Le président américain, Barack Obama, a annoncé sa candidature pour être
réélu en 2012, par une déclaration vidéo diffusée sur internet lundi et
distribuée par courriel. Il est devenu le premier candidat à annoncer
officiellement sa candidature pour les présidentielles de 2012, fournissant
les documents requis auprès de la commission électorale fédérale, une
condition légale pour commencer à recueillir des fonds pour la campagne.
Obama a déjà été décrit comme le « candidat d'un milliard de dollars »,
vu qu’il est estimé que sa campagne sera la première dans l’histoire des
États-Unis à recueillir et dépenser cette énorme somme. Ce nombre est
approprié et symbolique, étant donné que la présidence d’Obama a servi les
milliardaires au détriment des travailleurs américains.
L’aristocratie financière — et Wall Street en particulier — a fortement
appuyé Obama contre le républicain John McCain en 2008. Obama avait récolté
un record de 779 millions de dollars en contributions, plus que le double de
l’ancien record établi par George W. Bush en 2004. Malgré les assertions que
ce record de collecte de fonds était lié à une explosion des petits dons, la
majorité des fonds recueillis lors de la campagne d’Obama pour l’investiture
et pour les présidentielles sont venus de personnes donnant mille dollars ou
plus.
Les gros joueurs seront encore plus sollicités pour la campagne de 2012.
Lors d’une réunion le mois dernier, le directeur de la campagne, Jim Messina,
a demandé à 450 grands « bundlers » (personnes qui sollicitent les donateurs
et recueillent leurs dons) de recueillir 350 000 dollars chacun pour 2011,
c’est-à-dire un an avant les élections. Cela équivaut au double de ce qui
leur avait été demandé pendant toute la campagne de 2008. Cette récolte de
fonds rapporterait à elle seule plus de 150 millions de dollars à Obama
avant janvier 2012, beaucoup plus que n’importe quel de ses rivaux
potentiels dans l’un ou l’autre des partis de la grande entreprise. En
accumulant d’aussi grandes sommes d’argent aussi rapidement,
l’administration tente d’empêcher toute possibilité que les politiques
pro-patronales que les deux partis politiques défendent soient défiées.
La semaine dernière, lors d’un discours donné devant un groupe de
partisans financièrement aisés, Obama a déclaré : « Nous avons livré le
changement auquel nous pouvons croire. Mais nous n’avons pas fini. Nous
avons encore du travail à faire. »
En fait, toutes les politiques de l’administration représentent une
continuation et une intensification des politiques droitières de
l’administration Bush. L’administration Obama a élargi le sauvetage de Wall
Street commencé sous l’administration Bush, se servant de toutes les
ressources du trésor fédéral pour venir à la rescousse des banques et
sauvegarder les richesses accumulées de l’élite financière.
Deux ans et demi plus tard, la rentabilité des sociétés est revenue,
atteignant le plus haut niveau jamais enregistré : 1,68 trillion de dollars
en 2010, en hausse de 36,8 pour cent en seulement un an. Les profits ont
augmenté de 61,5 pour cent comparés à leur plus bas niveau lors de la crise
financière de 2008, qui a déclenché la présente crise économique.
Le marché boursier a rebondit, avec les valeurs en hausse de 70 pour cent
comparés à leur plus bas niveau en 2008-2009 et un énorme trillion de
dollars a été rajouté aux valeurs boursières en 2010 seulement. Les salaires
des PDG sont revenus à leur niveau stratosphérique d’avant le krach, en
hausse de 50 pour cent de 2009 à 2010. Quant aux salaires des travailleurs
moyens, ils ont stagné.
Pour la classe ouvrière, il n’y a pas eu de reprise. Plutôt,
l’administration Obama a mené une poussée des grandes entreprises
américaines pour faire payer la classe ouvrière pour la crise financière et
le sauvetage. Ils ont fait cela par la destruction de sept millions
d’emplois, par les coupes dans les salaires et les avantages sociaux et par
une attaque sans précédent sur les services publics et les programmes
sociaux.
Vendredi, lors d’un rassemblement aux allures de campagne électorale qui
se tenait dans un établissement d’UPS, Obama a salué les statistiques
officielles de chômage publiées le même jour et qui montraient une baisse
d’un point complet de pourcentage dans le taux de chômage lors des quatre
derniers mois, de 9,8 pour cent à 8,8 pour cent. « La dernière fois que
c’est arrivé, s’est vanté Obama, c’était pendant la reprise de 1984. »
Cependant, les données d'une étude du département du Travail démontrent
que la baisse du taux de chômage officiel n'est pas due à l'embauche de
travailleurs, mais bien aux travailleurs qui quittent la main-d'oeuvre
active, découragés par le manque d'emplois.
