La centrale syndicale de la fonction
publique grecque, Adedy, a appelé à la neuvième grève générale depuis janvier
2010. Elle doit avoir lieu les 6 et 7 avril conjointement avec la centrale
syndicale grecque du privé, la GSEE. Les appels à la grève ont été lancés en
réaction au programme d'austérité du gouvernement social-démocrate du premier
ministre George Papandreou du Mouvement socialiste panhellénique (PASOK)
Avec le placement du
budget du pays sous la surveillance de l'Union européenne en février 2010, et
l'adoption ultérieure d'énormes réductions de la dette publique, la Grèce sert
de test aux attaques draconiennes contre le niveau de vie partout en Europe.
Quel a été le résultat des grèves générales
grecques ?
Les appels à la grève des bureaucraties
syndicales n'ont mis en avant aucune perspective pour combattre les mesures
d'austérité. Au lieu de cela, ces grèves ont servi de mécanisme pour disperser
et rendre inoffensive la colère qui monte au sein de la population.
C'est grâce aux syndicats que le
gouvernement a été en mesure d'imposer le plan d'austérité le plus brutal.
Selon des évaluations, le niveau de vie a baissé en conséquence de 30 pour cent,
les salaires ont été réduits de 20 pour cent, les retraites ont diminué et des
hausses massives ont été imposées pour l'utilisation des services publics. Le
chômage a augmenté entre 5 et 15 pour cent. Chez les jeunes il est de l'ordre
de 40 pour cent.
La dernière grève, qui remonte à février,
avait coïncidé avec l'annonce d'un programme de privatisation sans précédent de
50 milliards d'euros, dont la vente de vastes parcelles de terres et de pans
entiers du patrimoine public.
La Grèce a été désignée de façon
désobligeante par l'oligarchie financière européenne comme l'un des pays
« PIGS » de la zone euro (Portugal, Italie, Irlande, Grèce et
Espagne). Selon la Banque des Règlements internationaux (BRI), l'exposition
totale des banques étrangères à la Grèce, à l'Irlande, au Portugal et à
l'Espagne s'élève à plus de 2,5 mille milliards d'euros.
L'année dernière, la Grèce et l'Irlande
avaient été obligées, suite à des spéculations délibérées sur l'économie de
leur pays de la part des marchés monétaires, de demander un plan d'aide à
l'Union européenne (UE) et au Fonds monétaire international (FMI). Le plan
d'aide octroyé en mai 2010 à la Grèce était de 110 milliards d'euros et celui
accordé à l'Irlande en novembre de 90 milliards d'euros. Ces fonds étaient strictement
conditionnels à l'application de mesures d'austérité contre la population.
Sur la base de ces mesures, le FMI a annoncé
lundi qu'il débloquait 4,1 milliards d'euros en faveur de la Grèce, ce qui
représente la quatrième tranche du prêt.
Malgré cela, l'agence de notation Moody a
dégradé la notation des obligations d'Etat de la Grèce en l'abaissant au rang
de « hautement spéculative », de Ba1 à B1. Moody's a déclaré qu'en
dépit du « progrès très significatif » réalisé par la Grèce dans la
réduction de son déficit, la « tâche à laquelle sont confrontés les
responsables et les directeurs reste énorme. »
L'ampleur de la dévastation sociale touchant
la population grecque a été précisée dimanche par le quotidien conservateur Kathimerini. Au sujet du programme de privatisation il a dit,
« Supposons qu'une transaction moyenne faite en Grèce soit de 100 millions
d'euros, le pays devra faire une telle transaction tous les trois jours pour
atteindre l'objectif de 50 milliards d'euros en 1.500 jours, aux dires d'un
banquier d'affaires. »
Le journaliste
Ambrose Evans-Pritchard du Daily Telegraph, a posé la question de savoir comment une
somme aussi gigantesque pouvait être réunie, en demandant, « Des
participations publiques dans le capital de la Poste hellénique, des Chemins de
fer grecs, de l'entreprise publique de Gaz d'Athènes, de l'autorité portuaire
du Pirée, de l'aéroport d'Athènes, des Eaux de Thessalonique et de ATEbank,
pour n'en nommer que quelques-unes, ne rapporteront pas plus [que]15 billions d'euros. Et qu'est-ce qu'on fait
après ? »
Après le déclassement, les dirigeants de
l'Union européenne ont accepté d'allonger à sept ans et demi le délai de
remboursement de la Grèce. Dans le même temps, le taux d'intérêt a été baissé
d'un point de pourcentage pour arriver à 4,2 pour cent en moyenne. Malgré ce
« répit », l'on s'attend encore à ce qu'il y ait une défaillance de
la dette souveraine grecque. L'on s'attend à ce que la croissance chute de 3,4
pour cent cette année, en grande partie en raison des mesures d'austérité qui
sont déjà en vigueur, faisant passer le niveau de la dette de 127 pour cent du
PIB à 160 pour cent du PIB d'ici 2013. Comme l'a précisé l'économiste Peter
Westaway, « Votre dette continuera d'augmenter aussi longtemps que votre
taux de croissance se situera en dessous du taux d'intérêt que vous
payez. »
Evans-Pritchard reconnaît que l'accord avec
l'UE « ne ramène pas la solvabilité », en ajoutant : « La
spirale de la dette grecque est à un état beaucoup trop avancé. L'endettement
va être de l'ordre de 150 pour cent du PIB cette année, et le coût du service
de la dette représente 14,4 pour cent des recettes fiscales.
