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La Chine autorise une fluctuation accrue du yuan
Par John Chan
28 avril 2012
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La semaine dernière, la Banque populaire de Chine
a autorisé le yuan à davantage fluctuer quotidiennement, faisant passer la
bande de fluctuation de 0,5 pour cent à 1 pour cent. À court terme, la
Banque centrale de Chine va continuer à intervenir sur les marchés
monétaires afin de s’assurer qu’aucune fluctuation majeure ne vienne
perturber les exportations déjà en difficulté de la Chine. Néanmoins, cette
mesure est une étape vers un taux de change basé plus sur le marché qui va
aussi internationaliser la monnaie du pays.
Le secrétaire au Trésor des États-Unis, Tim
Geithner, a accueilli la mesure comme étant « très significative et très
prometteuse ». L’administration Obama fait pression depuis longtemps sur la
Chine pour qu’elle adopte un yuan plus flexible et qu’elle ouvre davantage
son secteur financier. La chef du Fonds monétaire international (FMI),
Christine Lagarde, a déclaré : « Ce n’est pas un pas de bébé, c’est un très
bon pas dans la bonne direction. »
Les puissances occidentales reconnaissent que la
réforme du yuan fait partie d’un programme plus large provenant des factions
dominantes du régime du Parti communiste chinois (PCC) qui permet aux
banques mondiales et aux entreprises de restructurer les grandes entreprises
qui appartiennent toujours à l’État, particulièrement dans les secteurs
protégés comme celui des banques.
Le premier ministre, Wen Jiabao, a ouvertement
critiqué les principales banques d’État le 4 avril. « Je serai franc, a
déclaré Wen, nos banques font des profits trop facilement. Pourquoi ? Parce
qu’une petite partie des grandes banques ont un monopole. » Il a soutenu que
« pour briser le monopole, nous devons permettre au capital privé d’entrer
dans le secteur financier. »
La banque centrale chinoise a étroitement contrôlé
le taux de change entre le yuan et le dollar américain depuis 1994 afin de
maintenir la compétitivité des exportations chinoises. En 2007, Beijing a
laissé fluctuer quotidiennement le yuan de 0,3 pour cent à 0,5 pour cent
sous la pression de Washington pour réévaluer la monnaie. Mais le régime du
PCC a mis un frein à tout élargissement de la capacité commerciale après que
la crise financière mondiale de 2008-2009 ait provoqué la déroute des
exportations chinoises, laissant initialement 23 millions de travailleurs
migrants intra-Chine sans emploi.
L’augmentation de la fluctuation quotidienne de la
semaine dernière est venue après des signaux clairs que les exportations ne
peuvent continuer à propulser l’expansion économique rapide de la Chine, ce
qu’elles ont fait pendant les deux dernières décennies. L’excédent du
commerce extérieur a diminué de moitié en 2011 à seulement 155 milliards de
dollars et le présent surplus commercial a chuté en deçà de 4 pour cent du
produit intérieur brut – en baisse par rapport à son sommet de 10 pour cent
en 2007.
Avant 1994, la monnaie chinoise était relativement
indépendante des économies occidentales. La réforme monétaire de cette
année-là a marqué un changement profond : l’ancrage du yuan au dollar, tout
en dévaluant massivement la monnaie chinoise pour faire augmenter les
exportations. La parité yuan-dollar a été essentielle à la transformation
des régions comme le Yangtze et le delta de la rivière des Perles en centres
manufacturiers de travail à bon marché les plus grands du monde.
Les réserves en monnaies étrangères de la Chine
ont monté en flèche, passant de 160 milliards $ en 2000 à plus de 3
trillions $ en 2011, en raison de l’influx massif de revenus provenant des
exportations et des capitaux étrangers. Une bonne partie des réserves en
dollars a été retournée aux États-Unis par l’achat d’obligations
américaines, prétendument l’investissement le plus sûr à l’époque. Hormis
les 1,2 trillion $ en obligations du gouvernement fédéral américain, la
Chine détient environ 400 milliards $ en obligations provenant des géants de
l’immobilier, Freddie Mac et Fannie Mae, tous deux soutenus par le
gouvernement.
