WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis
Un autre désastre vient de frapper une région appauvrie des États-Unis. Le bilan de la tornade de dimanche dernier, qui a ravagé une vaste partie de Joplin, au Missouri, s'élève maintenant à 124 morts, un chiffre qui augmentera sûrement beaucoup plus puisque environ 1 500 personnes manquent toujours à l'appel. Cette tornade est la plus meurtrière à survenir aux États-Unis depuis 1947.
Avec la saison des tornades qui n'en est encore qu'à ses premiers mois, l'année 2011 se classe déjà comme l'une des plus meurtrières dans l'histoire du pays. Au moins 487 personnes ont été tuées jusqu'à présent, soit le plus grand nombre depuis 1936, avant l'introduction des systèmes d'alerte en cas de tornade. Alors même que les équipes de secours fouillaient les décombres mardi des maisons et des bâtiments effondrés, la région se préparait à de nouvelles tempêtes encore plus fortes.
Plusieurs facteurs ont concouru à cette catastrophe. Il y a avant tout le nombre et la taille des tornades mêmes. Le mois d'avril a vu 875 tornades confirmées, soit le triple du précédent record pour ce mois. Ce nombre comprenait une vague massive qui s'est manifestée tard dans le mois pour s’étendre dans tout le Sud et le Midwest, tuant 325 personnes dans six États. Avec environ 1 000 tornades jusqu'à présent, l'année 2011 est en bonne voie de dépasser le précédent record de 1 817 établi en 2004.
L'intensité de la saison des tornades de cette année, ainsi que les inondations historiques provoquées par le fleuve Mississippi en même temps, sont liées au changement climatique. Les scientifiques ont prédit que l'augmentation des gaz à effet de serre allait non seulement réchauffer l'atmosphère, mais aussi provoquer d’importants changements climatiques, dont une augmentation de l'intensité et de la fréquence des systèmes de tempête.
Toutefois, comme dans toutes les catastrophes de cette nature, l'élément naturel est lié à des conditions sociales. Tant dans l'impact destructeur de la tempête que dans le désespoir qui suit, la vague de tornades aux États-Unis expose, cette année encore, les conséquences de l'inégalité sociale, du sous-développement des infrastructures et du caractère dérisoire de l'aide gouvernementale.
L'emplacement où la tornade de dimanche a frappé est remarquable du fait que c’est seulement à 110 kilomètres au nord de Bentonville, en Arkansas, le siège mondial de Walmart. En réponse à la catastrophe, la société Walmart a annoncé qu'elle ferait don de 1 million de dollars à la Croix-Rouge locale, déductible d’impôt n'en doutons point. Cette somme correspond au revenu brut accumulé en un peu moins d'une minute par le plus grand détaillant au monde.
La famille Walton, fondatrice de Walmart, et dont plusieurs membres vivent maintenant à Bentonville, est parmi les plus riches au monde, avec un patrimoine familial combiné de près de 90 milliards de dollars. Cela équivaut à peu près à la richesse totale des 40 pour cent de la population la plus pauvre des États-Unis, soit quelque 120 millions de personnes.
Cette inégalité massive prévaut dans tout le pays, et se reflète notamment dans l'état du parc d’habitations. Une statistique citée dans un article récent du World Socialist Web Site est particulièrement frappante : le taux de mortalité actuel pour les résidents des maisons mobiles frappés par une tornade est environ le même que le taux national de mortalité par tornade ne l'était en 1925, alors qu’une grande partie du « couloir des tornades » du pays – l’Oklahoma, le Kansas, et le Missouri – ne disposait d'aucune infrastructure sociale même des plus élémentaires. Avant la tornade de Joplin, au moins 119 des personnes tuées par des tornades cette année vivaient dans des maisons mobiles.
La prolifération des maisons mobiles dans les régions à forte concentration de tornades s'est accélérée depuis la crise financière de 2008 et a laissé de vastes sections de la population entièrement exposées aux éléments. Ces structures ne peuvent résister à des vents de 110 à 130 km/h, sans parler des vents de près de 320 km/h qui accompagnaient la tornade de Joplin et d'autres cette année.
Néanmoins, ce n'est pas seulement une question de logement. La classe dirigeante américaine est actuellement engagée dans une campagne générale pour ramener la classe ouvrière aux conditions de vie qu’elle endurait en 1925, sinon même avant. Tous les gains remportés par les travailleurs dans la période écoulée depuis sont ciblés, y compris les soins de santé, les programmes de retraite et l'éducation publique.
Des millions de personnes survivent à peine. Un incident beaucoup moins grave qu’une tornade monstrueuse suffit pour les précipiter de l'instabilité financière précaire à l'insolvabilité et à la misère.
