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Aujourd'hui il y a exactement deux semaines que les Républicain du Wisconsin ont recouru à une manouvre de légalité douteuse pour souscrire au projet de loi de « réparation budgétaire » du gouverneur Scott Walker et pour priver près de 375.000 enseignants, infirmiers, travailleurs des collectivités territoriales et autres employés du public de leurs droits de négociation collective tout en imposant des coupes drastiques dans les salaires nets.
La promulgation par Walker de la loi, deux jours plus tard le 11 mars, a donné l'occasion aux syndicats, tant au niveau de l'Etat qu'au niveau fédéral, de mettre fin à la lutte qui a duré un mois au Wisconsin qui a connu la plus grande lutte de la classe ouvrière de ces trois dernières décennies aux Etats-Unis. De mi-février à mi-mars, des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes ont participé à des manifestations de masse, à des actions professionnelles des enseignants, à des débrayages de lycéens et d'étudiants et à l'occupation du bâtiment du Capitole [le siège du gouverneur] à Madison.
La nouvelle loi fait partie d'une attaque sur le plan national contre les employés de la fonction publique et qui est perpétrée à la fois par les Démocrates et les Républicains alors qu'ils imposent des mesures d'austérité visant à faire payer à la classe ouvrière la crise économique. Les travailleurs sont privés du droit de négociation collective et du droit de grève dans le cadre de la criminalisation de toutes les formes de résistance collective de la classe ouvrière.
La semaine passée, un juge de Wisconsin du comté de Dane (Dane County) a émis une ordonnance provisoire enjoignant le report de l'application de la loi dans l'attente de la décision de savoir si les Républicains ont violé la Loi de la Liberté de réunion au Wisconsin lorsqu'ils se sont réunis hâtivement le soir du 9 mars pour adopter la mesure.
Entre-temps, des filiales locales des deux plus grands syndicats de l'Etat - le syndicat américain des fonctionnaires administratifs (l'American Federation of State, County and Municipal Employees, AFSCME) et le syndicat des enseignants du Wisconsin (le Wisconsin Education Association Council, WEAC) - ont profité du report pour signer nombre de prolongements de contrats avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.
Loin de s'opposer aux coupes de Walker, les syndicats ont inscrit dans les contrats les exigences du gouverneur, à savoir que les travailleurs paient le double en cotisation assurance-maladie et assurent la moitié des coûts de leurs retraites. En échange de ces concessions, les autorités municipales et scolaires ont accepté de déduire les cotisations syndicales directement de la fiche de paie des travailleurs - une disposition interdite par la loi Walker mais seulement après l'expiration des présents contrats.
Compte tenu de la hausse du coût des denrées alimentaires, du carburant, de l'enseignement supérieur et d'autres dépenses familiales, les concessions auront un impact brutal sur les travailleurs de la fonction publique qui ont déjà été touchés par des années de gel de salaires et de chômage partiel imposés par le gouverneur Jim Doyle, le prédécesseur démocrate de Walker. Le travailleur moyen va perdre environ 4.000 dollars par an, selon l'économiste Steven Deller de l'Université du Wisconsin.
Dans plusieurs cas, les syndicats ont même accepté des réductions encore plus importantes que celles exigées par Walker, y compris dans la ville de Green Bay où ils ont accepté des réductions de salaires des enseignants et une forte augmentation du nombre d'élèves par classe.
Ces contrats punitifs concordent avec la position adoptée par les syndicats tout au long de la lutte qui a duré un mois. Quelques jours seulement après le début des protestations - qui n'avaient pas été initiées par les syndicats, mais qui avaient surtout surgi indépendamment des syndicats - les dirigeants de l'AFSCME et du WEAC ont déclaré qu'ils étaient prêts à accepter de fortes réductions des salaires et des prestations sociales, enlevant ainsi toute crédibilité à leur affirmation selon laquelle ils défendaient les droits de négociation collective.
Alors que les travailleurs luttaient en affichant une détermination énorme pour défendre leurs droits à la négociation salariale - afin de défendre leurs emplois et leur niveau de vie - les bureaucrates syndicaux ont clairement fait comprendre que leur unique préoccupation était de préserver leurs propres intérêts institutionnels, notamment leurs recettes provenant des cotisations des adhérents. En échange de cela, ils ont promis « la paix sociale » et la pleine coopération en obligeant les travailleurs à payer pour la crise économique causée par les activités criminelles de l'élite patronale et financière.
