Une frappe aérienne de l’OTAN aurait tué mercredi soir 12 combattants
anti Kadhafi et sévèrement blessés trois autres dans la ville portuaire
contestée de Misrata. L’incident impliquant des « tirs de leur propre camp »
– le deuxième du genre depuis le 19 mars, début de la campagne de
bombardement – souligne une fois de plus le caractère fallacieux des
différents communiqués publiés par Washington et Bruxelles affirmant que
leurs raids aériens de « précision » visent à protéger le peuple libyen.
En réalité, les puissances impérialistes alliées sont engagées dans une
campagne de « changement de régime » de plus en plus irresponsable et
impliquant à présent des tentatives d’assassinat contre Kadhafi et un
bombardement ciblé de l’infrastructure publique qui entraînera
inévitablement davantage de victimes civiles.
L’OTAN a publié un communiqué qui n’a ni confirmé ni infirmé l’incident
mais qui a cyniquement fait état d’un « profond regret pour toute perte de
vie humaine. » En citant des médecins locaux de Misrata et un des
survivants, le journal The Guardian a rapporté que le bombardement
avait eu lieu aux environs de 17 heures près du port de Misrata. Une unité
formée de 15 membres « rebelles » s’était rassemblée près d’une usine de sel
dans trois « wagons de combat improvisés » sur chacun desquels était peinte,
conformément aux instructions de l’OTAN, une marque d’identification
spéciale. Malgré ceci, c’est après que les hommes eurent fini de prendre le
thé en compagnie d’une équipe d’ambulanciers qu’une bombe de l’OTAN les a
frappés.
L’un des
hommes, Ahmed Swesi âgé de 20 ans, a perdu quatre doigts et a eu un bras et
une jambe fracassés. Il a aussi été touché par des éclats d’obus à l’estomac
et au visage.
Le « conseil de transition » de Misrata, qui est allié à la direction de
l’opposition basée à Benghazi, a tenté de dissimuler l’incident. Les tireurs
anti-Kadhafi n'ont pas laissé les journalistes s’approcher du site du
bombardement. Cette réaction soulève la question de savoir s’il y a eu
d’autres frappes aériennes impliquant des victimes civiles et que les
soi-disant rebelles ont étouffées pour éviter d’embarrasser leurs
partenaires de l’OTAN.
Khalifa al-Zwawi – un juge qui préside le soi-disant conseil de
transition à Misrata – a dit que c'était la fautes des victimes. Il a
insisté en disant que les coordonnées de l’emplacement où les combattants
auraient dû se trouver avaient été fournies à l’OTAN et que les hommes
avaient dû « s'éloigner des limites qu’on leur avait données. » Ces
remarques soulignent le mépris que la direction des « rebelles » témoigne à
l’égard de ses propres partisans.
Le Conseil national de transition (CNT) à Benghazi est composé de
ministres du régime de Kadhafi qui ont récemment fait défection, de forces
islamistes, dont des terroristes liés à Al Qaïda, et nombre d’agents de
longue date de la CIA. Il fonctionne comme une force par procuration
oeuvrant pour les Etats-Unis et les puissances impérialistes européennes qui
cherchent à renverser Kadhafi afin de mettre en place un gouvernement
fantoche dans le but de promouvoir leurs intérêts géopolitiques et
commerciaux.
Gene Cretz, l’ambassadeur américain en Libye, a dit mercredi que l’équipe
diplomatique américaine envoyée à Benghazi avait conclu que le CNT était
« un groupe sérieux » et « un organe politique qui mérite notre soutien. »
Cretz n’a pas tenté d’expliquer les critères en fonction desquels cette
évaluation avait été faite. Il a toutefois fait peu d’effort pour dissimuler
le rôle joué par les dirigeants du CNT en tant que laquais pro américains,
disant qu’ils « continuent de dire des choses justes » et qu’ils
« s’adressent à la communauté internationale de manière très sophistiquée. »
L’ambassadeur a aussi expliqué que le gouvernement Obama se demandait
encore s'il allait accorder ou non la reconnaissance diplomatique au CNT
comme l’ont fait la France et l’Italie mais a souligné que le fait de ne pas
l’avoir déjà fait « ne nous a pas empêché de faire tout notre possible pour
soutenir le CNT. »
L’OTAN se prépare à dépêcher une « personne diplomatique à contacter »
auprès du gouvernement autoproclamé de Benghazi. Un porte-parole de l’OTAN a
dit que la décision « améliorerait et mettrait en valeur les contacts
politiques » à travers « des échanges politiques informels » avec le CNT. En
réalité, la décision fait suite au déploiement à Benghazi de « conseillers »
militaires britanniques et français et souligne le statut de mandataire de
la direction « rebelle ».
La France et la Grande-Bretagne poursuivent leurs préparatifs pour le
déploiement de forces au sol. Le ministre britannique de la Défense, Liam
Fox, a dit mercredi que des troupes pourraient être déployées à la frontière
entre le Tunisie et la Libye sous le prétexte de protéger des civils en
fuite. L’on évalue à 30.000 le nombre de personnes qui ont franchi la
frontière pour échapper aux combats. Fox a dit, en s’adressant à un comité
restreint parlementaire de la défense, que des forces britanniques
pourraient être nécessaires pour mettre en place des « zones de sécurité »
pour protéger des réfugiés contre des attaques des forces de Kadhafi.
Il n’y a aucun élément de preuve que ces forces sont en fait en train
d’attaquer des civils. Il y a eu des affrontements continus entre des
combattants pro et anti-Kadhafi à la frontière occidentale de la Libye. Des
combattants « rebelles » ont été chassés hier d'un avant-poste clé à la
frontière près de la ville libyenne de Wazen. Le Wall Street Journal
a décrit la perte du carrefour comme « coupant la seule voie d’accès pavée
des rebelles au monde extérieur. » Le gouvernement britannique est sans
aucun doute préoccupé par les implications militaires de cet avantage du
régime Kadhafi – toute force terrestre étrangère déployée dans cette zone
serait sans aucun doute instruite de mener le combat pour reconquérir le
terrain perdu.
Dans son témoignage devant le comité parlementaire, Liam Fox a souligné
que la guerre continuerait indéfiniment. Il a admis que le bombardement
pourrait se poursuivre pendant des mois. « Il est essentiel que la
communauté internationale donne un signal clair au régime libyen que notre
détermination n’est pas limitée dans le temps, » a-t-il déclaré en ajoutant
que « nous ne serons pas limités par des livres sterling, des shillings et
des pence. »
Les puissances américaine et européennes sont engagées dans des efforts
de plus en plus désespérés pour maintenir le prétexte « humanitaire » de
leur attaque contre la Libye.
Hier, au cours d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU à New York,
l’envoyée de l’ONU, Susan Rice, aurait accusé le régime Kadhafi de fournir
du Viagra à ses forces dans le cadre d’une campagne systématique de violence
sexuelle. Aucune preuve de nature à conforter ces allégations n’a été
apportée. Un porte-parole de Human Rights Watch [organisation de défense des
droits de l’Homme] – qui s’est vantée de soutenir la campagne de
bombardement de l’OTAN – a reconnu avoir enquêté sur les accusations et
n’avoir trouvé que « quelques actes crédibles de violence sexuelle ou de
viol mais qu'il n'existe pas à ce stade de preuve suggérant qu’ils sont de
nature systématique ou qu’ils font partie d’une politique officielle. »
(Article original paru le 29 avril 2011)