Des journalistes du WSWS ont participé le 6 février à Paris à une réunion
du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) intitulée, « Tunisie-Egypte, de la
révolte à la révolution. » La réunion a souligné la politique
contre-révolutionnaire de l’« extrême gauche » officielle française dont la
réaction à ces luttes reprend celle du ministère des Affaires étrangères des
puissances impérialistes.
Parmi les intervenants, il y avait Wassim Azreg, qui avait apparemment
accompagné Olivier Besancenot lors de son récent voyage en Tunisie (Voir :
« Le
garçon de courses de l’impérialisme français : Olivier Besancenot du NPA en
visite en Tunisie »), et Vanina Giudicelli, membre de la
direction nationale du NPA, présentée comme une spécialiste du Moyen-Orient.
Les organisateurs ont donné le ton de la réunion lorsqu'ils ont annoncé
ne pas vouloir la faire durer plus d'une heure environ de façon à ce que les
personnes présentes ne ratent pas le match de football France-Brésil.
En ce qui concerne la Tunisie – où le NPA espère que l’appareil d’Etat de
la dictature de Ben Ali survivra à l’éviction du président Zine El Abidine
Ben Ali – Azreg a défendu le régime intérimaire dirigé par un acolyte de Ben
Ali, le premier ministre Mohamed Ghannouchi.
Il a brièvement parlé de la « liberté d’expression » qu’on « voit
réellement… depuis la révolution » et des revendications populaires en
faveur du contrôle de la hausse des prix, notamment du prix des denrées
alimentaires, hausse causée par la politique de privatisation poursuivie
depuis longtemps par le régime Ben Ali. Il a conclu en qualifiant la
situation en Tunisie de « processus de la révolution » qui reste « à
construire ».
En dépit des commentaires informes d’Azreg, les problèmes de la
révolution en Tunisie ne sont pas aussi faciles à résoudre. Le régime
tunisien a réussi à survivre au départ de Ben Ali en dépendant de Ghannouchi
et des forces de l’ordre pour réprimer les protestations populaires en cours
afin de garder le pouvoir. Bien que la classe ouvrière ait montré sa force
en Tunisie, elle doit encore construire une direction politique
révolutionnaire et des formes d’organisations indépendantes avant de pouvoir
renverser le régime.
Mais, le NPA est hostile à la perspective de la révolution socialiste. En
réponse à une question d’un journaliste du WSWS, Azreg a dit : « Dans un
nouveau monde mondialisé avec les marchés financiers, une révolution basée
sur la perspective marxiste… est hors de question et ne correspond pas à la
réalité d’aujourd’hui. »
Azreg a laissé entendre que la révolution tunisienne était finie – alors
même que la police tunisienne continue d’abattre des travailleurs qui
manifestent. Il a dit : « Ce qui s’est passé en Tunisie c’est une révolution
car maintenant il y a la liberté d’expression… la vraie révolution en fait,
c'est que les gens ont réussi à faire chuter le régime. »
Plus tard, Giudicelli a mis en avant le même point de vue absurde et
réactionnaire selon lequel la révolution tunisienne a essentiellement
atteint son but en disant : « La Tunisie a réussi à faire la révolution et
en Egypte, cela continue. »
En Egypte, le NPA est incertain quant aux forces sur lesquelles
Washington, Paris et les autres puissances peuvent compter pour écraser les
luttes de la classe ouvrière. En conséquence, il loue les groupes
« d’opposition » officiels – tant les forces de « gauche » que les forces
islamistes de droite telles les Frères musulmans – de façon à pouvoir
collaborer avec toute coalition envisageable qui émergerait de la défaite de
la révolution égyptienne.
Giudicelli a dit que le régime Moubarak était soutenu par les Etats-Unis
mais que les « partis d’opposition dont les Frères musulmans constituent les
forces représentant l’alternative à laquelle beaucoup participent. » En
évaluant le nombre d’adhérents des Frères musulmans à plus de 500.000, elle
a ajouté, « certains de leurs militants participent à la grève. »
C’est en fait une parodie de ce qui est en train de se dérouler. Tout en
soutenant la dictature militaire égyptienne contre les luttes populaires de
masse, Washington n’aurait pas d’objection à coopérer avec les Frères
musulmans, avec divers groupes syndicaux ou autres partis « d’opposition. »
Sa principale préoccupation est d’éviter une révolution sociale, de sauver
le régime capitaliste et de construire un régime poursuivant la politique
pro impérialiste de Moubarak au Moyen Orient.
En promouvant publiquement les Frères musulmans, un groupe islamiste qui
a une longue histoire d’anticommunisme et de briseur de grèves en Egypte, le
NPA confirme qu’il a définitivement rompu avec le socialisme et toute
orientation vers la classe ouvrière.
Giudicelli a aussi encouragé les illusions les plus dangereuses sur le
rôle de l’armée qu’elle loue pour avoir « fraternisé avec les peuples. » En
fait, l’absence d’un parti politique qui mène une campagne systématique dans
l’armée – pour rallier les soldats du côté des travailleurs en les arrachant
aux officiers et au régime – représente des dangers immenses pour la
révolution égyptienne.
Giudicelli a conclu en appelant à manifester pour « faire la pression sur
le gouvernement français pour qu’il soutienne la population en Egypte. »
Cette proposition est totalement en faillite. Le gouvernement français va
de pair avec ses autres alliés de l’OTAN, dont les Etats-Unis, qui visent à
sauvegarder le capitalisme égyptien et le contrôle stratégique de
l’impérialisme occidental au Moyen Orient. Si des manifestations étaient
organisées sur la base de la perspective du NPA promouvant « l’opposition »
officielle égyptienne, elles feraient le jeu de la stratégie des principales
puissances : en rabibochant une nouvelle élite politique pour écarter un
défi révolutionnaire de la classe ouvrière.
(Article original paru le 11 février 2011)
voir aussi :
Notre couverture sur les soulèvements en Afrique du Nord et Moyen-Orient