Deux des autres « PIGS », le
Portugal et l'Espagne, sont aussi gouvernés par des partis sociaux-démocrates.
Dans les deux pays, les syndicats n'ont organisé que des manifestations
symboliques d'opposition contre le programme d'austérité. Après les élections
législatives en Irlande, qui ont laminé la coalition Fianna Fail/Verts, le
Parti travailliste a rejoint le parti conservateur Fine Gael pour former un
gouvernement engagé à imposer des mesures d'austérité.
Le Portugal est largement cité dans les
milieux financiers comme étant le prochain pays de la zone euro à devoir
recourir à un sauvetage EU/FMI. Son déficit public de 9,3 pour cent du produit
intérieur brut en de 2009 2009 est le quatrième le plus élevé de la zone euro
après l'Irlande, la Grèce et l'Espagne.
Cette semaine, Moody's a abaissé de deux
crans la note de la dette souveraine à long terme du Portugal. Elle se situe à
présent à tout juste quatre crans de la catégorie spéculative
« junk ».
L'engagement commun aux deux grands partis
politiques envers la consolidation fiscale est une raison importante expliquant
pourquoi la notation du Portugal reste dans la catégorie A, » a dit
Moody's. Ceci est une référence faite au soutien précédent accordé par le plus
grand parti conservateur d'opposition, les sociaux-démocrates, au programme de
rigueur du Parti socialiste au pouvoir. Aggravant la crise du Portugal, les
sociaux-démocrates ont annoncé qu'ils ne souscriraient pas aux nouvelles
mesures d'austérité du Parti socialiste, soit le quatrième plan de rigueur en
un an.
Le premier ministre Jose Socrates a menacé
vendredi de démissionner si la rigueur n'était pas adoptée au parlement et a
mis en garde qu'une crise politique sur la question de l'adoption du budget
ouvrirait « la porte au FMI. »
Le Portugal doit rembourser 4,2 milliards
d'euros (5,8 milliards de dollars) de bons le mois prochain en plus de 5
milliards d'euros en juin. Mais, le rendement de l'obligation d'Etat portugaise
continue d'augmenter. Les dégradations de la « dette souveraine » de
la Grèce et du Portugal ont maintenant pour conséquence qu'il est quasi
interdit à leurs gouvernements de se procurer des fonds sur les marchés
internationaux.
En Italie, où un gouvernement droitier
conduit par le premier ministre Silvio Berlusconi est au pouvoir, les syndicats
ont dernièrement organisé des grèves surtout dans le secteur public et parmi
les travailleurs des transports. En décembre, le Sénat a approuvé un programme
d'austérité fondé sur des coupes totalisant 25 milliards d'euros. Ceci venait
s'ajouter aux coupes déjà faites, comprenant une réduction de 700 millions
d'euros du budget des universités.
En dépit d'un tel assaut, les syndicats et
leurs appuis politiques au sein des soi-disant organisations de gauche des
classes moyennes n'ont pas organisé la moindre lutte pour le renversement du
gouvernement. Utilisant le scandale concernant des accusations de relations
sexuelles avec une prostituée mineure portées contre Berlusconi, le Parti
démocrate d'opposition qui comprend des sections de l'ancien Parti socialiste
et de l'ex-Parti communiste stalinien, a concentré ses efforts sur une campagne
pour présenter les agissements de Berlusconi comme étant un affront fait aux
femmes. Son but est de subordonner la classe ouvrière à un mouvement de
protestations petit-bourgeois, dans lequel les intérêts des travailleurs sont
englobés dans un appel général en faveur « de valeurs progressistes »
qui sont dans l'intérêt national de l'Italie.
Tout en se présentant comme des critiques de
gauche des régimes qui imposent l'austérité de masse, le rôle d'organisations
telles SYRIZA (la coalition de la gauche radicale) est en Grèce d'empêcher un conflit
ouvert entre la classe ouvrière et l'élite dirigeante qui est soutenue par
leurs défenseurs de première ligne au sein de la bureaucratie syndicale.
