Des dizaines de milliers de travailleurs
des transports en commun, des enseignants, des salariés du public et des contrôleurs
du ciel ont débrayé jeudi pour protester contre la récente série de mesures
d'austérité annoncée par le gouvernement PASOK de George Papandreou. Les
réductions massives des emplois et des retraites, qui s'ajoutent aux mesures
précédentes, signifieront la misère pour de vastes couches de la population
grecque.
Les travailleurs ont réagi de manière
explosive à ce programme profondément impopulaire. A Athènes et aux alentours,
des employés des autobus, des trolleybus, du métro, des tramways, du transport
électrique par train et des trains de banlieue ont débrayé, en ont été rejoints
par les chauffeurs de taxi. Un responsable de la police a décrit la situation de
la circulation à Athènes comme étant « spectaculaire, toutes les artères
principales sont embouteillées. »
Le réseau ferroviaire national ne
fonctionnait pas non plus. Les enseignants du secondaire ont cessé les cours
pendant une journée tandis que les enseignants du primaire ont organisé des
grèves tournantes. Les employés municipaux d'Athènes ont cessé le travail
pendant quatre heures et les contrôleurs aériens ont fait grève pendant trois
heures.
Les employés de divers ministères, dont
ceux de la Santé et de la Finance, ont organisé un sit-in mercredi dans
plusieurs bâtiments gouvernementaux. Le personnel du ministère des Finances a
annoncé une grève de 48 heures pour les 27 et 28 septembre. Les percepteurs
d'impôts et les douaniers débrayeront aussi aux côtés des travailleurs du
transport et des chauffeurs de taxi.
Des milliers de travailleurs, de
retraités et d'étudiants tout comme des membres de divers groupes de gauche,
ont manifesté jeudi dans le centre d'Athènes et devant le bâtiment du
parlement. Selon les médias, un grand nombre de policiers anti-émeute avaient
été déployés.
Les mesures annoncées par le ministre
des Finances, Evangelos Venizelos, sous une pression féroce exercée par la
« troïka », formée par le Fonds monétaire international (FMI), la
Commission européenne (CE) et la Banque centrale européenne (BCE), prévoient une
réduction de 20 pour cent des retraites mensuelles qui sont supérieures à 1.200
euros (1.636 dollars) tandis que les retraités âgés de moins de 55 ans perdront
40 pour cent de leur retraite qui dépasse 1.000 euros (1.349 dollars) par mois.
Quelque 30.000 fonctionnaires seront mis
au « chômage technique » pendant 12 mois. Leurs salaires seront
réduits à hauteur de 40 pour cent et, au bout d'un an, ils sont susceptibles de
perdre leur emploi. Le gouvernement a aussi abaissé à 5.000 euros (6.800
dollars) le seuil d'imposition de revenus par an au lieu de 8.000 euros (11.000
dollars), une mesure qui affectera les familles à faible revenu.
Le gouvernement PASOK décidera aussi
d'un nouveau plan de taxation régressif sur la propriété immobilière qu'il
projette de récupérer via les facture d'électricité afin d'éviter toute fraude.
Les travailleurs des services publics ont dit vouloir refuser d'encaisser la
taxe.
Le FMI a prédit que l'économie grecque
se contractera de 5,5 pour cent en 2011 et de 2,5 pour cent en 2012, après un
déclin de 4,4 pour cent l'année passée. Le taux de chômage a officiellement
grimpé à 16 pour cent et continue de monter. L'impact combiné des diverses
séries de mesures d'austérité ne fera qu'aggraver la récession, diminuer les
recettes fiscales en nécessitant davantage encore d'attaques draconiennes.
Et tout ceci pour satisfaire les
exigences insatiables des banquiers et des investisseurs milliardaires
internationaux.
En Grèce, la colère populaire est à
fleur de peau. Yanis Varoufakis, professeur d'économie à l'université d'Athènes
a dit à la BBC, « Ils coupent dans la chair et pas seulement le gras. Et
le patient - la Grèce - est en train de mourir de ses blessures. »
Un pâle reflet de l'indignation
populaire, et même du désespoir, se retrouve dans les médias. Le retraité,
Efthymios Gardikiotis a dit à l'Associated Press : « J'ai 73 ans et
je veux commencer une guerre. De la même façon que [le gouvernement] veut la
guerre. »
Un employé du Théâtre national d'Athènes
de 32 ans, Costas Andrianapoulos, a dit à Reuters, « Nous vivons dans la
terreur de perdre notre emploi, notre vie. Même si ces licenciements sont
nécessaires, nous ne sommes pas traités comme des êtres humains. Ils ont réduit
nos salaires et nos retraites et nous l'avons accepté. Mais je ne crois plus
que tout ceci soit bon pour le pays. Nous serons sacrifiés pour rien. Nous
ne pouvons pas éviter de faire défaut. Nous n'avons aucun espoir. »
Les dirigeants des syndicats grecs ont lancé
des menaces en l'air en réponse aux dernières mesures d'austérité. Yannis
Panagopoulos, le président de la Confédération générale des Travailleurs grecs
(GSEE), a déclaré, « C'est une politique que nous ne tolérerons pas, que
nous ne voulons pas. Nous nous y opposons de façons constante et totale. »
Les fédérations syndicales grecques qui
ont aidé à appliquer les réductions précédentes dans les emplois et les
conditions de vie des travailleurs, font tout ce qui est en leur pouvoir pour
restreindre le mouvement de protestation à des actions de 24 heures ou de courte
durée. Il n'y a guère de doute, qu'un appel à la grève générale et à la défaite
du gouvernement trouverait une puissante réponse au sein de la population
grecque.
