WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis
Des sénateurs américains ont profité de leur présence dans l'émission « Etat de l'Union » de la chaîne CNN hier pour demander que le dirigeant libyen Muammar Kadhafi soit assassiné et que l'on intensifie les frappes aériennes pour parvenir à l'objectif réel de la guerre: la mise en place d'un régime fantoche accommodant.
Cinq semaines de bombardements n'ont pas réussi à faire tomber Kadhafi, du fait principalement que le soutien au gouvernement de Tripoli se poursuit et du fait de la faiblesse politique et militaire des forces anti-Kadhafi basées dans la ville orientale de Benghazi. Les combattants de l'opposition n'ont pas fait de gains significatifs dans l'est du pays et les troupes pro-gouvernementales maintiennent le siège de Misrata, ville occidentale tenue par l'opposition, malgré des bombardements quasi quotidiens de l'OTAN.
Les signes clairs d'une impasse militaire et une insistance impitoyable à ce qu'elle soit brisée, dominent les discussions au sein de l'establishment américain. Le sénateur républicain Lindsey Graham a dit sur CNN: « En ce moment précis, il n'y a vraiment pas une dynamique suffisante chez les rebelles... Donc ma recommandation à l'OTAN et au gouvernement c'est de couper la tête du serpent. Il faut aller à Tripoli, se mettre à bombarder le cercle proche de Kadhafi, leurs résidences- casernes, leurs QG militaires. »
Graham a réitéré la demande répandue au sein de l'establishment américain que le gouvernement Obama déploie ses hélicoptères de combat AC-130 pour des opérations contre les forces libyennes pro-Kadhafi. Les AC-130 sont équipés de fusils Gatling à cinq barils de 25 mm, à tir rapide, d'un canon de 40 mm et d'un obusier de 105 mm. Ils sont conçus pour bombarder intensément toute une zone et dévaster véhicules et personnels, ainsi que tous les civils qui se trouvent pris sous le feu. Ils ont été utilisés en Afghanistan et en Irak et produit des effets meurtriers, dont des massacres de civils documentés.
Graham a rejeté l'observation de la présentatrice de CNN Candy Crawley qui a dit que les attaques contre des cibles situées dans les quartiers fortement peuplés de Tripoli n'étaient pas couvertes par la résolution de l'ONU qui représente un cache-sexe légal pour la guerre: « Le but est de se débarrasser de Kadhafi, » a-t-il dit. « Il faut que les gens autour de Kadhafi se réveillent chaque jour en se demandant 'Est-ce qu'aujourd'hui est mon dernier jour?' Il faut que les commandants militaires qui soutiennent Kadhafi soient pilonnés. Ainsi, je ne laisserais pas le mandat de l'ONU stopper ce qui est la chose correcte à faire. »
Le sénateur républicain et ancien candidat à la présidentielle John McCain qui s'était rendu à Benghazi vendredi dernier pour y rencontrer des membres du Conseil national de transition a demandé la reconnaissance immédiate par les Etats-Unis de cette institution rebelle afin que l'on puisse envoyer de l'argent et des armes. McCain a déclaré que les anciens ministres de Kadhafi, les personnes liées à la CIA et les islamistes dont on sait qu'ils font partie du Conseil « représentent les aspirations légitimes du peuple libyen. »
En plus de demander une intensification des efforts pour former et armer les forces anti-Kadhafi afin qu'elles mènent leur guerre civile, McCain a insisté pour que la puissance aérienne américaine, tels les hélicoptères AC-130 et Apache, soit déployée « de façon plus intensive. »
En réponse à la demande de Graham d'assassiner Kadhafi, McCain a exprimé son accord général avec le ciblage du dirigeant libyen mais a déclaré que la stratégie américaine devait se fonder sur le fait de « gagner la bataille au sol » et non pas « la possibilité de l'évincer par hasard avec une frappe aérienne qui par chance l'atteindrait. »
Le sénateur indépendant Joseph Lieberman, candidat un temps à la vice-présidence du Parti démocrate, a rejoint la campagne pour l'escalade et s'est fait l'écho de l'appel de Graham à l'assassinat de Kadhafi. L'OTAN, a-t-il déclaré, « doit se mettre à réfléchir et se demander s'ils veulent plus directement cibler Kadhafi et sa famille. » Lieberman a cyniquement déclaré que la résolution de l'ONU justifiait une politique d'assassinat au motif que « cela protègerait la population civile. »
Prôner de façon aussi flagrante des crimes de guerre pour écarter du pouvoir Kadhafi découle inexorablement des mobiles criminels de la guerre elle-même. Depuis le début, cette guerre a été initiée par les ambitions néo-coloniales de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis pour s'emparer des ressources pétrolières lucratives de la Libye aux dépens de rivaux tels la Chine et la Russie. Cinq semaines après le début des bombardements, et sans qu'on en voie le bout, la frustration grandissante à Washington attise les appels à noyer dans le sang toute résistance.
