Le premier ministre StephenHarperavaitdéjàreçul'assurancedusoutiendes troisdirigeants de l'opposition lorsqu'ila annoncévendredi dernierquele Canadadéploieraitsixchasseurs F-18etenviron150 membres
du personnelde soutien des FAC dans le théâtrede guerrelibyen.
Maisdansune
autre manifestation desoutien de l'opposition, le Parlement a adopté à l'unanimitélundi une résolutionaffirmantson soutieninconditionnelàl'agressionimpérialiste
sur la Libye.
Plus tôt lundi, le ministre de la Défense Peter MacKay
avait annoncé que les avions canadiens étaient déjà entrés en action dans le
pays nord-africain.
Le Canada aégalementdéployéunefrégateau large
des côtesde la Libye, le NCSM Charlottetownet, selonla
presse, des forces spéciales des FACauraient été actives dans la régiondepuis aumoinstrois semaines. LorsqueleCharlottetown
a quittépourlaMéditerranée le 2mars
prétendument dans le butd'apporterune aide humanitaire àla Libye,
les porte-paroledu gouvernement
canadienont déclaré qu'ilsse
préparaient àtoute éventualité etquela missionde la
frégatepourraitchanger. Cechangementestapparemmenten cours, avec l'annonce de Harpersamedi dernier que leCharlottetownse joindra àun blocusnavalde laLibye mené
par l'OTAN.
Ouvrantle débatparlementairede lundisur la question del'appuidu Canadapourl'attaque impérialistecontre la Libye, MacKay a dit que le Canadaaun
« devoirmoral » d'intervenirpouraiderlepeuplelibyenet
faire respecterl'Organisation des NationsUnies etle droitinternational.
Touslespartis d'opposition ontrepris et amplifiécesmensonges.
La participation du Canada à l'attaque
militaire sur la Libye, aux côtés de l'impérialisme américain et des anciennes
puissances coloniales dominantes de la région, la France et la Grande-Bretagne,
n'a rien à voir avec l'aide au peuple libyen. Au contraire, elle vise à assurer
le contrôle des ressources pétrolières du pays et à réaffirmer l'hégémonie des
États-Unis et ses alliés sur une région qui a été bouleversée par des
soulèvements populaires dirigés contre l'ordre autocratique politiquement et
socialement réactionnaire imposé par les États-Unis.
Même si l'élite dirigeante canadienne affirme maintenant
qu'elle est outrée par la répression sanglante infligée par le régime de
Kadhafi, le gouvernement canadien et des sociétés canadiennes de premier plan
comme Suncor et SNC-Lavalin étaient plus qu'enchantées de faire affaires avec
le dictateur.
Depuis des décennies, le Canada s'est joint aux États-Unis
et aux grandes puissances européennes dans le but de maintenir une série de
régimes autocratiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, du Maroc à
l'Arabie Saoudite, tout en supportant Israël dans la répression et la
dépossession du peuple palestinien.
Dans la mesure où les partis d'opposition ont critiqué la
position du gouvernement conservateur par rapport à la Libye, c'est sur la base
que le Canada aurait dû faire la promotion de l'action militaire de manière
plus agressivement et ouvertement.
Le 22 février, le parti social-démocrate du Canada, le
Nouveau Parti démocratique (NPD), a publié une déclaration appelant le Conseil
de sécurité de l'ONU, autrement dit, les grandes puissances, à établir une zone
d'exclusion aérienne sur la Libye et a continué de répéter cette demande au
moment même où les plus hauts gradés de l'armée américaine expliquaient
clairement qu'une zone d'exclusion aérienne était équivalente à une guerre. La
demande du NPD a maintenant été satisfaite et, avec la bénédiction des
sociaux-démocrates, de la seule manière qu'elle aurait pu être satisfaite par
l'ONU, ce nid d'intrigues impérialistes, ou ce « repaire de
brigands », l'expression que Lénine avait utilisée pour décrire la Société
des Nations, le prédécesseur de l'ONU.
En accueillant la participation du Canada dans la guerre
contre la Libye, le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae,
a balayé du revers de la main les suggestions selon lesquelles l'appui des
libéraux pour le déploiement des FAC pourrait affaiblir leur statut d'opposant
à l'approche d'une série de motions de censure au parlement cette semaine et la
semaine prochaine. « Nous ne voyons pas cela comme une question partisane
entre les libéraux et les conservateurs », a dit Rae. « Le fait que
M. Harper ait finalement accepté de participer [à des actions militaires] ne
change rien à la façon que nous procéderons au cours de la prochaine
semaine. »
En réalité, Harper - en continuant dans le même esprit que
ses déclarations fréquentes des deux derniers mois concernant son inquiétude
vis-à-vis la menace que représente le soulèvement populaire en Égypte pour la
« stabilité » - a, selon toutes les sources, a pesé de tout le poids
limité du Canada derrière les appels de Nicolas Sarkozy en France et de David
Cameron en Grande-Bretagne pour une intervention militaire. Mais il a choisi de
le faire en coulisse afin de ne pas endommager la plus importante relation
bilatérale de la classe dirigeante - celle avec les États-Unis.
