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Le gouvernement du Québec dévoile un plan pour imposer la hausse des frais de scolarité

Par Richard Dufour
30 avril 2012

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Face à une dure répression policière et judiciaire, les étudiants du Québec mènent depuis onze semaines une grève militante pour défendre l'accès à l'éducation. Après l'échec des négociations bidon menées en début de semaine avec les leaders étudiants, le gouvernement libéral a dévoilé vendredi son nouveau plan pour imposer une hausse drastique des frais de scolarité post-secondaire.

Le plan du premier ministre Jean Charest maintient la hausse initiale de 1625 $ en l'étalant sur sept ans au lieu de cinq, et en l'indexant selon l'inflation pour un nouveau total de 1779 $. Il encourage également l'endettement étudiant en repoussant à 60.000 $ le seuil de revenu familial donnant accès aux prêts.

D'autres mesures comprennent  : une légère hausse du nombre d'étudiants admissibles aux bourses, un régime de remboursement proportionnel au revenu, et un conseil d'évaluation de la gestion des universités. Pour indiquer à l'élite dirigeante qu'aucune concession n'a été accordée aux étudiants, Charest s'est vanté qu'il s'agit d'un plan à « coût nul » puisque les quelque 50 millions de dollars requis seront obtenus en réduisant le crédit d'impôt aux études et le budget de fonctionnement des universités.

Les associations étudiantes ont condamné le plan gouvernemental. Léo Bureau-Blouin, le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), a déclaré que « cette offre ne sera pas suffisante pour mettre un terme à la grève ». Les premières associations contactées vendredi rejettent les mesures annoncées, a fait savoir la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). Réunie en congrès ce week-end, la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) a rejeté à l'unanimité le plan du gouvernement.

Des milliers d'étudiants ont marché à Montréal vendredi, et de nouveau samedi, pour dénoncer la hausse des frais de scolarité. La manifestation de samedi soir avait pour thème  : « C'est pas une offre, c'est une insulte. » C'était la cinquième soirée consécutive de protestations étudiantes au centre-ville de Montréal. Des manifestations ont également eu lieu à Gatineau et à Québec.

Autres signes de la radicalisation étudiante face à la ligne dure du gouvernement, des votes de grève ont été reconduits dans les cégeps de Saint-Jean-sur-Richelieu, d'Ahuntsic et de l'Outaouais. Au dernier décompte de la CLASSE - l'association plus militante qui est à l'origine du mouvement de grève - plus de 176.000 étudiants sont encore en grève. Trois écoles secondaires ont débrayé la semaine passée, et d'autres pourraient suivre cette semaine.

Reconnaissant que la lutte des étudiants contre le principe d'utilisateur-payeur pose un défi au programme d'austérité de la classe dirigeante, le gouvernement Charest a recouru à la répression policière contre les étudiants.

La police anti-émeute est intervenue dans quelque 165 manifestations depuis le début de la grève. À plusieurs reprises, elle a déclaré des marches illégales au premier prétexte et les a dispersées à coups de matraque, de gaz lacrymogène, de poivre de Cayenne et de grenades assourdissantes - l'une d'entre elles a coûté un oil à un étudiant.

Les accusations grossièrement exagérées de « vandalisme » et de « violence » adressées à l'endroit des étudiants par un gouvernement cherchant à légitimer la violence étatique se font de plus en plus démasquer.

Alors que le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a déclaré que « la CLASSE, manifestement, encourage la violence » et évoqué la possibilité que son porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, fasse l'objet de poursuites criminelles, le chef de police de la Ville de Montréal, Marc Parent, a dû reconnaître « une présence... importante de provocateurs et de casseurs dans les manifestations ».

Vendredi soir, par exemple, une bagarre a éclaté entre des casseurs voulant briser une vitrine et des étudiants voulant leur signifier qu'ils n'étaient pas les bienvenus dans la manifestation. « Des manifestants nous ont aidés », a affirmé un porte-parole de la police. Mais cela n'a pas empêché les policiers de déclarer la manifestation illégale et de la disperser une heure à peine après son début. Un peu plus tôt dans la ville de Québec, 80 manifestants ont été interpellés « pour s'être trouvés sur la chaussée » et ont récolé chacun une amende de 444 $.

