Le Hamas et l’OLP répriment toute action de solidarité avec l’Egypte
Par Peter Schwarz
15 février 2011
Depuis quatre ans, une profonde hostilité sépare les Islamistes du Hamas
et l’Organisation de libération de la Palestine. Néanmoins, les deux
organisations ont réagi de façon presque identique aux soulèvements en
Egypte et en Tunisie. Les manifestations de solidarité avec le peuple
égyptien ont été impitoyablement réprimées tant dans la Bande de Gaza
contrôlée par le Hamas qu’en Cisjordanie qui est sous contrôle de l’OLP.
Il y a quelques jours le Hamas a physiquement brisé une manifestation de
solidarité avec l’Egypte. Selon Human Rights Watch et Spiegel Online, six
femmes et dix hommes ont été arbitrairement arrêtés et matraqués.
Bien que le Hamas entretienne des liens avec les Frères musulmans qui
soutiennent à contre cœur les manifestations égyptiennes, l’organisation
craint manifestement que le mouvement de masse ne s’étende à Gaza et ne
menace son propre régime.
Les conditions sociales sont catastrophiques à Gaza. Plus de la moitié de
la population qui compte 1,5 millions de personnes a moins de 18 ans et
« être jeune à Gaza signifie le plus souvent être sans emploi et n’avoir pas
la possibilité de gagner suffisamment d’argent pour se marier, » a rapporté
Ulrike Putz, la correspondante du Spiegel. « Les jeunes n’ont aucune
possibilité d’occuper intelligemment leurs loisirs et encore moins de
possibilité pour changer leur situation personnelle. Si vous voulez voyager,
il vous faut un permis. Ceux-ci ne sont accordés qu’aux personnes âgées de
moins de 16 ans ou de plus de 35 ans. »
Un « manifeste pour le changement » affiché sur Facebook par de jeunes
Palestiniens, a trouvé 19.000 amis en l’espace de très peu de temps. Le
manifeste se plaint des conditions sociales intolérables qui prévalent à
Gaza : « Nous voulons être libres. Nous voulons mener une vie normale. Nous
voulons la paix. Est-ce trop demander ? »
Il poursuit: « Il y a une révolution qui grandit en nous, un
mécontentement et une frustration immenses qui nous détruiront à moins que
nous ne trouvions le moyen de canaliser cette énergie en quelque chose qui
soit capable de défier le statu quo pour nous donner un quelconque espoir. »
Le manifeste a été rédigé en réponse à la fermeture en novembre de
l’année passée d’une maison des jeunes par le gouvernement Hamas. Lorsque
les jeunes avaient protesté contre la fermeture leur manifestation avait été
violemment dispersée par les forces de sécurité du Hamas qui avaient arrêté
16 manifestants.
En Cisjordanie, l’Autorité palestinienne, dirigée par le président
Mahmoud Abbas, a imposé une interdiction totale de manifester en solidarité
avec l’Egypte. Ce qui sous-tend cette interdiction ce sont les relations
étroites existant entre Abbas et le président égyptien Hosni Moubarak dont
le renversement mettrait le régime à Ramallah dans une situation difficile
ainsi que la crainte d’un soulèvement contre le propre régime de l’OLP qui
est caractérisé par une corruption et un despotisme identiques.
Un porte-parole des forces de sécurité palestiniennes a justifié
l’interdiction des manifestations en disant que la stabilité de la
Cisjordanie doit être préservée. Des protestations pourraient « créer le
chaos. »
Néanmoins, plusieurs centaines de personnes sont descendues le 5 février
dans la rue à Ramallah pour manifester leur solidarité avec les
protestations égyptiennes. Au moment où ils ont commencé à scander : « De
Ramallah à la Place Tahrir, le peuple veut le changement, » des loubards
payés par le régime ont rapidement infiltré la foule en intimidant les
manifestants et en hurlant : « Abbas est notre président, nous n’en voulons
pas d’autre. »
La réaction du Hamas et de l’OLP aux protestations en Egypte en dit long
sur la nature de classe de ces organisations. Malgré l’antagonisme existant
entre elles, toutes deux représentent les intérêts d’ailes rivales de la
bourgeoisie palestinienne et toutes les deux sont profondément choquées par
le soulèvement en Egypte qui jouit du soutien de vastes couches de la classe
ouvrière et met à l’ordre du jour des questions sociales fondamentales.
L’OLP a été créée en 1964 sur initiative du président égyptien d’alors
Gamal Abdel Nasser en tant que mouvement nationaliste bourgeois. Comme tous
les mouvements nationaux, il a maintenu que les questions non résolues de la
révolution démocratique – le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la
question de la démocratie et la question agraire – peuvent être résolues
dans le cadre du capitalisme sous la direction de forces bourgeoises. Ceci
s'est révélé être une illusion. De nos jours, l’OLP et sa plus grande
faction, le groupe Fatah dirigé par Abbas, ont été réduits au statut
d’instruments dociles de l’impérialisme américain et du régime israélien, et
sont extrêmement hostiles aux masses palestiniennes.
Le Hamas a été fondé en 1986 comme la branche palestinienne des Frères
musulmans. L’organisation a pu gagner en crédibilité en raison du déclin de
l’OLP et du fait de ses propres activités de protection sociale et d’une
attitude plus combative à l’égard d’Israël. Néanmoins, le Hamas reste un
mouvement politiquement et socialement conservateur fondé sur des sections
de la bourgeoisie et de la classe moyenne palestiniennes. Il est
profondément hostile à tout mouvement indépendant de la classe ouvrière.
L’émergence de la classe ouvrière en Tunisie et en Egypte a apporté un
souffle d’air frais dans les relations politiques encroûtées du Moyen
Orient. Elle a révélé les véritables couleurs de toutes les organisations
politiques. L’hostilité de l’OLP et du Hamas à l’encontre de la révolte en
Egypte révèle leur véritable position de classe. Ceci en retour ouvre la
voie à la construction d’un authentique parti prolétaire, basé sur un
programme socialiste et la perspective de la Quatrième Internationale,
capable d’unir la classe ouvrière de par le Moyen Orient.
(Article original paru le 10 février 2011)