Vendredi matin de bonne heure, la police
anti-terroriste française et le renseignement intérieur ont mené des raids dans
de grandes villes françaises ( Paris, Nantes, Toulouse, Marseille, Lyon, Nice,
Rouen et Le Mans) et arrêté 19 militants islamistes présumés, dont trois
femmes.
Deux ont été relâchés, et les autres sont
restés en détention préventive. Les raids auraient été lancés à la demande de
juges anti-terroristes, sur la base de ce qui serait des préparatifs à des
attaques terroristes.
Une nouvelle opération policière s'est
déroulée mercredi 4 avril au matin dans plusieurs villes de France (Roubaix,
Marseille, Carpentras, Valence, Pau) dans les milieux islamistes radicaux et
une dizaine de personnes ont été interpellées.
La police a affirmé que les personnes arrêtées
vendredi étaient membres d'un groupe salafiste, Forsane Alizza, dont le
dirigeant, Mohamed Achamlane, a été arrêté à Nantes. D'après le chef de la
DCRI, Bernard Squarcini, « Beaucoup d'ordinateurs, des
puces, de l'armement, de l'argent, 10 000 euros en petites coupures, quatre
kalachnikov, huit fusils, sept ou huit armes de poing, un Taser, des bombes
lacrymogènes et un lot impressionnant de kalachnikov à Marseille » ont été
saisis.
Forsane Alizza, qui a été
dissout en février, était accusé d'opinions extrémistes, et aurait cherché à recruter des djihadistes. Squarcini a déclaré, «
Les membres de ce groupe constitué, d'une véritable dangerosité, continuaient à
suivre un entraînement physique, recherchaient des armes. [.] L'idée, c'est de
faire le djihad [guerre sainte] en France et ils semblaient préparer un
enlèvement. »
Cependant, l'avocat d'Achamlane, Benoît
Poquet, a indiqué que « Achamlane réfute fermement tout lien avec une
entreprise terroriste. » Samedi, Libération a rapporté que « Forsane
Alizza n'a jamais vraiment été considéré comme une menace réelle par la police
qui estime que le groupuscule ne compte que quelques dizaines de membres. »
Quelle que soit la vérité sur ces allégations
visant Forsane Alizza, les raids et leur couverture très large par les médias
font partie d'une campagne anti-immigrés et sécuritaire, engagée par le
Président Nicolas Sarkozy dans une tentative désespérée de remporter l'élection
présidentielle dont le premier tour se tiendra le 22 avril.
Ce raids est intervenu dans un climat
d'hystérie sécuritaire ravivée après qu'une unité d'élite de la police a tué
Mohamed Merah, accusé d'avoir tué sept personnes entre le 11 et le 19 mars.
Merah est également présenté comme ayant eu des liens avec Al Quaida. Pourtant,
des rapports ultérieurs ont clairement établi que Merah servait d'informateur
aux services du renseignement français, ce qui soulève des questions sérieuses
sur de possibles complicités au sein de l'Etat dans ces tueries à Toulouse
(Lire :
Le tireur de Toulouse aurait été un informateur des services de renseignement français
).
Lorsqu'on lui a demandé si ce raid était
une riposte aux révélations sur le rôle des renseignements français dans
l'affaire Merah, le ministre de l'intérieur Claude Guéant a dit : « Les
services de renseignement, comme dans toutes les années précédentes, ont joué
un rôle tout à fait déterminant dans la lutte contre le terrorisme ou les
menaces terroristes. En l'espèce, l'instruction judiciaire s'est fondée sur le
travail des services de renseignement de la même façon que la culpabilité de
Mohamed Merah à Toulouse a été fondée sur des analyses conjointes de la police
judiciaire et du Renseignement intérieur. »
La semaine dernière, Sarkozy a interdit à
quatre religieux musulmans de participer à une conférence organisée du 6 au 9
avril par l'Union des organisations islamiques de France (UOIF). D'après le
gouvernement, « Les positions et les propos tenus par
ces personnes qui appellent à la haine et à la violence portent gravement
atteinte aux principes de la République et,dans le contexte actuel, représentent un fort risque
de troubles à l'ordre
public. »Lundi, le ministère de l'intérieur français a ordonné l'expulsion de
trois imams musulmans et deux militants islamistes.