Dans un communiqué publié la semaine dernière, la branche québécoise d'Amnistie Internationale a condamné l'« usage excessif de la force par les autorités policières », ainsi que les « arrestations massives et potentiellement arbitraires » lors des manifestations.

Des journalistes sont aussi la cible de la police. Lors d'une manifestation mercredi dernier, par exemple, un journaliste du Devoir, Marco Bélair-Cirino, s'est fait pousser par un policier qui lui a déclaré que « sa carte de presse ne valait rien ».  

Les tribunaux ont également été mobilisés contre les étudiants. Pas moins de 25 injonctions ont été déposées depuis le début du conflit pour forcer la reprise des cours. À une exception près, elles ont été accordées sur la base d'arguments qui « sont venus remettre en question la légalité du droit de grève des associations étudiantes », comme l'a noté la juge Geneviève Marcotte la semaine dernière en ordonnant la levée du piquetage au Collège de Maisonneuve.

Les mesures anti-démocratiques dirigées contre les étudiants sont endossées sans réserve par les médias de la grande entreprise. Dans son dernier morceau régurgitant la propagande gouvernementale, l'éditorialiste en chef de La Presse, André Pratte, écrivait  : « Parce que la hausse des droits de scolarité est nécessaire, le gouvernement Charest a eu raison de faire preuve de fermeté. »

Le gouvernement Charest est déterminé à imposer de force le programme d'austérité exigé par la classe dirigeante partout au Canada et dans le monde. Il veut tracer un exemple sur les étudiants pour intimider toute forme de résistance ouvrière aux attaques sur les emplois, les salaires et les services publics.

C'est ce qui explique la série d'actions provocatrices qu'il a prises la semaine dernière  : lancement de négociations bidon lundi ; sabotage de ces négociations mercredi par l'exclusion arbitraire de la CLASSE ; et annonce vendredi d'une campagne renouvelée pour privatiser l'éducation.

Comme l'a écrit le chroniqueur politique de La Presse, Alain Dubuc, un défenseur conscient de l'élite dirigeante  : « Le but du gouvernement Charest avec les rencontres qu'il a proposées, c'est essentiellement de faire accepter aux étudiants le principe des hausses de droits auquel ils s'opposent ». Par son ultimatum lancé vendredi par-dessus la tête des leaders étudiants, a expliqué Dubuc, le gouvernement cherche à « créer des divisions entre la CLASSE et les organisations étudiantes plus modérées ».

Mais le gouvernement a nettement sous-estimé le niveau de colère qui règne parmi une jeunesse étudiante fortement endettée et peinant à joindre les deux bouts, à qui la classe dirigeante exige de nouveaux sacrifices, de même qu'aux travailleurs, pour faire les frais du système capitaliste en faillite.

« On s'attendait à ce que le mouvement s'étiole de lui-même après les vacances de Pâques », a écrit La Presse. Loin de s'essouffler, le mouvement de grève s'est plutôt radicalisé. Mais pour aller de l'avant, les étudiants doivent se tourner vers les travailleurs et faire de leur lutte l'étincelle d'une mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière contre la diminution des salaires, la destruction des emplois et le démantèlement des programmes sociaux.

Le gouvernement a encore des cartes dans sa manche. Il peut intensifier la répression policière et judiciaire tout en brandissant la menace de l'annulation des cours. Et surtout, il peut se tourner vers les centrales syndicales, qui ont jusqu'ici gardé les étudiants isolés en refusant d'appeler les travailleurs à leur défense.

La bureaucratie syndicale se prépare à jouer le même rôle qu'elle a joué lors de la dernière grève étudiante de 2005, lorsqu'elle a aidé le gouvernement à y mettre fin. « On a eu des conversations avec eux [les étudiants grévistes] et on leur a conseillé de négocier avec la ministre Beauchamp », a récemment déclaré Michel Arsenault, le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ).

Historiquement, les syndicats du Québec ont politiquement subordonné les travailleurs à la classe dirigeante par leur alliance avec le Parti québécois (PQ). Un parti de la grande entreprise qui a imposé de vastes coupures dans la santé et dans l'éducation quand il était au pouvoir, le PQ pose aujourd'hui en opposant de la hausse des frais de scolarité et promet hypocritement de l'annuler s'il est porté au pouvoir aux prochaines élections provinciales.

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