Quelques jours avant le premier tour des élections,
des reporters du World Socialist Web Site ont interviewé des étudiants
devant la faculté de Lettres de l'université d'Aix-en-Provence, au nord de
Marseille.
La plupart des étudiants qui ont parlé au WSWS
suivent les élections et s'inquiètent de l'avenir réservé aux jeunes en
France et en Europe. L'incitation délibérée au racisme de la part du
président Nicolas Sarkozy, avec la complicité des partis de la « gauche »
bourgeoise, conduits par le Parti socialiste (PS) et son candidat François
Hollande, provoque opposition et colère.
Un bon nombre d'entre eux sont aussi frustrés par
la nature du débat politique officiel et sentent qu'il n'y a pas vraiment de
différence entre les deux principaux candidats. Ils souhaitaient vraiment
avoir une discussion politique.
Lorsqu'on lui a demandé ce qu'elle pensait des
élections, Aline a dit: « C'est un beau bazar. Il y a une fusion d'infos,
mais rien de concret pour les jeunes. Pour les plus petits, il n'y a pas de
formation ou d'information. ... Il y a un réel manque de confiance sur la
politique. Il y a tellement de candidats qu'on ne peut choisir qu'avec un
gros bagage intellectuel.
Elle a ajouté, en qualité d'étudiante de première
année d'anthropologie, « On entend toujours qu'on n'aura pas de travail. »
Aline a dit qu'un des gros problèmes des élections
est la situation à laquelle sont confrontés les immigrants en France: « Il y
a plein de gens qui viennent d'autres pays. Ces gens ont de vrais problèmes
... Je connais des personnes qui n'ont pas leur passeport, ils risquent de
vrais ennuis . »
La plupart des étudiants ont mentionné les
problèmes de chômage et d'inégalité sociale comme étant les questions
centrales de ces élections, ainsi que le racisme et la menace de guerre.
Plusieurs ont mentionné la baisse catastrophique des salaires ainsi que
l'augmentation du chômage que les mesures d'austérité de l'Union européenne
(UE) ont provoquées en Grèce. Ils ont dit anticiper des problèmes semblables
en France.
Ainache, étudiant venu de Djibouti, a dit:
« Sarkozy doit partir! Il a fait de fausses promesses. Toute la campagne
électorale est bizarre et raciste. On utilise le racisme pour cacher le
problème de l'inégalité sociale. Surtout après les événements de Toulouse
[la tuerie de sept personnes, dont est accusé un Français d'origine
algérienne Mohamed Merah], Sarkozy a intensifié sa campagne raciste, il
attaqué l'Islam, la nourriture Halal et tout ça. »
Ainache a dit qu'il aimait bien le candidat du
Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, dont le programme inclut des appels à
augmenter le salaire minimum et la couverture de santé parce que «Le
problème c'est l'inégalité sociale. » Lorsqu'on lui a demandé si Mélenchon,
ancien ministre PS, appliquerait son programme, il a répondu: « Je n'en suis
pas sûr. »
Il a poursuivi, «Les politiciens sont pris à la
gorge par les marchés financiers. C'est la crise, et la mondialisation. Je
ne trouve pas ça bon. C'est la paupérisation totale. Les différences entre
les riches et les pauvres grandit chaque jour. Papandreou est un socialiste,
mais en réalité le socialisme n'a rien avoir avec le capitalisme. »
Les reporters du WSWS ont fait remarquer que
Papandreou était un politicien social-démocrate du patronat, et non pas un
représentant politique du prolétariat révolutionnaire. Ainache a répondu,
« Je suis d'Afrique et on a eu pas mal de révolutions là- bas. Mais rien n'a
changé. On n'a pas la démocratie et pas l'égalité sociale. Les politiciens
qui ont fait des révolutions, ils se sont toujours intégrés au système. Ils
ont trahi les révolutions. »
Ainache a ajouté qu'il s'opposait aux
interventions françaises en Afrique, citant pour exemple le récent mouvement
séparatiste Touareg au nord du Mali, où la France menace d'organiser une
intervention militaire: « Prends la situation des Touaregs au Mali. C'est un
peuple qui vit aussi au Niger et en Algérie. Ils sont pauvres et frustrés...
