Bien que le pouvoir le plus notoire de la
présidence française soit son contrôle sur la politique étrangère, la politique
étrangère est remarquablement absente de la campagne présidentielle actuelle.
Alexandre Adler du Figaro, l'un des rares journalistes à écrire sur le
sujet, a fait brièvement remarquer dans une récente chronique que la « politique
étrangère ne fait pas recette dans la campagne ».
Ceci
est d'autant plus remarquable que l'Europe est actuellement impliquée dans une
crise financière qui dure depuis quatre ans et dans des guerres qui
s'intensifient. La France est en guerre en Afghanistan et en Libye, elle
soutient des forces de guérilla mercenaires contre le président syrien Bashar
Al-Assad et fait partie de la coalition, menée par les États-Unis, menaçant
d'attaquer l'Iran. Quelque 76 pour cent de la population s'opposent au
déploiement de la France en Afghanistan et 51 pour cent s'opposent à la guerre
en Libye.
Et
malgré cela, le candidat du Parti socialiste (PS) François Hollande, principal
rival de « gauche » bourgeoise du président sortant Nicolas Sarkozy,
a déclaré le mois dernier que s'il était élu, il ne reviendrait pas sur la
décision de Sarkozy en 2009 de réintégrer la France dans le commandement
militaire de l'OTAN.
Comme
le laissent clairement entendre les déclarations de Hollande sur la
réintégration de la France dans l'OTAN et l'absence de critiques de la part des
partis de « gauche » bourgeois ou petits-bourgeois à l'égard des guerres
de Sarkozy, l'élite dirigeante entend poursuivre la politique de Sarkozy malgré
l'opposition de masse de la classe ouvrière. Elle signale tacitement son
soutien au changement radical de politique étrangère opérée par Sarkozy par
rapport à la politique de son prédécesseur, le président conservateur Jacques
Chirac.
La
présidence de Chirac de 1995 à 2007, première présidence à se dérouler
entièrement après la chute en 1991 de l'URSS, fut marquée par la fin de la
politique de Guerre froide de la France. Les appels de la France à un ordre
mondial « multi-polaire », reflétés dans la critique des États-Unis,
faite en 1998 par le ministre des Affaires étrangères Védrine, comme étant une « hyper-puissance »,
conduisirent à des heurts avec Washington, tout d'abord concernant les
activités françaises en Iran, puis plus sérieusement, au moment où la France
rejoignit l'Allemagne et la Russie contre l'invasion américaine de l'Irak en
2003.
La
tentative de Chirac de développer la politique française en Europe échoua. Bien
que la France fût l'un des douze pays à adopter la monnaie commune (euro) lors
de son lancement en 2002, elle connut aussi une opposition croissante de la
classe ouvrière à l'Union européenne (UE). Chirac fut stupéfait lorsque
l'opposition à un projet de Constitution européenne, sur fond de craintes
justifiées que cela conduirait à un nivellement par le bas des salaires et des
droits sociaux à travers toute l'Europe, mena à la défaite de ce projet lors
d'un référendum en 2005 en France.
Le
gouvernement Sarkozy qui lui succéda rétablit rapidement les relations avec
Washington en envoyant des représentants visiter l'Irak sous occupation
américaine et en menaçant l'Iran de guerre en 2007 avant de rejoindre
pleinement l'OTAN en 2009. Mais la France rétablit des liens avec Washington au
moment où les Etats-Unis eux-mêmes entraient dans une crise sociale profonde et
durable.
Le
krach financier américain de 2008 transforma les relations au sein de l'Europe.
Tandis que l'Allemagne et la France s'unissaient pour imposer des mesures
d'austérité féroces aux travailleurs de Grèce, d'Espagne, du Portugal et
d'Italie, leurs relations se tendaient de plus en plus. En 2010, Sarkozy menaça
de retirer la France de la zone euro pour contraindre l'Allemagne à financer
des plans de sauvetage visant à renflouer les banques françaises qui avaient
prêté de l'argent à la Grèce en proie à une crise grave. La France mit ensuite
en place une alliance militaire avec la Grande-Bretagne, excluant l'Allemagne.
