Les pourparlers qui ont lieu entre le régime égyptien du président Hosni Moubarak, les Frères musulmans et l’Association nationale pour le changement de Mohamed El Baradei sont un exercice perfide d’hypocrisie politique. Leur but est de semer la confusion et de réprimer le mouvement révolutionnaire contre le régime Moubarak, de stabiliser le régime bourgeois en Egypte et de sauvegarder le pays en tant qu’instrument fiable pour les intérêts de l’impérialisme américain partout en Afrique du Nord et au Moyen Orient.
Le soutien du gouvernement Obama pour ces pourparlers, négociés par le vice-président égyptien, Omar Suleiman sous le label cynique de « transition démocratique », est tout autant réactionnaire que prévisible. Une fois de plus, les louanges de Washington à la démocratie sont démasquées comme étant des mensonges hypocrites. Les objectifs véritables du gouvernement Obama ont été révélés dans la déclaration ouverte de l’ancien ambassadeur Frank Wisner – qui avait été envoyé au Caire pour rencontrer Moubarak – selon laquelle le dictateur joue un rôle crucial. Tous les efforts entrepris par le gouvernement se concentrent sur la mise en place d’une « transition » trompeuse et qui protégera les intérêts américains en Egypte.
Le caractère réactionnaire de ces projets américains est révélé par l’homme choisi par Moubarak et Washington pour superviser la « transition » – le vice-président Omar Suleiman. C’est un homme qui est impliqué et a personnellement participé aux pires crimes du régime Moubarak. Il a, au sens propre du terme, du sang sur les mains.
Suleiman, contact privilégié de la CIA dans la délocalisation de la torture vers l’Egypte, a personnellement roué de coups Mamdouh Habib, citoyen australien faussement accusé de terrorisme au Pakistan et qui avait été expulsé vers l’Egypte pour y être torturé. Habib fut acquitté de toutes les accusations et libéré en 2005.
Suleiman a aussi aidé les Etats-Unis à fabriquer de fausses preuves pour justifier leur invasion illégale en Irak en 2003. Avant cette guerre, il avait organisé le transfert et le placement en détention d’Ibn Cheikh al-Libi des Etats-Unis vers l’Egypte ; une fois en Egypte, al-Libi avait été torturé jusqu’à ce qu’il accepte de dire que l’Irak remettait des armes chimiques et biologiques à El Quaïda. Ce faux témoignage s'était retrouvé dans le rapport fait à l’ONU en 2003 par le secrétaire d’Etat américain Colin Powell, appelant à la guerre.
Les mythes politiques sur la « guerre contre le terrorisme » – affirmation que l’élément clé du Moyen Orient est la lutte entre les valeurs des gouvernements « démocratiques » de l’occident et celles des Islamistes tels les Frères musulmans – sont révélés au grand jour par ces pourparlers. En fait, le principal conflit se trouve entre l’ensemble de la classe dirigeante et les masses laborieuses qui se présentent comme la principale force révolutionnaire.
La raison avancée à l’origine pour expliquer le soutien des Etats-Unis aux dictatures et monarchies partout au Moyen Orient était qu’un régime autoritaire était un mal nécessaire dans la lutte pour limiter l’influence islamiste. A présent, Washington traite les Islamistes comme un mal nécessaire dans sa lutte pour le maintien de ce qu’il considère être un objectif plus fondamental : le maintien d’un régime autoritaire sur lequel Washington peut compter.
Les raisons de classe qui sous-tendent cette politique ont été présentées dans un article du New York Times qui a affirmé que la Turquie était un modèle pour l’Egypte. Le Times voulait que le régime Moubarak imite le soutien de l’armée turque pour le « secteur privé dynamique » créé par la politique d’ « ouverture » et de déréglementation du gouvernement islamiste AKP (Parti de la Justice et du Développement). Cette politique a fait de la Turquie une grande économie d’exportation à main-d’œuvre bon marché. Le Times a aussi cité les relations tranquilles et bonnes que la Turquie entretient avec Israël, signe essentiel de l’acceptation par la Turquie de la domination de l’impérialisme américain au Moyen Orient.
Eu égard aux rapports qui montrent que la moitié des travailleurs égyptiens subsistent avec un salaire de 2 dollars ou moins par jour, les investisseurs internationaux espèrent certainement faire fortune en « ouvrant » davantage encore l’Egypte, aussi longtemps que le régime militaire et ses syndicats jaunes sont en mesure de réprimer la classe ouvrière. C’est-à-dire que l’Egypte doit demeurer un allié fiable de l’armée américaine, une source de main d’œuvre bon marché bien contrôlée par la police et un bastion de la réaction politique.
Ceci souligne le caractère semi colonial des relations existant entre les Etats-Unis et l’Egypte, pays qui se trouve sous la coupe de l’impérialisme mondial.
Au milieu de toutes ces manigances et prises de positions politiques, les préoccupations et les intérêts de la classe ouvrière, de la paysannerie et de la jeunesse égyptiennes ne comptent pour rien. Pas une seule des préoccupations sociales et politiques qui ont attisé les protestations de masse ne sera traitée. Les manifestants sont en quête de changements sociaux fondamentaux : le démantèlement de l’Etat policier, la fin de la domination des principaux propriétaires terriens à la campagne et la hausse des salaires et du niveau de vie. Les forces sociales à avoir un intérêt dans de tels changements – les travailleurs, les masses rurales opprimées et la jeunesse – n'obtiendront rien de ces négociations, mis à part une trahison cruelle. Les tortionnaires resteront au pouvoir, protégeant les intérêts stratégiques de l’impérialisme américain, les investissements du capital international et la richesse de la classe dirigeante égyptienne.
Le Comité international de la Quatrième Internationale déclare sans équivoque : les intérêts de la classe ouvrière égyptienne et des masses opprimées ne peuvent se concrétiser que par la lutte pour le pouvoir sur la base d’un programme socialiste. Il n’y a aucune autre voie à une démocratie authentique. Il y a donc un besoin urgent de construire des organes indépendants de représentation populaire et de surmonter le vide de la direction politique – pour proposer une alternative à l’appareil d’Etat bourgeois égyptien et aux négociations de Suleiman.
(Article original paru le 7 février 2011)
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