Des spécialistes en économie anticipent maintenant — sur la base
optimiste que l'économie des États-Unis ne va pas entrer encore en récession
sous l'impact de la crise financière, de la guerre et des coupes budgétaires
— que le taux de chômage officiel va atteindre 8 pour cent ou plus en
novembre 2012, soit le plus haut taux lors d'une élection depuis la Deuxième
Guerre mondiale.
L'effondrement économique de 2008 a créé toute une couche de chômeurs
plus ou moins permanents. Six millions d'Américains sont sans emploi depuis
six mois ou plus, sans compter les millions de personnes de plus qui ont
quitté la main-d'oeuvre active, et la durée moyenne de la période de chômage
pour un travailleur qui vient de perdre son emploi est de 39 semaines.
Les politiciens de la grande entreprise des partis démocrates et
républicains cherchent à accentuer la misère sociale en coupant ou en
éliminant les allocations qui sont la seule chose qui empêche des dizaines
de millions de personnes de sombrer dans le plus grand dénuement. Des
millions de travailleurs à bas salaire verront leurs impôts augmenter cette
année tandis que les baisses d'impôts de Bush pour les riches ont été
prolongées de deux ans, avec la bénédiction d'Obama.
Les gouvernements d'État et les administrations municipales ont supprimé
400 000 emplois durant les deux dernières années et ils procèdent maintenant
aux plus grandes attaques sur les emplois, les avantages sociaux et les
droits des travailleurs depuis la Grande Dépression. Le Wisconsin est
l'exemple qui a attiré le plus l'attention, mais les gouverneurs démocrates,
autant que les républicains, réduisent les salaires et les avantages sociaux
des employés de la fonction publique, et coupent dans l'assistance médicale
aux personnes à faible revenu, ou l'éliminent entièrement, et s'en prennent
à d'autres services de l'État.
Ces coupures dans les budgets d'État vont être éclipsées par l'impact des
prochaines attaques sur les programmes sociaux financés par le fédéral. La
première ponction prendra la forme de coupes dans les dépenses du fédéral,
quelque 30 à 60 milliards de dollars, que l'administration Obama et le
Congrès devraient conclure cette semaine.
Aujourd'hui, la Chambre des représentants républicaine va proposer son
budget pour 2012, plantant ainsi le décor pour de prodigieuses réductions de
4 trillions de dollars dans des programmes comme Medicare, Medicaid et
l'assistance sociale, qui représentent des ressources vitales pour des
dizaines de millions de personnes âgées et de travailleurs pauvres.
Par ces mesures, ils ne font qui suivre la voie qui a été tracée par
Obama dans sa supposée « réforme » de la santé, dont le but n'était pas de
faire des soins de santé un droit fondamental pour tous les Américains, mais
bien de réduire la participation financière du gouvernement fédéral et des
sociétés américaines aux programmes de santé.
Ces coupes sont défendues à l'aide de la fausse affirmation qu'« il n'y a
plus d'argent » pour les emplois, les salaires, l'éducation, la santé, le
logement, par les mêmes politiciens qui prodiguent des trillions de dollars
au Pentagone et en baisses d'impôts pour les sociétés et les riches.
À l'approche de l'annonce qu'il se représentait aux élections, Obama a
ponctué ses promesses de réduire les dépenses fédérales et le déficit de
tirs de centaines de missiles de croisière sur la Libye, tout en poursuivant
les guerres à durée indéterminée en Afghanistan et en Irak qui ont tué des
millions de personnes et dilapidé des trillions de dollars.
La Maison-Blanche et le Parti démocrate ont prononcé toute une série de
paroles populistes dans le cadre du lancement de la campagne pour la
réélection d'Obama.
Malgré l'énorme avantage financier et l'appui de l'élite dirigeante, le
camp Obama ressent une certaine nervosité, et même une certaine
appréhension. Cela n'a rien à voir avec des inquiétudes face à l'opposition
républicaine, Obama ayant adopté pleinement le même cadre politique qu'elle.