La France est pas mal responsable de leur situation. Ils ont trop mené des
affaires en Afrique. »
Ibrahim, étudiant malien en sociologie, est aussi
contre une intervention française: «On peut voir la situation en
Afghanistan. Si l'Ouest intervient, après c'est souvent plus mauvais. » Il a
dit que sa famille au nord du Mali ne pouvait plus se rendre dans le sud du
pays.
Comparant Hollande et Papandreou, Ibrahim a
ajouté: «Je ne pense pas qu'il [[Hollande] va vraiment faire ce qu'il dit.
Peut-être que c'est la même chose ici en France qu'en Grèce. Je ne crois pas
qu'il soit mieux. C'est un peu normal que les politiciens fassent des
promesses avant les élections et qu'après ils fassent le contraire.»
Ibrahim a dit que les conditions sociales
auxquelles sont confrontés les étudiants étrangers sont très difficiles: «
C'est dur de trouver un travail. C'est difficile de trouver un stage. Et il
n'y a pas assez de bourses. On est là et on souffre. Les loyers ici sont
très élevés...»
Il est à noter que la plupart des étudiants
n'avaient pas l'intention de voter pour les partis de la « gauche »
petite-bourgeoise, tels le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et Lutte
ouvrière (LO.) Sylvain, par contre, a dit qu'il croyait qu'un NPA plus grand
ferait changer la politique du PS. Quand on lui a demandé ce qu'il pensait
des élections, il a répondu: « J'en pense peu de choses, elles me font
chier. C'est juste des enfantillages pour arriver à la tête de l'Etat. Je
voterai pour l'extrême-gauche, pour changer les mentalités. »
Il a dit qu'il avait l'intention de voter pour le
NPA « par défaut » pour faire pression sur le PS: « De Hollande, je voudrais
des mesures sur les retraites, le chômage, la précarité. » Il a dit qu'il
quitterait la France si Sarkozy était ré-élu.
Les reporters du WSWS ont aussi parlé avec trois
étudiantes portugaises, qui étudient les langues vivantes, Sarah, Cindy et
Jessie. Quand on leur a demandé ce qu'elles pensaient des candidats à
l'élection, elles ont dit: « C'est bonnet blanc, blanc bonnet. Avec la crise,
on craint qu'on n'aura pas de travail. On nous promet des choses, que parce
qu'on est jeunes on nous donnera des emplois à 1.600 euros par mois. Mais
alors on gagnerait plus que nos parents, et en fait on n'aura même pas le
SMIC. On va toucher mille euros. » Elles ont dit qu'elles trouveraient
probablement du travail dans le tourisme ou du travail dans les aéroports.
Marion, étudiante en littérature a dit: « C'est la
deuxième élection où on est tous déstabilisés. Il y a beaucoup de candidats,
on peut se reconnaître dans une tendance politique mais ensuite on découvre
que le candidat ne la représente pas. Tous les partis évoluent, même LO.
Maintenant ils ont [Nathalie] Arthaud comme candidat [au lieu d'Arlette
Laguiller, candidate de longue date de LO à la présidentielle]. A la
dernière élection c'était Royal au PS, maintenant c'est Hollande. »
Elle a poursuivi, « Tout le monde sait seulement
ce qu'on ne veut pas, on fait ensuite par élimination. ... A un moment j'ai
dit hop, c'est les écologistes. On a beau protéger la terre, mais un
président écologiste ça paraît irréalisable. L'écologie c'est bien, mais les
trucs sont irréalisables dans un monde capitaliste. C'est utopiste, en
fait. »
Quand on lui a demandé ce qu'elle pensait des
candidats du PS et de LO qu'elle avait mentionnés, Marion a dit: «Ils sont
de gauche mais ils ne sont pas socialistes ou humains. Ils ne représentent
pas ce qu'on lit dans les manuels scolaires sur le socialisme... Le
socialisme c'est quelque chose de vraiment social, pour les travailleurs.
Mais là on n'est plus dans ça, ils disent des choses pour être pour ou
contre quelqu'un. On sort des idées de la chaussette. Mais on ne sait pas ce
qui est faisable à long terme, on n'a pas de parti auquel s'attacher. »
(Article original publié le 17 avril 2012)