La GSEE et le syndicat de la fonction
publique ADEDY se sont limités à ne proposer qu'un débrayage national de 24
heures du secteur public le 5 octobre, dans deux semaines donc, et une journée
de grève générale le 19 octobre, donc dans un mois. Le but de ces protestations
est de canaliser la colère des travailleurs pour l'épuiser et la restreindre à
des actions futiles, afin de convaincre la population par la pratique qu'elle
n'a d'autre choix que de se soumettre aux exigences des banquiers
internationaux.
Le gouvernement social-démocrate PASOK
et le parlement grec ont accepté des mesures d'austérité à hauteur de 30
milliards d'euros en mai puis de 28 milliards d'euros en juin. 50 milliards
d'euros supplémentaires seront levés au moyen d'un vaste programme de
privatisation qui bénéficiera aux groupes mondiaux aux dépens de la population
grecque.
Les mesures imposées n'ont pas été
suffisamment dures ou n'ont pas été adoptées suffisamment rapidement pour le
FMI et les banquiers européens. Le gouvernement PASOK a annoncé les toutes
dernières coupes de 6 milliards d'euros après des négociations avec la « troïka ».
Cette dernière a clairement fait comprendre que la dernière tranche du plan
d'aide des prêteurs internationaux, de 8 milliards sur un total de 110
milliards d'euros, serait retenu jusqu'à ce que le gouvernement Papandreou
prouve sa détermination à appliquer pleinement le programme de rigueur. Si
l'argent était retenu au-delà de la mi-octobre, le gouvernement grec serait à
court de liquidités pour payer ses employés et les retraités. Un défaut sur sa
dette étrangère s'ensuivrait très probablement.
L'annonce de mercredi a été accueillie
avec une satisfaction générale par le FMI et les responsables européens, bien
qu'un porte-parole de la Commission européenne ait réclamé que le gouvernement
grec énonce des « éléments clé » du nouveau plan d'austérité. Les
représentants des différentes institutions financières ne se rendront pas à
Athènes tant que les détails du plan ne seront pas « finalisés »,
a-t-il dit.
Le plan n'a pas réussi à infléchir les
marchés financiers et les spéculateurs et nombre d'entre eux parient sur une
faillite de la Grèce tôt ou tard. Fitch Ratings a dit dans un article paru
cette semaine qu'ils s'attendaient à un défaut de paiement de la Grèce. Le
gouvernement allemand serait en train d'élaborer un projet pour faire face à
une telle éventualité.
En défendant les nouvelles mesures
gouvernementales, le ministre des Finance Venizelos a déclaré, « La
situation est extrêmement critique, je dirais même dangereuse. Il y a un climat
de grande nervosité dans la zone euro, dans le système bancaire européen et
l'économie mondiale. » Il a aussi dit au parlement, « Les marchés
nous font subir un chantage et les circonstances sont humiliantes pour
nous. » Mais Venizelos a ajouté que le peuple grec qui
« souffre » avait néanmoins de la chance de se trouver sous
surveillance étrangère. Sans une telle surveillance, a déclaré le ministre des
Finances, tel un alcoolique repentant et en voie de rétablissement, « Nous
nous serions malheureusement de nouveau fourvoyés. »
Dans un discours prononcé jeudi à Washington,
le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, n'a
pas exclu un défaut de la Grèce. Rehn, a notamment dit que les institutions et
les dirigeants européens ne laisseront pas se produire « un défaut
incontrôlé ou une sortie de la Grèce de la zone euro, » qui
« causerait d'énormes dégâts économiques et sociaux, non seulement en
Grèce mais dans l'ensemble de l'Union européenne, et aurait de graves retombées
sur l'économie mondiale. »
Selon le FMI, les banques européennes sont
confrontées à un risque financier de 410 milliards de dollars en raison de la
crise de l'endettement européen. D'autres pays qui courent un risque imminent,
en dehors de la Grèce, sont le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et l'Italie -
ainsi qu'un certain nombre des plus grandes banques européennes. « Les
risques sont élevés et le temps presse pour s'attaquer aux vulnérabilités qui
menacent le système financier mondial, » a prévenu le FMI dans un rapport
publié mercredi.