Mais il y a de plus en plus d'indices d'une méfiance populaire envers les
deux partis et d'une croissance de l'opposition à toute la structure de la
politique de la grande entreprise. Un sondage Gallup rendu public en février
a déterminé que l'appui pour le Parti démocrate avait chuté dans tous les
États, et particulièrement dans la ceinture des États industriels, de la
Pennsylvanie jusqu'au Minnesota, où le ralentissement économique a été le
plus marqué. L'appui pour le Parti républicain a aussi diminué, tout comme
pour le Congrès, à la suite de la prise de contrôle de la Chambre par les
républicains en automne dernier. Dans un sondage mené tout juste après le
déclenchement de la guerre en Libye, le taux de satisfaction envers Obama a
chuté à 42 pour cent, soit le plus bas taux de sa présidence.
Ce qui est plus significatif que la diminution du nombre de votes est
l’évidence du militantisme croissant et de la colère sociale au sein de la
classe ouvrière. La lutte qui a explosé au Wisconsin en février et mars est
un signe des conflits sociaux bien plus importants à venir.
La force motrice de ces conflits sociaux, et l'élément central de la vie
américaine, bien qu’il ne soit pas reconnu dans le système politique, est la
croissance sans précédent des inégalités sociales. Une couche de
super-riches amasse une richesse incalculable, tandis que la vaste majorité
de la population lutte pour sa survie au jour le jour. D’Obama au Tea Party,
toutes les factions de l’establishment politique américain défendent le
système capitaliste, lequel continue de générer et d’approfondir cette
inégalité.
L’économiste Joseph Stiglitz écrit à propos de l’impact de l’inégalité
sociale dans un commentaire révélateur du présent numéro du magazine Vanity
Fair, intitulé : « Du pour cent, par le pour cent, pour le pour cent ». Il
cite des faits bien établis à propos de la polarisation économique aux
États-Unis : le un pour cent le plus riche accapare 25 pour cent du revenu
national et contrôle 40 pour cent de sa richesse; leurs revenus ont augmenté
de 18 pour cent depuis la dernière décennie, tandis que les revenus de la
vaste majorité de la population ont diminué.
Il note l’impact de cette polarisation sur les politiques sociales et la
vie politique :
« Plus une société devient divisée en termes de richesse, plus les riches
deviennent réticents à dépenser de l’argent pour le bien commun. Les riches
n’ont pas besoin de compter sur le gouvernement pour des parcs ou
l’éducation ou les soins médicaux ou la sécurité personnelle, ils peuvent se
les payer eux-mêmes...
« Pratiquement tous les sénateurs américains, et la plupart des
représentants à la Chambre, font partie du un pour cent quand ils arrivent,
sont maintenus en poste par l’argent du un pour cent, et savent que s’ils
servent le un pour cent le plus riche, bien ils seront récompensés par le un
pour cent lorsqu’ils quitteront leur poste. En général, les principaux
décideurs politiques du commerce et de l’économie viennent aussi du un pour
cent. »
En tant que libéral qui craint les conséquences d’une société aussi
déséquilibrée, Stiglitz prévient la classe dirigeante de ne pas trop
provoquer la population. Il écrit :
« Durant les dernières semaines, nous avons vu des gens aller dans la rue
par millions pour protester contre les conditions politiques, économiques et
sociales dans les sociétés oppressives dans lesquelles ils habitent…Alors
que nous observions la ferveur populaire dans les rues, nous devons nous
poser une question : quand cela arrivera-t-il aux États-Unis? De façon
importante, notre propre pays est devenu semblable à une de ces régions
éloignées et agitées ».
Un tel soulèvement révolutionnaire est de plus en plus inévitable aux
États-Unis. Le défi crucial est de développer la direction et la perspective
nécessaires pour établir l’indépendance politique de la classe ouvrière, à
la fois du Parti démocrate que républicain, et bâtir un mouvement de masse
pour des politiques socialistes.
Cela est la base des conférences de The Fight for Socialism Today (La
lutte pour le socialisme aujourd'hui), que le Parti de l’égalité socialiste,
l’Internationale étudiante pour l’égalité sociale et le World Socialist Web
Site tiennent ce mois-ci, à partir du week-end prochain à Ann Arbor au
Michigan.
Ces conférences discuteront d’un programme socialiste visant à assurer
les droits sociaux fondamentaux de la classe ouvrière, opposer la guerre
impérialiste, et mettre fin à l’assaut sur les droits démocratiques. Nous
demandons à tous nos lecteurs et à tous ceux qui cherchent une perspective
pour lutter contre les attaques sur les travailleurs et les jeunes de
s’organiser pour y assister.