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L'éclatement de manifestations ouvrières à Zengcheng a envoyé un signal alarmant dans les cercles financiers mondiaux, soulignant à quel point l'économie mondiale dépend de la surexploitation de la classe ouvrière chinoise.
Le Financial Times et le Wall Street Journal ont tous deux publiés des articles inquiets sur la capacité de la police d'état chinoise à contenir des mouvements de masse de la classe ouvrière. Un éditorial du Financial Times spéculait sur le nombre et l'intensité des manifestations en Chine, puis déclarait : « l'impression que les manifestations locales puissent développer une cohérence nationale plus large est profondément inquiétante pour le Parti communiste chinois. »
Cette éventualité est tout aussi profondément inquiétante pour la bourgeoisie internationale. Même une explosion sociale localisée comme à Zengcheng – connue comme la « capitale du jean » -- a eu des échos dans le monde entier. Cette ville de la périphérie de Guangzhou produit un tiers des jeans dans le monde, pour 60 marques internationales différentes. Zengcheng n'est qu'une des nombreuses "capitales" industrielles, chacune spécialisée dans un seul type de produit, majoritairement pour l'exportation.
Des troubles plus larges dans l'industrie chinoise auraient des conséquences pour les entreprises internationales, allant des exportateurs de machines allemands aux géants miniers d'Australie et du Brésil. General Motors produit actuellement plus de voitures et de camions en Chine qu'aux États-Unis et Walmart dépend de la Chine pour la plupart des biens de consommation courants qu'il vend. Les iPhones et iPads d'Apple sont produits dans d'énormes usines aux conditions de travail épouvantables gérées par Foxconn. Les sous-traitants appartenant à des étrangers emploient directement 16 millions de travailleurs chinois, et des millions d'autres sont employés dans le complexe réseau de fournisseurs locaux pour ces entreprises transnationales.
Les manifestations de colère des travailleurs migrants venant des zones rurales à Zengcheng ont été déclenchées par les mauvais traitements infligés à une femme enceinte par des agents de sécurité. Derrière cet incident, cependant, il y a des tensions sociales de plus en plus aiguës produites par la montée des prix de la nourriture, du logement et d'autres biens essentiels. Les augmentations de salaires obtenues par les travailleurs l'an dernier au cours d'une série de grèves qui avait débuté dans une usine Honda ont été complètement rattrapées par l'inflation.
La manifestation de Zengcheng a été suivie de blocages de la production. La semaine dernière, 2000 travailleurs de l'usine Citizen Watch à Dongguan, appartenant à des Japonais, ont cessé le travail plusieurs jours durant pour protester contre les journées de travail trop longues et les salaires trop bas. Cette semaine, 4000 travailleurs d'une usine de sacs à main de luxe appartenant à des Sud-coréens à Guangzhou ont fait grève pour obtenir de meilleurs salaires et la fin des mauvais traitements de la part de la direction.
En réaction à la manifestation de Zengcheng, un éditorial du Global Times, journal d'état, a tenté tout son possible pour nier le fait que la Chine est exposée aux mêmes convulsions révolutionnaires qui secouent le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. « Beaucoup de gens peuvent avoir des récriminations et des espoirs spécifiques, mais ils n'ont aucun intérêt à rompre l'ordre social existant et à renverser l'ordre social stable existant, » déclarait-il. « La Chine n'est pas une nation où la colère populaire cherche collectivement à renverser l'ordre existant. Il est temps de démentir ce mensonge grossier. »
En fait, le régime du Parti communiste chinois (PCC) est toujours hanté par les troubles de mai-juin 1989 lorsque des millions de travailleurs ont rejoint les étudiants à Pékin et dans d'autres villes pour exiger des niveaux de vie décents, des droits démocratiques et une fin à la corruption, pour se voir brutalement réprimer.
