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Festivités de masse en Egypte une semaine après la chute de Moubarak

Par Alex Lantier
23 février 2011
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Des millions de personnes ont participé hier partout en Egypte aux festivités pour marquer la semaine écoulée depuis qu’une vague massive de protestations populaires a obligé le président égyptien Hosni Moubarak à partir.

Les rassemblements ont aussi servi à célébrer la mémoire de ceux tués au cours des 18 journées de protestations, en grande partie par la violence des nervis pro-Moubarak. Selon les chiffres officiels du ministère égyptien de la Santé, 365 personnes ont été tuées et 5.500 autres blessées durant les protestations. Il y a des centaines d’autres personnes disparues et aussi plusieurs centaines de prisonniers politiques qui sont encore détenus par le gouvernement militaire. Celui-ci tente d’établir son pouvoir en dépit des grèves et des protestations continuelles.

« Nous commémorons aujourd’hui les martyrs et, ce faisant, nous attendons que justice soit faite, » a dit à Al Jazeera au Caire, Mohammed Waked, l’organisateur des protestations. « Si ceux qui ont été détenus durant les protestations ne sont pas libérés, sans parler des prisonniers politiques plus anciens, ce serait un mauvais signe. »

Les médias d’Etat égyptiens ont estimé que deux millions de personnes avaient participé aux célébrations sur la place Tahrir et ses alentours – la principale intersection du Caire que les manifestants avaient gardée en signe de défiance envers la police de Moubarak durant les manifestations qui l’ont forcé à partir. Les gens qui ont participé aux célébrations sur la place Tahrir ont joué de la musique, écouté un sermon de l’érudit islamique Youssef al-Qaradaoui et ont assisté à des feux d’artifice.

Ils ont aussi scandé des revendications politiques et sociales contre le gouvernement militaire égyptien dont, entre autres : « Le peuple exige le procès du régime » ; « Chaque citoyen égyptien a droit aux droits de l’Homme, a le droit au logement et le droit d’être bien traité » ; il y eut aussi des slogans réclamant un gouvernement civil.

Sur les pancartes des manifestations sur la Place Talaat Harb du Caire on pouvait lire: « Tous les éléments restant du vieux régime doivent être éliminés, » et « La révolution continue jusqu’à ce que toutes les revendications soient satisfaites. »

Des slogans scandés lors du rassemblement ont aussi dénoncé la répression des protestations antigouvernementales de masse par les dictatures soutenues par les Etats-Unis au Bahreïn, en Libye et au Yémen. Il y eut également des appels en faveur de la libération de prisonniers palestiniens détenus dans les prisons égyptiennes en vertu de la loi sur l’état d’urgence, ce qui s’inscrit dans la collaboration du régime Moubarak avec l’Etat d’Israël.

Des célébrations ont eu lieu dans des villes de tout le pays. Selon Al Jazeera, plus d’un million de personnes ont pris part à des rassemblements dans la ville portuaire méditerranéenne d’Alexandrie. Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les avenues de cette ville qui longent la Méditerranée. Une délégation de manifestants a délivré un message au consulat de Libye à Alexandrie pour exprimer sa solidarité avec le peuple libyen.

A Arich, dans le nord de la péninsule du Sinaï, près d’Israël, un rassemblement de 20.000 personnes a exigé la fin de l’état d’urgence au moyen duquel règne l’armée. Les manifestants ont scandé que si l’état d’urgence n’était pas levé, ils ne laisseraient pas la police retourner au Sinaï.

A Damanhour, 3.000 personnes ont réclamé le retrait des symboles du régime existant. Un rassemblement à Marsa Matrouh a réclamé des salaires plus élevés et la fin de la corruption.

Ces revendications concernant les salaires, les conditions sociales et la liberté politique ont été faites au milieu de grèves et de luttes massives de la part des travailleurs et qui ébranlent le pays dans son ensemble. Les banques et les administrations étaient fermées la semaine passée en raison de grèves de masse de leurs employés. Des grèves ont fermé les usines textiles, les usines chimiques et pharmaceutiques, l’aéroport du Caire et le centre administratif de l’axe maritime stratégique qu’est le canal de Suez.

L’armée qui fonctionne comme un pilier crucial du régime de Moubarak, bloque les revendications de la classe ouvrière en faveur d’une réforme politique, refusant d’abolir la loi sur l’état d’urgence ou de libérer les prisonniers politiques. Au lieu de cela, elle insiste pour dire qu’elle sera la seule à écrire la constitution qui doit remplacer celle du régime Moubarak et dont l’annulation a été exigée par les manifestants.

Le gouvernement américain soutient cette tentative de maintenir en vie l’ancien appareil d’Etat de Moubarak. La secrétaire d’Etat Hillary Clinton a annoncé jeudi que Washington offrirait 150 millions de dollars au gouvernement égyptien pour « soutenir la transition en Egypte ». Deux envoyés américains, le sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires politiques, William Burns et le conseiller de la Maison Blanche, David Lipton, se rendront en Egypte la semaine prochaine.

Clinton a dit que les deux envoyés « consulteraient leurs homologues égyptiens sur la manière dont nous pouvons déployer le plus efficacement notre aide en respectant leurs priorités. »

Toutefois, dans des conditions de protestations populaires de masse, l’armée a annoncé la détention de trois anciens ministres et d’un homme d’affaires en vue, le magnat de l’acier, Ahmad Ezz, qui est étroitement lié au fils de Moubarak, Gamal Moubarak. Celui-ci avait été considéré un temps comme l’héritier présomptif. Les ministres détenus sont l’ancien ministre de l’Intérieur Habib el-Adli, l’ancien ministre du Tourisme, Zuhair Garana et l’ancien ministre du Logement, Ahmed el-Meghrabi. Ces quatre ministres sont soupçonnés de gaspillage de fonds publics et sont en attente d’un procès.

Le procureur général en a aussi appelé au ministre des Affaires étrangères pour qu’il contacte les pays européens afin de geler leurs comptes.

Dans le même temps, les divisions politiques sont en train de s’accroître au sein des groupes de protestations ayant appelé aux manifestations anti-Moubarak le mois dernier et ce, au moment où le gouffre qui sépare le régime soutenu par les Etats-Unis des revendications sociales et politiques des masses devient plus évident. Des groupes et organisations politiques qui avaient soutenu antérieurement les protestations tissent rapidement leurs liens avec l’establishment politique égyptien alors que d’autres manifestants les critiquent.

Wael Ghonim, un directeur de Google qui avait aidé à organiser les protestations initiales, serait actuellement engagé dans des négociations avec des éléments du Parti démocratique national (NDP) de Moubarak, dont l’ancien président du NDP Hossam Badrawy, en vue de la formation d’un nouveau parti politique.

Badrawy a fait ce commentaire : « La question du parti en est à son tout début et il est trop tôt pour le confirmer. » Disant qu’il n’avait pas rencontré directement Ghonim la semaine passée, Badrawy a ajouté qu’il « aimerait bien qu’il soit impliqué. »

Abdel Moneim Imam, un ami de Ghonim, a dit que son propre groupe – qui soutient l’ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Mohamed El Baradei – était engagé dans des négociations avec Naguib Sawiris, le PDG d’Orascom Telecom, premier groupe de services de téléphonie, au sujet de la formation d’un parti.

(Article original paru le 19 février 2011)

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