Ces conditions ont été favorisées par les politiques du gouvernement fédéral, tant républicain que démocrate, et qui culminent maintenant avec l'administration Obama. Obama a offert mardi la promesse rituelle à la population de Joplin que le gouvernement fera « absolument tout ce qu'il peut pour assurer un rétablissement financier ». Il devrait faire sa visite habituelle de pure formalité à la ville dévastée en fin de semaine.
Dans les faits, les victimes, comme lors des précédentes catastrophes, seront laissées avec rien ou presque rien. On parle d'un gouvernement qui, après tout, a répondu à la catastrophe du déversement d'hydrocarbures par BP en créant un « fonds de compensation » fédéral dont le but principal était de trouver autant de façons que possible de refuser toute aide aux personnes touchées.
La véritable attitude de l'establishment politique à de telles catastrophes est exprimée dans la proposition budgétaire de l'administration en matière de secours à travers la FEMA (Federal Emergency Management Agency – agence fédérale de gestion des urgences) : 1,8 milliard de dollars pour l'année prochaine. Un rapport de l'AP a noté que cette somme correspondait à « moins de la moitié de ce qui sera nécessaire pour faire face aux coûts de reconstruction suite aux catastrophes passées telles les ouragans Katrina, Rita et Gustav, ainsi que les inondations catastrophiques qui ont frappé le Tennessee au printemps dernier, alors même que la prochaine vague de dépenses arrive. »
Le bilan économique de la catastrophe de Joplin est estimé à 3 milliards de dollars en pertes assurées, un chiffre qui ne tient pas compte de toutes les autres structures endommagées non assurées. Cette somme vient s'ajouter aux dizaines de milliards de dollars en dommages liés aux inondations le long du Mississippi et aux 6 milliards de dollars minimum pour les dommages causés par les tornades qui ont frappé l'Alabama le mois dernier.
Les républicains de la Chambre ont indiqué qu'ils pourraient proposer une augmentation de 1 milliard de dollars du budget pour les secours, mais ont indiqué clairement que ce financement devrait provenir de coupes effectuées dans les programmes sociaux. L'été dernier, les projets d'infrastructure limités financés par la FEMA ont été suspendus pendant six mois en raison de l'insuffisance des ressources.
L'assistance fournie par la FEMA est déjà pour le moins dérisoire. L'agence elle-même sur son site Web prend bien soin de préciser que son assistance « n'a pas pour but de restaurer vos biens endommagés à la condition avant la catastrophe ». Elle propose de ne financer la construction de maisons « que dans des zones insulaires ou des régions éloignées spécifiées par la FEMA ».
Le marchandage auquel se livre le gouvernement lorsque vient le temps de dégager un milliard de dollars en aide d'urgence est en contraste frappant avec sa volonté de dépenser des dizaines ou des centaines de milliards de dollars pour renflouer le système financier et accroître ses opérations militaires à l'étranger.
Le Socialist Equality Party des États-Unis appelle à un vaste programme de travaux publics pour réagir à la tornade de Joplin, au Missouri et aux autres catastrophes qui ont frappé les États-Unis. Celui-ci doit comprendre :
* Des dispositions d'urgence pour venir en aide à tous les survivants et reconstruire toutes les habitations et les bâtiments détruits ou endommagés.
* Un programme-habitation afin de s'assurer que tout le monde ait un logement décent et sûr, y compris ceux qui vivent actuellement dans des maisons mobiles ou autres structures non protégées. Un logement sûr est un droit social qui doit être garanti à tous.
* Une vaste expansion des infrastructures sociales, y compris les systèmes d'alerte, les réseaux de transmission électriques et des abris facilement accessibles dans tous les secteurs connus pour être sujets aux tornades. Bon nombre de personnes tuées dimanche ont été apparemment prises au piège dans de grands magasins et autres bâtiments publics qui ne disposaient pas de telles structures.
* Un programme national de travaux publics pour créer des emplois bien rémunérés pour les dizaines de milliers de chômeurs de la région. Ce programme doit s'inscrire dans un programme de travaux publics encore plus vaste pour reconstruire et accroître les programmes sociaux et les infrastructures dans tout le pays.
Ce programme doit être financé par une forte augmentation des impôts pour les riches (même un impôt sur la fortune de 10 pour cent qui serait limité aux 400 personnes les plus riches du pays rapporterait 137 milliards de dollars).
Pour libérer les ressources monopolisées par l'élite des affaires et briser leur dictature sur la vie économique et politique, toutes les banques importantes et les grandes entreprises doivent être nationalisées et transformées en entreprises publiques, gérées dans l'intérêt des besoins sociaux et non du profit privé.
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