Auparavant, à une
époque « normale », la catastrophe japonaise causée par le séisme
n'aurait pas entraîné une crise économique et financière mondiale. Mais, cette
époque est révolue depuis longtemps. Dans la situation actuelle, ce séisme
pourrait bien être le catalyseur qui inaugure un nouveau stade de
l'effondrement financier mondial qui avait débuté avec l'effondrement de Lehman
Brothers en septembre 2008.
Un banquier central
du Groupe des Sept plus grands pays industrialisés, qui a refusé de donner son
nom, à dit à Reuters : « Je pense que l'économie mondiale va partir
en chute libre et cela se produit à un moment où les marchés financiers sont
encore fragiles. »
Avant même les
événements de vendredi dernier, le système financier mondial semblait de plus
en plus instable.
Aux Etats-Unis,
depuis deux ans, la hausse des marchés de capitaux américains se basait non pas
sur une reprise de l'économie américaine, mais sur une injection massive par la
banque fédérale de réserve (Federal Reserve) de fonds dans le système
financier. Dans un récent commentaire publié dans le Financial Times,
l'économiste David Rosenberg, a indiqué que, tout comme la hausse des marchés
boursiers de 2003-2007 avait été établie sur une « base précaire d'une
croissance du crédit éphémère et de l'augmentation des prix immobiliers,
l'actuel. mouvement spéculatif de hausse (« rally ») repose sur la
base encore plus fragile d'une intervention surréaliste du secteur
public. »
L'absence de toute
véritable reprise de l'économie américaine a été soulignée par les chiffres
publiés mercredi sur la construction de nouveaux logements. Ils montrent que le
mois dernier la construction de maisons individuelles et de maisons pour
plusieurs familles avaient baissé de 22,5 pour cent par rapport au niveau de
janvier, où les permis de construire étaient tombés à leur niveau le plus bas,
en termes d'ajustement saisonnier, depuis que le gouvernement a commencé à les
enregistrer en 1960. Dans le même temps, les prix de gros ont augmenté de 1,6
pour cent le mois dernier aux Etats-Unis en conséquence des coûts plus élevés
de l'énergie et des denrées alimentaires.
En Europe, il est
clair que la crise bancaire et monétaire qui a explosé il y a un an, n'a pas
été résolue vu que l'Espagne et le Portugal subissent des pressions de plus en
plus fortes de la part des marchés financiers.
En Asie, il est
devenu évident que l'économie japonaise était sur le point de connaître un
nouveau ralentissement tandis que des craintes étaient exprimées selon lesquelles
l'expansion de l'économie chinoise était produite par un boom non durable dans
l'immobilier et le bâtiment, et qui est attisé par une expansion massive du
crédit.
De plus, suite aux
troubles au Moyen Orient, la hausse des prix du pétrole a déclenché des
craintes de récession ou du moins d'une réduction significative de la
croissance économique.
Aujourd'hui, la
catastrophe causée par le séisme a intensifié davantage encore l'instabilité
mondiale. L'un de ses effets immédiats a été l'augmentation de la valeur du yen
qui a atteint hier un nouveau record de 76,25 face au dollar américain depuis
la Deuxième Guerre mondiale. Ce développement contre-intuitif découle du rôle
dirigeant joué par les institutions japonaises dans l'approvisionnement en
crédit des marchés financiers dans le monde entier.
En dépit de son
énorme dette publique intérieure, équivalente à plus de 220 pour cent du
produit intérieur brut (PIB), le Japon est le premier créancier du monde, avec
3 mille milliards de dollars d'actifs étrangers. De ces actifs, environ 900
milliards de dollars sont investis en bons du trésor américains, jouant un rôle
crucial dans la sauvegarde du système financier américain.
Mais, en attendant
les déclarations de sinistres et autres assurances dans le pays, les institutions
japonaises sont en train de rapatrier une partie de leurs fonds vers le pays,
augmentant de ce fait la valeur du yen. Toutefois, une hausse du yen risque de
réduire les exportations et la croissance économique en déprimant le marché
boursier. Ceci pourrait miner encore davantage la position financière des
banques et des compagnies d'assurance en les obligeant à vendre plus d'actifs
étrangers et de rapatrier des fonds, et en créant ainsi un processus de
rétroaction négatif. Et ce, dans des conditions où le coût total de l'économie,
suite au tremblement de terre, est évalué à 200 milliards de dollars, soit 4
pour cent du BIP.
Avec la hausse du
yen qui menace de déstabiliser encore davantage l'économie mondiale, les
banques centrales du G7 ont accepté de vendre le yen pour essayer de maintenir
sa valeur à un faible niveau. Mais, parallèlement, la Réserve fédérale
américaine par le biais de son programme d'assouplissement quantitatif continue
d'injecter de l'argent dans le système financier mondial dans le but, entre
autres, de maintenir la valeur du dollar américain à un bas niveau.
