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Les protestations de la « journée de la colère » en Irak secouent le régime d’occupation américain

Par Alex Lantier
4 mars 2011

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Des dizaines de milliers de personnes ont protesté hier dans les villes d’Irak contre l’oppression économique et contre la corruption des hauts responsables imposés par le régime d’occupation américain ainsi que contre l’occupation du pays par les Etats-Unis elle-même.

Se plaignant du chômage, des coupures d’électricité qui s’aggravent, de la pénurie de denrées alimentaires et de la hausse des prix alimentaires, les manifestations ont dénoncé ou exigé la démission de plusieurs responsables nationaux et locaux. Bien que l’Irak dispose des deuxièmes plus vastes réserves pétrolières du monde, les conditions sociales sont misérables. Le taux de chômage officiel est de plus de 15 pour cent (en réalité bien supérieur), l’électricité n’est accessible dans de vastes parties de l’Irak que quelques heures par jour et le pays est encore occupé par 47.000 soldats américains – les champs pétroliers irakiens se trouvent maintenant en grande partie entre les mains de sociétés énergétiques occidentales.

Les forces de sécurité irakiennes ont tiré sur les manifestants dans plusieurs des 17 villes au moins où des protestations ont eu lieu. On a confirmé que quinze manifestants avaient été tués et qu’au moins 130 avaient été blessés. En dépit des avertissements lancés par les responsables irakiens, il n’y a pas eu d’attentats suicides à la bombe ou d’attaques de la part de forces anti-américaines contre les manifestants.

Les manifestants ont défié les couvre-feux ainsi qu’un avertissement explicite lancé la veille par le premier ministre Nouri al-Maliki disant aux Irakiens de ne pas participer aux protestations. Ils ont aussi défié l’opposition du clergé chiite, dont Moktada al-Sadr et du Grand Ayatollah Ali al-Sistani, dont les porte-parole ont déclaré à la chaîne de télévision Al Sumaria craindre que des « agents infiltrés » ne tirent avantage des protestations.

Al-Sadr a publié un lâche communiqué prétendant que le fait de participer aux protestations faciliterait aux forces de l’Etat la justification d’une répression : « Ils tentent de mettre un terme à tous vos acquis, à tous les gains démocratiques, aux élections libres, aux échanges pacifiques entre le pouvoir et la liberté. Et donc, j’en appelle à vous par compassion, de contrecarrer les projets ennemis de ne pas participer aux manifestations de demain parce qu’elles sont suspectes et qu’elles donneront une voix à ceux qui ont détruit l’Irak. »

Le premier ministre Nouri al-Maliki a ordonné la démission des gouverneurs provinciaux à Bagdad, à Basra et à Nasiriya à la fin de la journée.

Dans la capitale Bagdad les autorités ont déployé des masses de soldats pour imposer un verrouillage et ont interdit totalement la circulation pour chercher à empêcher que les gens ne se rendent aux manifestations. Al-Maliki a imposé des interdictions identiques de circuler à Mossoul et à Samarra. L’aéroport international de Bagdad était fermé lui aussi.

L’on évalue à 5.000 néanmoins les manifestants qui se sont rassemblés sur la place Tahrir de Bagdad lourdement gardée par des forces de sécurités favorables au régime. Les manifestants ont défilé dans la Zone verte, le district fortement surveillé où se trouvent les habitations des autorités d’occupation américaine, l’ambassade américaine et le parlement irakien.

Les manifestants ont dénoncé al-Maliki comme menteur et un homme a dit au journal Christian Science Monitor : « Je suis un ouvrier. Je travaille un jour et reste à la maison pendant un mois. [Maliki] dit que pour les gens tout va mieux que sous Saddam Hussein – où voyez-vous ça? »

Les manifestants ont démoli deux murs de protection anti-explosion en béton sur le pont Joumhouriya, le principal point d’accès à la Zone verte. La police a attaqué les manifestants tandis que des hélicoptères de l’armée irakienne survolaient la foule en provoquant d’immenses nuages de poussière pour les désorienter.

Lors des protestations à Bagdad, le porte-parole des Sadristes et membre du parlement, Sabath al-Saadi, a été accueilli par des hurlements et des huées. Quelqu’un a dit, « Vous devez réduire votre salaire – nous n’avons rien ! Pourquoi prenez-vous tant d’argent alors que nous n’avons pas d’argent ? »

A Bassora, une ville portuaire et le pivot pétrolier du Sud du pays, un nombre de manifestants évalué entre 4.000 et 10.000 a renversé un mur de protection anti-explosion en béton pour manifester devant les bureaux du gouverneur Sheltagh Aboud al-Maliki. Ils ont exigé sa démission et que les responsables de Bassora passent en justice pour corruption.

A Bassora les manifestants ont également exigé des cartes de rations alimentaires et des emplois. Un manifestant aurait été tué dans cette ville.

Plusieurs villes du centre du pays ont connu des protestations de grande envergue. A Fallujah, une ville qui a été à plusieurs reprises dévastée par des attaques de l’armée américaine, un millier de manifestants ont protesté et se sont heurtés à la police devant les bâtiments municipaux. Neuf manifestants ont été blessés.

A Tikrit la police a tiré sur les manifestants qui tentaient de s’emparer du bâtiment gouvernemental, tuant deux personnes et en blessant neuf autres.

A Mossoul, la capitale de la province de Ninive dans le Nord de l’Irak, des centaines de manifestants ont revendiqué des emplois, de meilleurs services publics, la fin de la corruption et la démission du gouverneur provincial Athel al-Nujafi et celle du conseil provincial. Après qu’une personne anonyme ait jeté une grenade près du bâtiment gouvernemental, les gardes ont ouvert le feu sur les manifestants dont cinq ont été tués et 15 autres blessés.

Plus tôt dans la journée, les manifestants avaient caillassé le convoi d’al-Nujafi et de son frère, Oussama, le porte-parole du parlement provincial.

A Hawija, une ville près de Kirkuk dans le Nord de l’Irak, les manifestants auraient tenté d’occuper le bâtiment municipal de la ville. Les forces de l’ordre ont tiré dans la foule en tuant trois manifestants et en en blessant 15 autres selon Faffah Yaseen, le chef de la police de Hawija.

 (Article original paru le 26 février 2011)

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