Aucune des contradictions sociales qui ont mené à cette explosion n'a été résolue. Au contraire, la croissance vertigineuse du capitalisme chinois au cours des deux décennies passées a produit un fossé social encore plus profond entre les riches et les pauvres. Le nombre de travailleurs urbains est passé de 120 millions en 1978 à plus de 500 millions aujourd'hui, y compris 210 millions de travailleurs immigrés des zones rurales. Le nombre de milliardaires en dollars en Chine a bondi de zéro en 2002 à 189 cette année – le groupe le plus important en dehors des États-Unis.
Dans un sondage en ligne organisé en mars, le Global Times a constaté que 94 pour cent des interrogés se considéraient comme « marginalisés » par l'ordre social actuel. Très représentatif de ceux qui ont répondu "oui", cette déclaration d'une personne disant que la Chine est « un paradis pour les riches, alors que les pauvres doivent lutter durement pour des emplois, des logements et pour survivre. » D'une manière ou d'une autre, ce mécontentement social en Chine trouvera tôt ou tard son expression dans un mouvement de masse contre le régime stalinien de Pékin.
En Europe et aux États-Unis, qui ont renfloués leurs banques et leurs grandes entreprises, les gouvernements imposent maintenant, sous la forme de mesures d'austérité drastiques, les dettes énormes qu'ils ont contractées. Terrifié à l'idée de la montée du chômage et du mécontentement, le régime chinois a réagi à la crise financière mondiale en donnant des aides massives et en ouvrant les vannes du crédit pour maintenir la croissance de l'économie à un rythme frénétique. Ces politiques n'ont jamais été soutenables à long terme. Pékin tente déjà de freiner les emprunts, ce qui va inévitablement entraîner un ralentissement de l'économie, une montée du chômage et des troubles plus larges.
S'il y a une leçon à retenir des manifestations au Moyen-Orient, en Europe et aux États-Unis pour les travailleurs chinois, c'est qu'aucune pression aussi élevée soit-elle ne suffira à forcer le régime de Pékin à faire des changements fondamentaux.
Les travailleurs chinois sont bien conscients que les syndicats dirigés par l'Etat fonctionnent comme des agents de police du régime. Cependant, ils devraient également refuser la perspective avancée par des gens comme Han Dongfang, fondateur du China Labour Bulletin, qui propose que les travailleurs défendent leurs droits en formant des syndicats indépendants "dépolitisés". Il se sert se sa réputation de meneur ouvrier lors des manifestations de 1989 pour duper la classe ouvrière et lui faire croire que les grèves et les manifestations pourront faire pression sur le gouvernement jusqu'à ce qu'il fasse des concessions.
Han a récemment appelé Pékin à instaurer un système dans lequel les demandes des travailleurs pourraient être résolues par « des négociations pacifiques, paritaires et constructives avec la direction. » Il poursuivait : « Si les travailleurs peuvent réaliser leurs objectifs par des négociations collectives pacifiques, à long terme il y aura moins de grèves, les travailleurs seront mieux payés et les relations de travail seront largement améliorées. » En réalité, Han offre ses services pour assister à paralyser tout mouvement indépendant des travailleurs grâce aux « négociations collectives, » même si le régime renforce ses mesures d'Etat policier.
Tout comme en Europe, aux États-Unis et au Moyen-Orient, les travailleurs de Chine doivent s'en remettre à leur propre lutte indépendante et se mobiliser en s'appuyant sur un programme socialiste et internationaliste. Leurs alliés naturels sont les travailleurs du monde entier, qui sont confrontés à la même exploitation des sociétés transnationales et au même système capitaliste qui les opprime. La tâche centrale des travailleurs chinois est de mener les masses rurales opprimées, à renverser le régime stalinien à Pékin et à prendre le pouvoir dans leurs propres mains. Cela signifie la construction d'un parti révolutionnaire comme section chinoise du Comité international de la Quatrième internationale, le mouvement trotskyste mondial.
(Article original paru le 25 juin 2011)
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