Après ce raid, Marine Le Pen - dirigeante du
Front national néo-fasciste, qui est autour des 16 pour cent d'intentions de
vote au premier tour des élections - a appelé à la dissolution de l'UOIF : « Il faut prendre sans tarder et sans faiblesse des mesures
drastiques contre l'Islam radical »
Après la mort de Merah, Sarkozy a ordonné à la
police de poursuivre son action contre les suspects. Il a déclaré à Europe 1
: « اCe qui s'est passé ce matin va continuer. Il y aura d'autres
opérations, qui continueront et qui permettront d'expulser du territoire
national des gens qui n'ont rien à y faire...Ce qu'il
faut bien comprendre, c'est que le traumatisme de Montauban et de Toulouse a
été profond dans notre pays, un peu, je ne veux pas comparer les horreurs, un
peu comme le traumatisme qui a suivi aux Etats-Unis et à New York l'affaire de
septembre 2001, le 11 Septembre »
La comparaison faite par Sarkozy entre les
tueries de Toulouse et les attentats du 11 septembre est à la fois cynique et
révélatrice. Ces deux atrocités terroristes ont été menées par des individus
suivis de près par des agences du renseignement dont la surveillance se serait
inexplicablement évaporée peu avant les attentats. Elles ont toutes deux
constitué des aubaines politiques pour des présidents impopulaires, qui s'en
sont emparées pour faire avancer leur programme réactionnaire.
Tout en ruinant le pays avec des milliers de
milliards de dollars de dépenses militaires, l'impérialisme américain a occupé
l'Afghanistan et l'Irak et lancé des attaques profondes contre les droits
démocratiques en Amérique. Avec ces commentaires, Sarkozy montre clairement que
l'impérialisme français, sévèrement touché par la crise économique européenne,
les tensions avec l'Allemagne, et l'opposition montante de sa population,
espère utiliser des méthodes similaires.
Déjà, dans le cadre de la politiques
pro-américaine de Sarkozy, après son arrivée au pouvoir en 2007, la France
avait réintégré le commandement de l'OTAN, déployé davantage de troupes en
Afghanistan, et créé une base militaire dans le golfe Persique avec l'aide des
Américains. Cela s'est accompagné en France d'atteintes aux droits sociaux et
aux droits démocratiques fondamentaux des travailleurs, telle l'interdiction
de la burqa, et de dures mesures contre les immigrés.
L'an dernier, la France, ainsi que les
États-Unis et la Grande-Bretagne, ont lancé une guerre contre la Libye déguisée
en "protection des civils". Ils cherchaient à remplacer le régime de
Kadhafi par un gouvernement pro-occidental, qui servirait de base pour réprimer
les luttes de la classe ouvrière en Tunisie et en Égypte voisines. Dans le même
temps, les forces françaises sont intervenues en Côte d'Ivoire pour faire
tomber le président Laurent Gbagbo.
Il n'y a aucune opposition à cette politique
de la part du Parti socialiste (PS), parti de la "gauche" bourgeoise
et de leurs auxiliaires petits-bourgeois tel le Nouveau Parti anti-capitaliste
(NPA). Ces deux partis ont soutenu la guerre en Libye et ont accepté les
arguments "humanitaires" cyniques de Sarkozy.
Sur les tueries de Toulouse et du récent raid,
le PS et les tendances de la pseudo-gauche ont capitulé devant l'hystérie
sécuritaire de Sarkozy, ignorant les informations de plus en plus claires qui
suggèrent une complicité de l'Etat dans l'affaire Merah. Commentant le raid de
la police, François Rebsamen, spécialiste du PS sur les questions de sécurité
intérieure, a déclaré à 20 Minutes: « Je fais
confiance au travail des hommes de la DCRI. »