Des proches du président français Nicolas Sarkozy sont accusés d’avoir
utilisé des pots-de-vin issus de la vente en 1994 de sous-marins au Pakistan
pour financer illégalement des partis politiques. Le scandale, connu sous le
nom de « Karachigate », discrédite davantage encore le mandat présidentiel
de Sarkozy, en raison de nouvelles allégations l'impliquant personnellement
dans l’affaire. De plus, des responsables de l’Etat tentent apparemment de
dissimuler le scandale en s’immisçant dans le dossier.
L’affaire Karachi a émergé lorsque des juges ont commencé à enquêter pour
savoir si l’attentat à la bombe de 2002 au Pakistan, qui a tué 15 personnes,
dont 11 ingénieurs des constructions navales, était lié à l’arrêt du
paiement des pots-de-vin issus des ventes en 1994 de sous-marins français au
Pakistan. C'est devenu un scandale politique majeur lorsque les juges en
charge de l’enquête ont conclu que les pots-de-vin issus des ventes d’armes
avaient été utilisés pour financer illégalement la campagne présidentielle
de l’ancien premier ministre de droite, Edouard Balladur, candidat
malheureux de l'élection de 1995. Sarkozy était alors ministre du budget
dans le gouvernement Balladur et son porte-parole de campagne. (Voir : «
Balladur fut battu à l'élection présidentielle par Jacques Chirac qui
arrêta, à son arrivée au pouvoir, le versement des commissions occultes
concernant le marché des sous-marins, suscitant apparemment la colère des
agents des services secrets pakistanais qui avaient engrangé beaucoup
d’argent des suites de cet arrangement. On soupçonne que les Pakistanais, en
représailles, ont commis l’attentat à la bombe, qui fut imputé à Al Qaïda,.
Les proches de Sarkozy à présent impliqués dans le scandale sont l’homme
d’affaires Nicolas Bazire qui avait été le directeur de la campagne
électorale en 1995 de Balladur et Thierry Gaubert, un conseiller de longue
date de Sarkozy, ainsi que l’homme d’affaires franco-libanais, Ziad
Takieddine, qui a été accusé de malversations financières dans les contrats
d’armement avec le Pakistan et l’Arabie saoudite et dont il aurait été l’un
des intermédiaires. Takieddine est également soupçonné d’avoir organisé des
négociations concernant des projets industriels entre la France et l’ancien
chef d’Etat de la Libye, le colonel Mouammar Kadhafi.
Bazire et Gaubert ont été interpellés et interrogés par la police il y a
deux semaines. Bazire est accusé d’avoir reçu des pots-de-vin issus de la
vente de sous-marins au Pakistan dans les années 1990, et Gaubert a été
accusé et mis en examen, soupçonné d’avoir rapporté des valises de billets
de la Suisse.
Le 8 septembre, l’ex épouse de Gaubert, Hélène de Yougoslavie, a dit à la
police qu’en 1995 son mari avait fait de fréquents voyages en Suisse avec
Takieddine pour retirer des fonds qui étaient ensuite remis à Bazire à
Paris.
Lorsque l’affaire est devenu un problème politique significatif pour le
gouvernement Sarkozy, des responsables de l’Etat ont dénoncé l’affaire et
nié toute implication de Sarkozy. Le 22 septembre, le palais de l’Elysée a
publié un communiqué urgent déclarant : « Le nom du chef de l’Etat
n’apparaît dans aucun des éléments du dossier et n’a été cité par aucun
témoin ou acteur de ce dossier. »
Le communiqué en soi a suscité une controverse, les responsables
judiciaires français accusant la présidence de s'immiscer dans l’enquête
criminelle. Le journal Le Monde a écrit : « Ces deux affirmations
semblent surprenantes : comment, en effet, l’Elysée peut-il affirmer que le
nom de M. Sarkozy n’apparaît pas dans ce dossier sans y avoir eu accès ? Or
le chef de l’Etat ou la présidence ne sont pas parties civiles, en principe,
et n’ont aucune raison d’avoir pu consulter un dossier d’instruction en
cours. »
L’AFP a interrogé sur ce point le président de l’Union fédérale
des magistrats (UFM), Christophe Regnard : « C’est clairement une violation
du secret de l’instruction. C’est assez incroyable que l’Elysée reconnaisse
aussi benoîtement qu’il a eu accès à des pièces. Cet affichage est assez
anormal. »
Regnard a ajouté, « Il ne faut pas être naïf. On sait que les
informations remontent. Mais d’habitude, cela demeurait caché.
Objectivement, ça sent la panique à bord. »
Il a été récemment révélé aussi que des responsables du camp Sarkozy
étaient impliqués dans l’espionnage d’un journaliste du Monde qui
enquêtait sur le scandale Bettencourt dans lequel le camp Sarkozy est
également impliqué. (Voir :
Entre-temps, l’ami proche de Sarkozy et ancien ministre de l’Intérieur,
Brice Hortefeux, a été accusé d’avoir violé le secret de l’instruction suite
à des révélations selon lesquelles il avait eu des conversations
téléphoniques avec Gaubert sur l’affaire.
Le 23 septembre, Le Monde publiait la transcription d’une
conversation téléphonique entre Hortefeux et Gaubert, et qui avait été
enregistrée par la police le 14 septembre. Lors de la conversation,
Hortefeux informait Gaubert des déclarations faites à la police par son
ex-épouse dans le cadre de l’enquête du 8 septembre sur l’affaire Karachi.
Gaubert a admis à la police qu’il avait eu une conversation avec
Hortefeux lors de sa garde à vue le 20 septembre. Il a affirmé, « C’est par
Brice Hortefeux que j’ai eu la confirmation que le témoin anonyme était ma
femme Hélène. ». En juillet, après la fouille de son appartement par la
police, Gaubert aurait demandé à sa femme de ne rien dire à la police
concernant l’affaire en la menaçant : « Si tu parles, tu ne verras plus les
enfants. Si je coule, tu coules avec moi. »
L’intervention d’Hortefeux dans l’affaire pour protéger Sarkozy souligne
d’autant plus l’implication du président français dans le scandale. Des
comptes rendus de presse considèrent le fait qu’Hortefeux s’immisce à son
tour dans l’affaire comme une indication claire que Sarkozy est au cœur du
scandale.
Lorsque les juges avaient commencé à enquêter sur le scandale de
corruption du Karachigate, Sarkozy et son gouvernement avaient rejeté les
affirmations de liens entre l’attentat à la bombe en 2002 et les ventes de
sous-marins ainsi que son rôle dans cette affaire. Toutefois, un rapport de
la police luxembourgeoise donne « Nicolas Sarkozy comme l’un des potentiels
maîtres d’œuvre du circuit financier par lequel les commissions du contrat
pakistanais ont transité. »
Selon le rapport de la police, « le président de la République, lorsqu’il
était ministre du Budget, aurait ‘directement’ supervisé la création, en
1994, de la société offshore Heine, basée au Luxembourg, et utilisée pour
rémunérer les intermédiaires du contrat. »
Des allégations relatives au rôle joué par Sarkozy dans ce scandale ont
encore plus démasqué ses promesses de campagne de promouvoir une
« République irréprochable » et de nettoyer la politique française. Les
affaires Karachi et Bettencourt font partie d’une série de scandales
politico-financiers qui impliquent l’ensemble de l’establishment
politique, dont des rivaux de Sarkozy tels Chirac et l’ancien premier
ministre Dominique de Villepin, et dévoilent la politique étrangère
prédatrice de l’impérialisme français