Tout au long de la lutte, les syndicats ont collaboré avec les politiciens démocrates pour contenir le mouvement, pour le limiter à des actions de protestation et pour s'opposer aux revendications grandissantes en faveur d'une grève générale de tous les travailleurs du Wisconsin.
Lorsque des milliers de personnes ont marché sur le Capitole le soir du 9 mars pour s'opposer au vote du projet de loi - et que des slogans pour une grève générale ont fusé sous la coupole du Capitole - les responsables syndicaux ont appelé au calme et ont sommé les enseignants et autres employés du public de se présenter au travail le lendemain.
Afin de dissimuler leur capitulation devant Walker et de dissiper l'opposition, les responsables syndicaux ont reporté leurs efforts sur une campagne pour rappeler les législateurs républicains dans le but de les remplacer par des Démocrates. Tout ceci ayant eu lieu dans des conditions où les Démocrates ont clairement fait comprendre qu'ils ne s'opposaient nullement aux concessions faites aux exigences de Walker ou aux coupes à hauteur de 1,5 milliards de dollars dans les dépenses sociales que prévoit son budget. En fait, les Démocrates se sont vantés de ce qu'ils avaient appliqué les coupes les plus importantes de toute l'histoire de l'Etat d'avant Walker.
A l'échelle nationale, le gouvernement Obama a été le fer de lance de l'assaut mené contre les travailleurs de l'automobile, les enseignants et les employés de la fonction publique, et collabore avec les Républicains pour réduire fortement les dépenses sociales dans le but de financer les baisses d'impôts des riches et les plans de sauvetage de Wall Street. Les gouverneurs démocrates de Californie, de New York, de l'Illinois et d'autres Etats sont en train de perpétrer des attaques contre les employés du public et de faire des coupes drastiques dans les programmes sociaux.
La différence est que les Démocrates cherchent à perpétrer ses attaques avec l'aide de la bureaucratie syndicale, tandis que les Républicains cherchent à paralyser et à marginaliser les syndicats. En échange des services rendus par les syndicats dans la répression de l'opposition de la classe ouvrière, le Parti démocrate a protégé la position juridique et les intérêts financiers de la bureaucratie syndicale. Les syndicats, en contrepartie, fournissent au Parti démocrate les fonds et la main-d'ouvre pour leurs campagnes électorales et forment une partie importante de l'appareil du parti.
L'expérience au Wisconsin révèle que le conflit d'intérêts sociaux n'est pas simplement entre la classe ouvrière et les Républicains, mais entre la classe ouvrière d'un côté et les syndicats et les deux grands partis patronaux de l'autre. Les syndicats et les Démocrates poursuivent des intérêts diamétralement opposés aux besoins les plus fondamentaux des travailleurs.
Les droits sociaux des travailleurs - le droit à un emploi stable à salaire décent, à des écoles de qualité, à des soins de santé, au logement et à une retraite confortable - sont incompatibles avec le maintien du système économique existant. La crise du capitalisme américain et mondial sous-tend le virage de l'élite dirigeante vers une politique de guerre de classes.
Les syndicats et le Parti démocrate défendent ce système défaillant et insistent de ce fait pour que le fardeau de sa crise soit placé sur le dos des travailleurs. Pour contre-attaquer, la classe ouvrière doit engager une lutte sociale et politique contre le système capitaliste et tous ses représentants politiques.
Durant la lutte qui a duré un mois au Wisconsin, la classe ouvrière a commencé à manifester son énorme capacité de lutte, de sacrifice et de solidarité. Après plus de trois décennies durant lesquelles la lutte des classes avait été réprimée artificiellement par les syndicats, la classe ouvrière américaine a fait part de son retour sur la scène historique et démontré son potentiel révolutionnaire.
Mais, afin de rassembler son pouvoir social, la classe ouvrière doit briser l'étau des syndicats et établir dans les usines, les lieux de travail et les communautés, de nouvelles organisations de lutte réellement démocratiques. Les travailleurs doivent avant tout rompre avec le Parti démocrate et construire un mouvement de masse socialiste comme alternative politique aux deux partis patronaux et au système capitaliste qu'ils défendent.
(Article original paru le 23 mars 2011)
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