Dans une récente interview accordée à Athens
News, la question suivante a été posée à Alexis Tsipras, dirigeant de
SYRIZA : pourquoi, lorsque « les droits des travailleurs et de la classe
moyenne sont sérieusement malmenés », SYRIZA « ne convainc-t-elle pas
plus de gens ? »
En cherchant à absoudre son organisation de
toute responsabilité, Tsipras a répondu en rejetant la faute sur la population
grecque, déclarant, « Parce que les gens n'ont pas trouvé leur
courage, » avant d'ajouter « et la gauche a des problèmes à
surmonter. »
Ces « problèmes » font référence à
la faction de l'Aile Renouveau qui a scissionné d'avec SYRIZA l'année dernière
pour se rapprocher d'un programme de soutien ouvert à la rigueur. Tsipras a dit
à propos de l'Aile Renouveau, « Si certains croient que la situation
convient pour appliquer des projets compétitifs, nous ne pouvons pas les en
empêcher. »
La réalité c'est qu'il n'existe pas de
différences de principe entre SYRIZA et ceux qui ont quitté ses rangs. Son rôle
principal a été de conseiller la bureaucratie social-démocrate du PASOK et les
syndicats sur la manière de diminuer la menace de l'opposition de la classe
ouvrière. Le 8 mars, Tsipras a rencontré Papandreou, juste avant le récent
sommet de l'Union européenne, lors duquel la crise de la dette grecque a été
discutée.
Dans la situation d'une crise du régime
bourgeois en Grèce, avec le gouvernement PASOK et l'opposition Nouvelle
Démocratie tous deux largement méprisés, Tsipras a dit, « De nouvelles
alliances sociales et une nouvelle dynamique sont nécessaires pour sortir le
pays de la crise. En cela, la gauche a une obligation à jouer son rôle. »
Pour SYRIZA, ces alliances et ces
obligations sont d'abord et avant tout destinées à empêcher une confrontation
révolutionnaire. A la question d'Athens News de savoir si des
soulèvements identiques à ceux survenus au Moyen Orient pourraient se produire
en Grèce, Tsipras a répondu, « Je ne crois pas que ce genre de soulèvement
puisse être mécaniquement transporté en Grève. »
Alors que SYRIZA cherche à minimiser
l'éventuel développement d'un conflit révolutionnaire en Europe, des sections
de la bourgeoisie anticipent précisément une telle issue. Dans la conclusion de
son article du 13 mars dans le Telegraph, Ambrose Evans-Pritchard
remarqué, « La révolte populaire est le chien qui n'a pas aboyé depuis le
début du long marasme.Cela pourrait n'être qu'une question de temps. Le
modèle des années 1930 est que l'aliénation profonde débute la troisième année
tandis que l'austérité n'en finit pas de durer et, dans ce cas précis, les
tensions dans la périphérie de la zone euro ne peuvent que devenir plus
mauvaises tandis que la BCE [Banque centrale européenne] resserre la politique
monétaire. »
Un éditorial principal du Guardian de
lundi commence par documenter la crise économique qui engloutit l'Europe.
« C'est comme si on se trouvait au service des urgences un vendredi soir.
Vivre dans cet endroit que nous appelons l'Europe c'est voir arriver des pays
sur des brancards, après une série de carambolages. D'abord le krach
bancaire ; puis les crises des dettes souveraines en Grèce et en Irlande -
avec des équipes de secouristes prêtes à recevoir les appels au 15 [numéro
d'urgence] en provenance du Portugal, de l'Espagne et de l'Italie. Une fois
admis à l'hôpital, le traitement peut être pire que le traumatisme : les
programmes d'austérité, les coupes dans le système de protection sociale, les
pertes d'emplois. La reprise est lente, fragile et sensible aux changements,
tels les prix du pétrole poussés à la hausse par la révolution qui balaie le
monde arabe. »
Le Guardian a relevé les résultats
d'un récent sondage réalisé auprès de 5.000 personnes en âge de travailler dans
cinq pays de l'UE - la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, l'Espagne et la
Pologne. Le sondage, écrit le Guardian, « parle clairement d'une
crise de gouvernance en Europe. Seulement 6 pour cent font confiance à leur
gouvernement et à peine 9 pour cent pensent que leurs politiciens sont
honnêtes, que ce soit ceux au pouvoir ou les autres. »
Dans ces conditions, les récentes
protestations de masse au Portugal ont une certaine signification de marqueur
pour l'avenir. Ce mois-ci, le Geração à Rasca mouvement (la génération
précaire) a organisé via Facebook une énorme manifestation à Lisbonne, à Porto
et dans d'autres villes. Les protestations ont été organisées quasiment du jour
au lendemain avec un groupe n'ayant été établi qu'en février. Un appel lancé à
l'adresse des chômeurs portugais, les « 500 euro-istes » et à
d'autres travailleurs sous-payés, aux travailleurs intérimaires, aux étudiants
et « mères et pères du Portugal », a fait descendre dans la rue plus
de 300.000 personnes. »
Bien qu'encore limitée politiquement, la
force du mouvement réside dans le fait qu'il s'est extirpé de la camisole de
force imposée à la classe ouvrière par la bureaucratie syndicale. Comme l'on
montré les expériences faites par la classe ouvrière en Europe tout au long de
l'année dernière, sans une telle rébellion de masse contre l'appareil syndical
et ses apologistes soi-disant de gauche, l'élite dirigeante va perpétrer des
attaques encore plus brutales contre le niveau de vie des travailleurs.