Comme ce fut mis en évidence par la récente offre du
gouvernement Harper de forger une relation stratégique encore plus étroite avec
Washington dans le cadre d'un « périmètre de sécurité continental »,
l'élite dirigeante du Canada évalue que, dans des conditions de crise
économique mondiale et avec la présence d'un ordre géopolitique instable
caractérisé par la montée de nouvelles puissances, son partenariat avec les
États-Unis est plus vital que jamais.
Dès que l'administration Obama a décidé d'entrer en
guerre, modelant une résolution de l'ONU qui autorise de facto l'action
militaire bien au-delà d'une simple zone d'exclusion aérienne, Harper n'a pas
perdu de temps à afficher ses visées guerrières. Il s'est empressé d'aller à
Paris pour participer à un sommet que Sarkozy avait planifié pour samedi dans
le but de soutenir et de fomenter la campagne militaire. Pendant qu'il était
là-bas, Harper a eu des réunions bilatérales avec le président français et le
premier ministre britannique.
Lors de la conclusion du sommet, Harper a fait une série
de déclarations belliqueuses, promettant que le Canada serait au cour de la
campagne militaire.
Tandis qu'Obama et d'autres chefs ont, dans le but de
maintenir la couverture onusienne pour l'offensive militaire, tenté de
prétendre que le but de la guerre n'était pas de « changer le
régime », Harper n'a pas fait une telle nuance. Kadhafi, a dit Harper,
« ne durera pas longtemps ». Il a ensuite ajouté : « Je
pense que c'est sur cette base que nous agissons. Si je peux me permettre d'être
honnête, c'est probablement plus compris que dit ouvertement. Mais je viens
juste de le dire ouvertement. »
Harper, comme d'autres chefs de la coalition de guerre
anti-Libye, a jusqu'à maintenant été prudent en disant qu'une intervention
canadienne en Libye ne provoquerait pas de déploiement des troupes au sol, de
peur de provoquer un tollé international.
Mais le ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon a
déclaré vendredi dernier que le Canada considérait « toutes les
options » pour pacifier la Libye, y compris le déploiement de
« soldats sur le terrain ». Il a souligné que sous la résolution du
Conseil de sécurité de l'ONU rédigée par Washington, Paris et Londres, des
troupes pouvaient être déployées en Libye dans le but de « protéger les
citoyens », mais pas en tant que force d'occupation. « C'est
ce que la résolution exige », a dit Cannon.
L'unanimité au Parlement est reflétée par l'appui
retentissant pour la guerre exprimé par les comités de rédaction des principaux
quotidiens du pays.
Le Globe and Mail, le soi-disant journal de
référence du Canada, fait la promotion de l'imposition d'une « zone
d'exclusion aérienne » depuis des semaines, exhortant à la création, si
nécessaire, d'une « coalition des volontaires » à la George W. Bush,
en opposition à l'ONU.
Dans un éditorial intitulé « Une bouée de sauvetage
pour une "Libye libre" », (« 'Free Libya' gets a lifeline »), le
Toronto Star libéral a affirmé que Harper « avait pris la bonne
décision » en envoyant les FAC en Libye.
Le National Post, un journal néoconservateur ayant
des liens privilégiés avec le gouvernement Harper, a affirmé qu'il concevait
l'attaque sur la Libye comme un tremplin vers une guerre plus importante :
une action militaire contre l'Iran. « Si nous ne pouvons nous secouer pour
affronter un dictateur de pacotille comme Kadhafi, quelle crédibilité
avons-nous face à une puissance régionale émergente comme l'Iran ? »
a demandé le Post.
La bourgeoisie canadienne, tout autant que ses rivales, se
tourne vers la guerre impérialiste comme un moyen de s'emparer de ressources
naturelles et de marchés, et de gagner une influence stratégique, dans un
contexte où l'ordre capitaliste d'après-guerre fondé sur la domination
économique incontestée des États-Unis et de son dollar s'est effondré.
Sauf pour une seule exception, le Canada a joué un rôle
important dans toutes les campagnes militaires déclenchées par Washington
depuis la fin de la Guerre froide, dont la guerre du Golfe de 1991, la guerre
de l'OTAN contre la Yougoslavie en 1999 ainsi que l'invasion et l'occupation
actuelle de l'Afghanistan.
L'exception est l'invasion de l'Irak en 2003. Mais ce que
peu de gens savent est que le Canada, jusqu'à la toute dernière minute, était
activement impliqué dans les préparatifs de guerre des États-Unis et de la
Grande-Bretagne. Et comme l'avait admis à l'époque l'ambassadeur des États-Unis
au Canada, Paul Cellucci, le Canada avait par la suite fourni beaucoup plus
d'appui à la guerre que de nombreux membres de la « coalition des
volontaires ».
Suite à ces guerres et à une campagne massive de
réarmement, les dépenses militaires du Canada ont augmenté radicalement depuis
la fin des années 1990, tant sous les gouvernements libéraux que conservateurs.
Selon un rapport publié au début de ce mois-ci par le Centre canadien de
politiques alternatives, le gouvernement canadien va dépenser au moins 22,3 milliards
de dollars pour l'armée à l'année budgétaire 2010-2011. C'est plus, en termes
réels (en dollars ajustés à l'inflation), que ce qu'Ottawa a dépensé pour
l'armée en une année depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.