait soutenue, Jean-Marc a dit: « Je n’ai pas aimé ça. Nous sommes là pour nous défendre, pas pour faire la guerre et la France n’a pas été attaquée. Je suis plus près du PCF que du Front de Gauche, pour tenter de battre le capitalisme. … Mais, je n’approuve pas ce que les régimes staliniens ont fait, ce n’était pas le communisme et ce n’était pas ce que Marx a décrit, il y a eu de grandes erreurs. »

Les reporters du WSWS ont fait remarquer qu’il y a une différence profonde entre le nationalisme de la bureaucratie stalinienne et la politique internationaliste et révolutionnaire défendue par Léon Trotsky et la Quatrième Internationale. Dans ce qui fut peut-être la plus remarquable des luttes du 20e siècle en France, cette ligne stalinienne avait mené le secrétaire du PCF, Maurice Thorez, à s’opposer à la continuation de la grève générale de 1936 contre le gouvernement du Front populaire du social-démocrate Léon Blum, pour défendre plutôt l’unité nationale.

Jean-Marc a répliqué que Thorez tentait de préparer la défense nationale de la France contre les nazis avant le début de la Deuxième guerre mondiale. Il a continué : « Je défends les gains sociaux du Conseil national de la Résistance, les congés payés [obtenus comme une concession en échange de la fin de la grève générale de 1936], cela a été possible grâce au PCF. Il y avait une énorme différence entre Staline et Trotsky. Je ne suis pas trotskyste, mais je ne suis pas un stalinien. »

Lorsqu’on lui a demandé ce que, selon lui, la dissolution de l’URSS en 1991 signifiait pour la classe ouvrière en France, il a dit : « Depuis les années 1980, les conditions n'ont cessé de dégénérer. Dans les 15 dernières années en particulier, les choses ont empiré, avec la question de payer pour les soins médicaux et l’introduction de l’euro, ça peut être difficile de faire toutes ses courses. »

Les reporters du WSWS lui ont fait remarquer qu’en se distançant du Front de Gauche, il montrait qu’il ne faisait pas entièrement confiance à Mélenchon. Jean-Marc a répondu : « Mélenchon a été un ministre du PS, voilà pourquoi. Hollande est encore plus à droite, il ne changera rien… J’espère que Mélenchon va conserver sa ligne politique actuelle. »

(Article original publié le 16 avril 2012)

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