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Mardi, l 'Assemblée nationale et le Sénat ont voté, respectivement par 482 voix à 27 et 311 voix à 24, en faveur de la poursuite de l'intervention militaire française contre la Libye, initiée par le président Nicolas Sarkozy le 19 mars, en alliance avec les forces armées britanniques et américaines.
Ce vote déséquilibré témoigne de l'engagement de l'ensemble de l'establishment politique français à poursuivre une politique militariste et belligérante, alors même que l'armée française reconnaît de plus en plus que la guerre va mal. Le très petit nombre de voix contre la guerre, de la part de sections de la « gauche » bourgeoise, fait preuve d'hypocrisie totale et a pour but de conserver de la crédibilité auprès des 51 pour cent de la population française qui s'oppose aujourd'hui à la guerre.
Deux des quatre députés Verts, dont Noël Mamère et François de Rugy, ont voté en faveur de la motion et quelque 45 députés PS (Parti socialiste) se sont abstenus au motif que l'action n'était pas en accord avec la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU, résolution qui en soi est une violation de la souveraineté de la Libye.
Tandis que les parlementaires du PCF (Parti communiste français) ont voté contre la guerre, leur candidat à l'élection présidentielle de 2012, Jean-Luc Mélenchon du Parti de Gauche (PG) soutient ouvertement la guerre. Il a dit au quotidien Libération le 21 mars qu'il votait au parlement européen en faveur de la résolution soutenant la guerre «En accord avec la direction du PCF et de la Gauche unitaire, en accord avec mon collègue l'eurodéputé Patrick Le Hyaric. » Le Hyaric est un membre influant du PCF.
Après quatre mois de bombardements, la résistance continue du gouvernement libyen a mis en crise l'aventure militaire française. Au début de la guerre en mars dernier, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé avait affirmé que l'intervention « pourrait durer plusieurs jours, ou plusieurs semaines, mais pas des mois. » Cette affirmation s'était accompagnée de garanties officielles que la révolte de Benghazi contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi jouissait d'une base populaire de masse, tout comme le soi-disant Conseil national de Transition (CNT).
Il est à noter qu'à présent, alors que le gouvernement français est en négociations avec le régime libyen, il présente une version différente des événements. Il affirme que le gouvernement français contrôle le CNT et est de ce fait un partenaire crédible de la négociation. Selon le journal algérien El Khabar, Sarkozy a dit au fils de Kadhafi, Saif-al-Islam: «Nous avons crée le Conseil [de Transition] et sans notre soutien et notre argent, et nos armes le Conseil n'aurait jamais existé. » Il aurait ajouté, « Lorsque nous trouverons un accord avec vous, nous obligerons le Conseil à cesser le feu. »
La consternation grandit au sein des forces armées françaises devant leur échec humiliant à vaincre les forces de Kadhafi et à le renverser du pouvoir. Dans une enquête du 7 juillet sur les opinions des gradés militaires et des diplomates, le Nouvel Observateur écrivait: «Quatre mois et des milliers de frappes plus tard, Kadhafi est toujours là. Certes, Benghazi, la capitale des rebelles, est sous protection. Mais la guerre voulue par Nicolas Sarkozy s'enlise... la France apparaît impuissante face au dictateur d'un pays mal armé et dix fois moins peuplé. »
Interviewé mardi sur Radio Monte-Carlo, Jean-Yves Moisseron, chercheur à l'Institut de Recherche pour le Développement et rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek , a dit: «Non seulement les positions se sont stabilisées, mais on s'approche du Ramadan, une période vraiment pas propice pour des opérations armées... les tribus de l'est n'iront pas mourir pour Tripoli, et les tribus de l'ouest n'iront pas se battre pour Benghazi ; tout simplement parce que ce n'est pas chez eux. »
Les hauts gradés critiquent ouvertement l'intervention. TF1 rapportait mardi: «Certains, comme le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, prônent la poursuite des opérations militaires. Une vision critiquée par le général Vincent Desportes, ex-directeur de l'Ecole de guerre, qui estime, dans le Journal du Dimanche, qu'il est 'temps de trouver un compromis avec les autorités libyennes'. » Déjà sanctionné pour avoir critiqué la conduite de la guerre en Afghanistan, il a ajouté, « Nous ne pouvons plus attendre indéfiniment que le régime de Kadhafi tombe. »
L'enquête du Nouvel Observateur a trouvé des opinions selon lesquelles « La guerre a commencé par un coup d'éclat, non planifié, des forces aériennes françaises » mais que malgré un armement supérieur, « nous avons sous-estimé Kadhafi . Nous n'avons pas imaginé qu'il s'adapterait aussi vite. » Et de conclure que personne n'avait prévu la faiblesse militaire des « rebelles. »
Il y a eu des frictions considérables au sein de l'alliance de l'OTAN sur la question de savoir qui conduirait l'intervention et la France a dû laisser la place au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. L'enquête rapporte: «Pendant plusieurs jours, la diplomatie française tente de sauver la face. Elle fait le forcing pour qu'au moins l'embargo maritime de la Libye soit assuré par l'Union européenne et non par l'Otan... Sarkozy exige de mettre sur la touche les officiers turcs et allemands présents dans la structure de commandement de l'Otan, au motif qu'ils pourraient saboter cette guerre à laquelle Berlin et Ankara sont hostiles. »
Selon les taux de changes actuels, la France a le troisième budget militaire le plus élevé au monde (après les Etats-Unis et la Chine) avec 65,74 milliards de dollars par an, juste devant le Royaume-Uni, ce qui représente plus de 2,5 pour cent du PIB. Néanmoins l'armée française se plaint de ce qu'elle se trouve à court de financement et d'équipement.
Un article du Monde publié mardi détaillait le fait que les forces armées combattant en Afghanistan, au Sahel et en Côte d'Ivoire étaient à la limite de leurs ressources: «Les armées n'ont plus assez de marge pour, à la fois, combattre et régénérer le potentiel militaire. » Le coût de la guerre en Libye est de « 1,2 million d'euros par jour, a dû indiquer le ministère de la défense, 100 millions en trois mois. Le surcoût des opérations extérieures dépassera sûrement 1 milliard d'euros à la fin 2011, quand 640 millions ont été budgétés. »
Le Monde rapporte les inquiétudes de l'amiral Edouard Guillaud: « Les armées sont fragiles et fragilisées ... Les contraintes financières grèvent notre endurance opérationnelle. » Faisant référence aux pressions exercées par la bourgeoisie de l'Europe entière en faveur de coupes budgétaires, Guillaud a ajouté: « Bien davantage que l'affaiblissement du lien entre l'armée et la nation, la crise met en péril la cohésion nationale et les exigences financières dominent le débat stratégique. »
Le ministre de la Défense Gérard Longuet a déclaré dimanche: « Nous avons arrêté la main de Kadhafi sur son peuple. Nous leur demandons [le CNT et le régime Kadhafi] de parler entre eux, de se mettre autour d'une table. »
L'intervention inhabituelle des militaires gradés et des hauts fonctionnaires dans les médias et le débat public est un avertissement pour la classe ouvrière. Confrontée à un revers humiliant dans leur tentative d'assujettir par des bombardements un pays du Tiers monde, l'armée et l'establishment politique vont pousser à davantage de dépenses militaires, un financement qui ne peut se faire qu'au dépens de dépenses sociales et au dépens de la classe ouvrière dans le pays.
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