La montée des prix de l’immobilier aux États-Unis
a permis aux ménages de la classe ouvrière américaine, qui dépendait de plus
en plus de leurs dettes en raison des salaires à la baisse, d’entreprendre
les dépenses de consommation qui a propulsé la production en Chine. Presque
tout le boom chinois reposait sur des exportations en croissance. Seulement
35,6 pour cent du PIB chinois était attribuable à la consommation intérieure
en 2011, comparé à 70 pour cent en Amérique, en raison de la
super-exploitation des travailleurs chinois.
Les niveaux de consommation très bas de la Chine
ont mené à l’accumulation rapide du capital pour l’investissement, qui
compte maintenant pour la moitié du PIB, comparé à la moyenne mondiale de 20
pour cent. Cela était viable seulement parce que le consommateur américain
dépensait cinq fois plus que la Chine, même si la production manufacturière
de la Chine et l’investissement de capitaux fixes augmentaient plus
rapidement qu’aux États-Unis.
Comme le krach de 2008-2009 l’a démontré, toute
diminution de la demande extérieure a rapidement mené à une crise de
surproduction, à des fermetures d’usines et à une augmentation du chômage en
Chine.
Le système financier chinois est basé sur la
production destinée à l’exportation. La destruction de la plupart des
entreprises détenues par l’État dans les années 1990, qui fournissaient des
logements et une couverture médicale à leurs employés, ont forcé les
travailleurs à sauvegarder ce qu’ils pouvaient de leurs bas salaires dans
des comptes bancaires. Les banques ont placé les taux d’intérêt bas pour les
dépôts, qui étaient en retour cruciaux pour les opérations de la banque
centrale. Elle a été en mesure de contrer l’inflation et de garder la
monnaie stable en achetant les dollars qui entraient au pays par les
exportations et en émettant des obligations en yuan à faibles taux
d’intérêt.
En fait, les épargnes chinoises subventionnaient
tout le cycle commercial. Certains économistes ont décrit ce processus comme
l’ « exportation des épargnes » vers les États-Unis.
Les faibles taux d’intérêt chinois ont aussi
fourni du crédit bon marché pour propulser le boom, mené par
l’investissement de l’État, dans des industries aussi variées que les
télécommunications et les automobiles en passant par la métallurgie et les
infrastructures. Les entreprises occidentales dans ces secteurs ont formé
des coentreprises et des partenariats avec les firmes d’État chinoises,
engrangeant d’énormes profits.
Cependant, avec l’effondrement des bulles
financières et immobilières américaines en 2007-2008, le « mariage »
heureux du recyclage du dollar par la Chine et les États-Unis a pris fin,
tout comme le modèle de capitalisme « dirigé par l’État » en Chine.
Les mesures de stimulation économique de Beijing,
qui a déployé des trillions de dollars de crédit bon marché après 2008,
n’ont fait qu’exacerber la crise en déclenchant un boom immobilier
spéculatif et en menaçant de générer de mauvaises dettes colossales pour les
banques d’État et les gouvernements régionaux. Déjà affligée par des marges
de profit faibles avant la crise, la profitabilité des manufactures
chinoises a plongé encore plus bas. Les investisseurs ont cherché à faire un
profit sur la spéculation immobilière, plutôt que sur la production.
Le régime chinois a réagi en tentant d’intégrer
davantage le système financier et monétaire aux centres de la finance
mondiale comme New York et Londres dans le but d’attirer un flux de capitaux
internationaux et de redresser l’économie en déclin.
Loin de résoudre les difficultés économiques
actuelles, l’intégration financière plus étroite de la Chine va la rendre
encore plus vulnérable à la crise du capitalisme mondial et aux changements
brusques dans l’économie de marché. Les politiques économiques de Beijing
vont devenir encore plus soumises aux diktats des grandes banques mondiales
et institutions financières et seront forcées de s’en prendre encore plus au
niveau de vie des travailleurs déjà hautement exploités de la Chine.
(Article original paru le 24 avril 2012)