Un obscur incident impliquant un drone espion américain abattu dans l’est de
l’Iran soulève des questions à savoir ce qu’il faisait là, alors que les
États-Unis et Israël ne cessent de prendre des positions toujours de plus en
plus provocatrices envers le régime iranien.
Les médias iraniens ont rapporté dimanche que les forces armées iraniennes
avaient abattu un drone furtif sophistiqué américain Sentinel RQ-170. La Force
internationale d’assistance à la sécurité de l’OTAN a publié une déclaration en
réaction, affirmant que les opérateurs d’un drone avaient perdu le contrôle de
celui-ci lors d’un vol de surveillance effectué dans l’ouest de l’Afghanistan la
semaine dernière.
Washington a nié que le drone ait été abattu, prétendant qu’il avait dévié de sa
trajectoire et s’était écrasé. Selon NBC, des responsables américains ont admis
que le drone était utilisé par la CIA dans le cadre d’une mission secrète.
Aux États-Unis, les médias ont minimisé ou totalement ignoré la violation de la
souveraineté de l’Iran, se bornant à reprendre la version officielle de
Washington en répétant ses préoccupations que Téhéran et d’autres gouvernements
pouvaient acquérir des informations techniques sensibles sur le drone. Aucune
des questions sérieuses soulevées par l’incident n’a été approfondie.
Le drone de modèle RQ-170 aurait été largement utilisé par l’armée américaine
en Afghanistan, notamment pour effectuer la surveillance du complexe d’Oussama
Ben Laden au Pakistan, avant et pendant le raid américain de mai dernier. Cet
appareil est capable d’échapper à la détection radar et autres systèmes de
surveillance, et est équipé de caméras à haute performance et de dispositifs
capables d’intercepter les communications audio.
L’utilisation de drones furtifs en Afghanistan est douteuse, étant donné que les
talibans et les divers mouvements insurgés n’ont pas de technologie radar. Ce
fait alimente les spéculations selon lesquelles l’Afghanistan sert en fait tout
simplement de base pour les drones qui effectuent des vols de reconnaissance en
Iran et au Pakistan.
Stratfor, un groupe-expert proche de l’Armée et du monde du renseignement aux
États-Unis, considère l’histoire officielle du drone égaré dans l’espace aérien
iranien comme « douteuse », affirmant que les États-Unis effectuent des
opérations de renseignement en Iran depuis des années. Stratfor a soulevé
l’inquiétude que l’Iran pourrait avoir acquis la capacité de détecter et
d’abattre les drones furtifs.
L’article explique : « Les États-Unis ont longtemps mené une vaste campagne RSR
(renseignement, surveillance et reconnaissance) en Iran, en particulier pour
cartographier les sites nucléaires iraniens, les unités de missiles balistiques
et leurs efforts de développement, de même que le réseau de défense aérienne et
de nœuds de commandement et de contrôle du pays. Compte tenu des photos montrant
des RQ-170 à Kandahar, cet appareil a presque certainement été activement
impliqué dans ces efforts depuis des années. »
L’Iran a affirmé avoir abattu deux drones espions dans le golfe Persique en
janvier, et un autre en juillet au-dessus de la ville de Qom, à proximité du
site de la centrale nucléaire Fordu, un centre d’enrichissement de l’uranium
construit à grande profondeur.
La liste des cibles du renseignement en Iran met en lumière les préparations
détaillées faites par le Pentagone et la CIA pour mener des opérations contre
les installations nucléaires iraniennes, qui dans le cas de frappes aériennes
auraient à cibler les défenses aériennes et les postes de commandement
militaires. L’administration Obama continue de maintenir que toutes les options
demeurent « sur la table », ce qui comprend également les frappes aériennes non
provoquées et la guerre.
Cette « vaste campagne étendue de RSR » peut très bien avoir comme but plus
immédiat de soutenir ce qui semble être une escalade de la guerre secrète
d’Israël et des États-Unis contre les programmes nucléaire et balistique de
l’Iran.
Une explosion inexpliquée survenue le 12 novembre sur une base militaire près
de Téhéran a tué le général Hassan Tehrani Moghadam, qui était au centre du
programme de développement des missiles de l’Iran. Selon l’article du New
York Times intitulé « Explosion seen as big setback to Iran’s missile
program » (Une explosion considérée comme un gros revers pour le programme de
missiles de l’Iran), cette base est utilisée pour tester et développer un
combustible solide de pointe pour missiles. Les images satellites rendues
publiques par un groupe de recherche basé à Washington montrent que des pans
entiers de la base auraient prétendument été détruits par l’explosion.