Il est impossible
de prédire l'issue exacte de ces flux et reflux contradictoires. Il est clair,
toutefois, qu'ils ont le potentiel de créer des turbulences financières massives
dans une situation où aucun des problèmes qui ont conduit à l'effondrement de
2008 n'a été résolu.
Avant même que le
tremblement de terre ne se produise, le milliardaire et gestionnaire de fonds
spéculatifs, Carl Icahn, avait adressé une lettre à ses clients leur disant
qu'il leur rendait leur argent. « Bien que nous ne prévoyions pas de
nouveau bouleversement du marché, cette éventualité ne peut être
écartée, » avait-il écrit. Icahn avait cité la « rapide progression
du marché au cours de ces deux dernières années » et des
« inquiétudes permanentes concernant les perspectives économiques »
comme la raison de ne pas prendre le risque « d'une nouvelle crise
potentielle du marché. »
Dans un important
discours prononcé vendredi dernier, et préparé avant les événements japonais,
le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mervyn King, avait remarqué que les
déséquilibres de l'économie mondiale, qui avaient précipité la crise financière
en 2008, n'avaient pas été surmontés. « Aucune des causes sous-jacentes à
l'actuelle crise n'a été éliminée. Le problème des banques 'trop grandes pour
faillir' n'a pas disparu. Et ce qui est même plus difficile, c'est le défi de
voir comment réconcilier le libre-échange avec un système monétaire et
financier international stable. Aujourd'hui, le problème le plus évident au
niveau mondial est que les déséquilibres sont à nouveau en train de
croître. »
King ne ne faisait
pas directement référence à l'Europe, mais c'est là que ressortent les
contradictions du système financier mondial dans certaines de leurs formes les
plus nettes. La crise actuelle de la soi-disant « dette souveraine »
est en réalité une crise du système bancaire comme l'avait souligné l'expert
américain en macro-économie, Barry Eichengreen, dans une récente interview
accordée au magazine allemand Der Spiegel.
« Les
tentatives de sauvetage actuelles n'ont jamais eu de sens, » a-t-il dit au
magazine. « Au fond, tout ce que l'Allemagne et la France veulent faire
avec ces mesures c'est de protéger leurs propres banques d'un effondrement. La
crise de l'euro est d'abord et avant tout une crise bancaire. Les banques
européennes sont face à un danger bien plus grand que n'en sont conscients la
plupart de gens. »
L'ampleur de ce
danger est révélée par les chiffres récents publiés par la Banque des
règlements internationaux (BRI). Ceux-ci montrent que les banques étrangères
ont une exposition totale s'élevant à plus de 2,5 mille milliards aux quatre
économies européennes les plus en difficulté - la Grèce, l'Irlande, le Portugal
et l'Espagne.
Le risque
grandissant d'un nouvel effondrement financier émerge présentement dans des
conditions où il y a encore moins de possibilité d'action internationale
coordonnée qu'au moment de l'effondrement de Lehman. Après cet effondrement, le
soi-disant G20 avait été invoqué comme une sorte d'institution de régulation et
de coordination du capitalisme mondial.
Deux ans plus tard,
cette perspective a été démasquée comme l'illusion qu'elle a toujours été. Un
article, rédigé par les économistes américains Ian Bremmer et Nouriel Roubini,
et publié dans la dernière édition de Foreign Affairs, indique qu'il n'y
a pas de G20, de G3 ou même de G2 viable. « Nous vivons à présent dans un
monde G-Zéro, un monde dans lequel aucun pays à lui seul ou bloc de pays n'a le
moyen politique ou économique - ou la volonté - de poursuivre un programme
réellement international. » Les deux économistes ont mis en garde que les
conséquences en seront un conflit intensifié sur la scène internationale
concernant d'importantes questions essentiellement de politique
macroéconomique, de commerce, de finance et de changement climatique. Et,
tandis que les ondes de choc économiques et financières se propagent à partir
du Japon, ces contradictions s'intensifieront.
Les conséquences
fatales d'un ordre économique et politique, dans lequel des décisions sont
prises pour construire des installations nucléaires dans la région la plus
sujette aux tremblements de terre, et sous le contrôle d'entreprises privées,
apparaissent maintenant au grand jour.
Mais tout aussi
mortelles sont les conséquences d'un ordre économique mondial dans lequel la
vie et les moyens de subsistance de la population mondiale sont soumises à
l'activité aveugle et destructrice du marché capitaliste et du système de profit
privé. Ces conséquences requièrent la nécessité de l'unité de la classe
ouvrière internationale autour du programme du socialisme international afin de
réorganiser l'économie mondiale dans le but de satisfaire les besoins sociaux.