Avant
tout, la France a réagi aux déclenchements des luttes révolutionnaires de la
classe ouvrière en Egypte et en Tunisie l'an dernier en se lançant dans une
série de guerres et d'interventions en Libye, en Côte d'Ivoire et maintenant en
Syrie et peut-être au Mali. Sarkozy a clairement fait entendre que ce serait
une politique persistante de l'impérialisme français. En se lançant dans la
guerre contre la Libye, une guerre qui s'est terminée par l'assassinat du chef
d'Etat libyen Muammar Kadhafi, il a ouvertement dit : « Chaque dirigeant, et notamment (chaque) dirigeant arabe,
doit comprendre que la réaction de la communauté internationale et de l'Europe sera désormais chaque fois
la même. »
Le
fait que des aspects fondamentaux de politique économique et militaire
internationale ne soient pas traités durant la campagne électorale souligne le
caractère frauduleux de cette campagne électorale. La classe ouvrière a été
politiquement privée de représentativité par les candidats du PS et de la
« gauche » petite-bourgeoise (Front de Gauche conduit par les
staliniens, Nouveau Parti anticapitaliste et Lutte ouvrière) qui soutiennent
ces guerres.
La
politique étrangère toujours plus agressive de la bourgeoisie française menace
non seulement les peuples du Moyen-Orient, mais aussi la classe ouvrière
française et européenne. Tout comme aux États-Unis, les guerres à l'extérieur
du pays seront utilisées pour attaquer les droits démocratiques dans le pays et
pour mettre en place des attaques encore plus dures contre le niveau de vie des
travailleurs, au motif de budgets de la Défense en hausse. Le coût pour les États-Unis
des guerres en Irak, Afghanistan et Pakistan est estimé entre 3,7 et 4,4 mille
milliards de dollars, soit un montant plus élevé que les dettes de la Grèce et
de l'Espagne réunies.
Lors
d'une conférence de presse à Paris le 5 avril, le président Sarkozy a déclaré
que certains pays sont « Au bord d'un précipice... Nous ne pouvons pas
refuser de faire le choix historique, compétitivité, innovation,
investissement, réduction des dépenses publiques. La situation que connaissent aujourd'hui nos amis
espagnols après celle qu'ont connue nos amis grecs, nous rappelle à des
réalités. »
La
déclaration de Sarkozy, largement passée sous silence, est une menace
signifiant que si le président élu n'applique pas une politique suffisamment
droitière, la France subira le traitement imposé par les banques à la Grèce et
à l'Espagne, où la moitié des jeunes sont sans emploi, où les salaires ont été
diminués de 30 à 50 pour cent, où le nombre de sans domicile fixe a grimpé en
flèche et où les soins médicaux deviennent de plus en plus inaccessibles.
Le Financial Times a cité un économiste de
la Bank of America Merill Lynch : « Je pense que le nouveau
gouvernement français se verra accorder très peu de temps pour convaincre les
marchés sur ses projets. »
Durant
ces dix dernières années, l'économie française a perdu du terrain par rapport à
l'Allemagne, son principal rival en Europe. En 2000, le coût du travail horaire
en France était 8 pour cent plus bas qu'en Allemagne ; en 2012, il est 10
pour cent plus élevé. De 1999 à 2008, le coût unitaire de main-d'oeuvre
allemand a été réduit de 20 à 30 pour cent par rapport à d'autres pays de la
zone euro, et les exportations allemandes ont explosé.
L'Allemagne
a accompli sa supériorité économique en perpétrant les plus dures attaques
contre la classe ouvrière depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le gouvernement
social-démocrate (SPD)-Vert de Gerhard Schröder, en collaboration étroite avec
les syndicats, a réduit de façon draconienne les dépenses sociales et les
salaires, libéralisé les marchés du travail et réduit les taxes des entreprises
et des riches. La bourgeoisie française regarde avec convoitise de l'autre côté
du Rhin. Elle veut imposer de pareilles coupes sociales en France. Les banques
montent les uns contre les autres les travailleurs de toute l'Europe dans une
course vers le bas en termes de salaires et de niveau de vie.
La
classe ouvrière française est à la veille d'énormes batailles de classes où les
travailleurs vont devoir se battre pour établir l'unité politique de la classe
ouvrière européenne et internationale dans une lutte contre la guerre et
l'austérité sociale.