Le régime iranien a déclaré que l’explosion du 12 novembre était un accident,
mais plusieurs analystes ont suggéré qu’elle puisse avoir été le résultat d’une
opération de sabotage américaine ou israélienne. Le New York Times a
établi un lien entre l’explosion et le drone abattu, notant qu’il y a eu
d’« intenses efforts de surveillance » des sites d’armes iraniens soupçonnés.
L’article ajoute : « Une des nombreuses théories qui gravite autour de
l’explosion à la base de missiles, c’est que celle-ci pourrait avoir été frappée
par une arme, peut-être tirée depuis un drone, ce qui aurait déclenché l’énorme
explosion qui s’est ensuivie. »
Cette explosion n’est pas le seul incident resté inexpliqué. Le 28 novembre,
l’agence semi-officielle Fars News a fait état d’une « forte explosion » près de
la ville d’Ispahan. Le régime a nié que l’explosion se soit produite à l’usine
de conversion d’uranium du pays située près de cette ville. Selon un article
paru dans le Times cependant, il y aurait des images satellites montrant
de la « fumée » et de la « destruction » aux installations, citant des
responsables du renseignement israélien qui disaient qu’il n’y avait « aucun
doute » qu’une explosion était survenue à l’établissement.
Le même jour que l’explosion d’Ispahan, le ministre du renseignement d’Israël, Dan Meridor, a ostensiblement déclaré à la presse : « Il y a des pays qui imposent des sanctions économiques, et il y a des pays qui agissent par d’autres moyens pour faire face à la menace nucléaire iranienne. »
Ces explosions suivent l’assassinat l’an dernier de deux des meilleurs scientifiques nucléaires iraniens et d’une autre tentative qui a échoué, des gestes largement attribués au Mossad, l’agence de renseignement israélienne bien connue pour de tels actes criminels.
Selon un article du Los Angeles Times publié dimanche, pour « beaucoup d’anciens responsables du renseignement américain et d’experts sur l’Iran », l’explosion du 12 novembre s’inscrit dans « un effort secret des États-Unis, d’Israël et d’autres pays pour enrayer les programmes nucléaire et balistique de l’Iran ». L’analyste Patrick Clawson du Washington Institute for Near East Policy a déclaré au journal : « Il semble qu’il y ait une campagne d’assassinats et de guerre cybernétique, ainsi qu’une campagne semi-reconnue de sabotage. »
En Israël, les médias ont largement rapporté que le ministre de la Défense Ehoud Barak et le premier ministre Netanyahu ont fait campagne dans le cabinet israélien pour mener une attaque préventive contre l’Iran. Hier, le journal conservateur Jerusalem Post a indiqué que le différend n’était pas tant « sur l’ampleur ou la gravité de la menace – tous sont d’accord que l’Iran doit être stoppé – mais plutôt à savoir quel serait le meilleur moment pour qu’Israël agisse. » Le journal a également décrit les deux explosions comme « faisant partie de la guerre secrète que l’Occident mène contre l’Iran. »
Le gouvernement israélien a bondi sur le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui affirme qu’elle détient des preuves que l’Iran a effectué des recherches liées aux armes nucléaires. Une grande partie du rapport est basée sur de vieilles informations fournies par différentes agences de renseignement, y compris celles d’Israël et des États-Unis. Téhéran a nié à plusieurs reprises l’existence de tels plans pour construire une bombe, qualifiant les preuves de fabriquées.
Comme ils l’ont fait en Irak, les États-Unis et leurs proches alliés font appel à des allégations douteuses à propos de programmes d’armes nucléaires pour justifier une politique agressive visant à façonner un régime à Téhéran plus soumis à leurs intérêts économiques et géopolitiques. L’augmentation du nombre d’indices démontrant que des opérations clandestines risquées sont menées, la toute dernière étant celle où le drone a été abattu, agite le spectre qu’une attaque ou une provocation contre le régime iranien pourrait déclencher une conflagration militaire bien plus grave.
(Article original paru le 7 décembre 2011)