Les élections de dimanche à la Chambre
des députés du Land de Berlin renferment d'importantes leçons politiques pour
la classe ouvrière du monde entier.
Les élections se sont déroulées dans le
contexte de la plus grande crise économique depuis les années 1930. Comme
c'était le cas il y a quatre-vingts ans, à la fin de la République de Weimar,
non seulement les banques mais des Etats entiers se trouvent au bord de l'abîme
financier. L'euro, deuxième monnaie la plus importante du monde après le
dollar, court un grand danger.
La classe dirigeante n'a qu'une seule
réponse à la crise : des attaques massives contre la classe ouvrière. La
Grèce révèle ce que l'aristocratie financière européenne et internationale
envisage de faire en Europe et à travers le monde. L'infrastructure sociale
d'un pays entier est en train d'être détruite, des entreprises publiques
privatisées et le niveau de vie des travailleurs réduit au niveau de vie de
leurs grands-parents.
Face à cette crise, tout espoir d'une
amélioration sociale dans le cadre d'une société capitaliste est voué à
l'échec. C'est la première leçon importante tirée des élections de Berlin.
Au bout de dix ans de pouvoir, la
coalition social-démocrate (SPD)-Die Linke (parti La Gauche) au Sénat de la
ville-Etat de Berlin a essuyé un rejet de la part des électeurs aux élections
régionales. Lorsqu'il était arrivé au pouvoir en 2001 en tant que partie
intégrante de la coalition, le Parti du socialisme démocratique (PDS),
prédécesseur de Die Linke, avait remporté 22,6 pour cent des voix. Dimanche
dernier, en dépit de la fusion du PDS avec l'Alternative électorale-travail et
justice sociale (WASG) pour former Die Linke, son score a été divisé par deux.
En chiffres absolus, Die Linke a perdu près de 200.000 voix, ce qui correspond
à près des deux tiers de son score précédent.
Alors que la classe ouvrière se détourne
de Die Linke, l'Alternative socialiste (SAV), Marx21 et d'autres groupes
petits-bourgeois tentent de promouvoir l'influence de cet appareil
bureaucratique qui avait émergé des restes formés par le parti stalinien de
l'ancienne Allemagne de l'Est et d'une aile social-démocrate de la bureaucratie
syndicale. Ce faisant, leur cynisme ne connaît pas de limites. Il va même
jusqu'à saluer la récente défaite électorale, vu qu'en étant à présent dans
l'opposition Die Linke est mieux à même de ressasser un discours gauchiste.
Dans cette situation, la campagne
électorale du Partei für Soziale Gleichheit (Parti de l'Egalité sociale, PSG)
revêt une énorme importance. Elle a conduit à une forte polarisation politique.
D'un côté se trouvent tous les partis de l'establishment, de la droite à
la gauche, aux côtés des syndicats, soutenus par le SAV, Marx21 et d'autres
groupes. De l'autre, se trouve le PSG avec un programme social international
fondé sur la lutte pour les Etats socialistes unis d'Europe.
Cette polarisation est très importante
parce qu'elle fait partie d'une différentiation de classe, qui est actuellement
en train de se développer rapidement.
Le PSG est le seul parti à révéler de
manière systématique la politique anti-classe ouvrière du sénat SPD-Die Linke
et à lutter contre eux sur la base d'une perspective socialiste internationale.
Le PSG a clairement expliqué le besoin urgent de rompre politiquement avec le
SPD, Die Linke et les syndicats dans le but d'éviter que la catastrophe des
années 1930 ne se répète. La putréfaction de la société s'accélère rapidement.
La classe dirigeante recourt à des tentatives de canaliser la crise sociale
selon des clivages racistes et nationalistes.
La campagne électorale du PSG a été
directement liée à une offensive politique contre les défenseurs
petits-bourgeois au sénat SPD-Die Linke. Partout on peut observer le rapide
virage droitier des groupes issus du milieu des organisations staliniennes,
maoïstes et pablistes qui sont étroitement liés à la bureaucratie syndicale.
Durant la guerre en Libye, nombre de ces formations se sont présentées comme de
farouches défenseurs de l'agression impérialiste. Tout comme la bureaucratie
syndicale, elles appartiennent à une couche sociale privilégiée qui est occupée
à organiser un compromis de classe dans le contexte de la politique allemande
d'après-guerre du « partenariat social. » A présent, ils se sentent
menacés par la crise économique et par l'aggravation des rapports de classe, et
cherchent refuge dans les bras de l'Etat capitaliste. Ils font partie de
l'ordre bourgeois et se proposent comme piliers de futurs gouvernements,
s'opposant à la classe ouvrière avec une hostilité à peine voilée.
L'offensive
politique du PSG à leur encontre est fondée sur des décennies d'une lutte de
principe menée par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI).
Les élections de Berlin ont eu lieu au
moment du 40ème anniversaire de la fondation de la section allemande
du CIQI. Dès le début, le Bund Sozialistischer Arbeiter (Ligue des Travailleurs
socialistes, BSA), prédécesseur du PSG, a ouvré pour la défense du marxisme
contre tous ceux qui se sont adaptés à la bureaucratie stalinienne ou
social-démocrate et qui ont affirmé qu'il était possible de concrétiser les
intérêts des travailleurs dans le cadre du système capitaliste.
Dans le Programme de Transition, le
document de fondation de la Quatrième Internationale, Léon Trotsky a écrit,
sous le titre, « Contre l'opportunisme et le révisionnisme sans
principes » :
« La Quatrième Internationale
déclare une guerre implacable aux bureaucrates de la Deuxième et de la
Troisième Internationale, de l'Internationale d'Amsterdam et de
l'Internationale anarcho-syndicaliste, de même qu'à leurs satellites
centristes ; au réformisme sans réformes, au démocratisme allié de la
Guépéou, au pacifisme sans paix, à l'anarchisme au service de la bourgeoisie,
aux 'révolutionnaires' qui craignent mortellement la révolution. Toutes ces
organisations ne sont pas le gage de l'avenir, mais des survivances
pourrissantes du passé. L'époque des guerres et des révolutions les réduira à
néant. »
Ces paroles sont d'une grande pertinence
aujourd'hui. Comme toujours dans l'histoire, la lutte contre l'opportunisme est
de la plus haute importance à la veille des luttes révolutionnaires.
Quiconque pense que les problèmes de nos
jours peuvent être résolus par quelques manifestations et votes protestataires
commet une grosse erreur. Au fur et à mesure que l'intérêt pour la politique du
PSG s'est accentué durant la campagne, les médias ont promu le Parti Pirate en
lui accordant une certaine importance. Le fait qu'un tel parti qui aborde
toutes les questions politiques de manière tout à fait superficielle, et qui
est fier de son ignorance, ait pu recueillir neuf pour cent de voix doit être
perçu comme un avertissement. C'est le signe d'une profonde désorientation
politique et de confusion. En coulisses, cette organisation est contrôlée par
des forces très conservatrices.
Les élections de Berlin montrent combien
il est urgent que la classe ouvrière intervienne en tant que force politique
indépendante. C'est un grand succès de voir que le PSG a été en mesure de
tripler son score au moyen d'une campagne de principe et intransigeante contre
Die Linke et ses partisans de la classe moyenne.