Un des mobiles est l'impact sur les prix mondiaux du pétrole du quasi arrêt des exportations du pétrole libyen. Les combats et les bombardements autour des principales installations pétrolières et de gaz ont endommagé l'infrastructure. Des champs pétrolifères tenus par les rebelles de Benghazi devraient, selon les prédictions, être hors d'état de produire pour les quatre semaines à venir, les forçant à compter sur des dons de carburant du Qatar.
Le gouvernement Obama et ses alliés de l'OTAN ont déjà pris des mesures pour une escalade significative de l'attaque contre la Libye. La Grande-Bretagne, la France et l'Italie ont commencé à envoyer des « conseillers » à Benghazi pour aider les forces d'opposition, ce qui représente un premier pas vers un éventuel déploiement de forces au sol.
Samedi, la première attaque contre les troupes du gouvernement libyen a été menée par un drone Predator américain sans pilote, dont le président Obama a ordonné le déploiement la semaine dernière. Un lance-roquette monté sur un véhicule à Misrata aurait été détruit par un missile Hellfire. Au moins deux Predators survoleront la Libye 24 heures sur 24.
Dimanche, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a refusé d'exclure une décision de l'OTAN de déployer les Predators pour tenter d'assassiner Kadhafi. Hague a déclaré: «Déterminer qui ou quoi devient une cible légitime dépend de la manière dont ces derniers se comportent. »
Des efforts pour tuer Kadhafi ou les membres de sa famille semblent être déjà entrepris. Parmi un certain nombre de sites bombardés à Tripoli durant le week-end il y a un ensemble de bunkers à proximité de la résidence caserne du dirigeant libyen. Il y aurait eu trois morts. CNN a rapporté qu'un important dépôt de munitions avait été bombardé et que « les frappes aériennes se sont poursuivies une bonne partie de la nuit. »
La semaine dernière, le lieutenant général Charles Bouchard a prévenu les civils de se tenir éloignés des prétendues cibles militaires. Mais les attaques ciblent délibérément des infrastructures civiles. L'agence libyenne d'informations a rapporté durant le week-end que des avions de l'OTAN avaient bombardé les système d'approvisionnement de l'eau et les égouts des villes d' al-Khums et Sirte tenues par Kadhafi. En 1999 durant la guerre aérienne de l'OTAN contre la Yougoslavie, des centrales électriques, des routes, des voies de chemins de fer et des canalisations d'eau avaient été bombardées pour terroriser la population civile.
Des reportages sur Misrata où de violents combats se sont déroulés indiquent qu'un grand nombre de soldats libyens ont été tués durant le week-end par les attaques de l'OTAN. Un combattant de l'opposition s'est vanté de ce que 30 tanks ont été détruits ainsi qu'un convoi de véhicules tout-terrain. Un journaliste du quotidien britannique The Guardian a dit avoir vu au moins six tanks calcinés dans un quartier de la ville où des troupes du gouvernement ont battu en retraite samedi.
Bien que les commandants de l'opposition insistent pour dire que la ville est sous leur contrôle, leurs positions ont été lourdement pilonnées dimanche à partir de la périphérie, ce qui a tué et blessé un grand nombre de personnes. Déterminés à briser l'impasse militaire actuelle, les avions de l'OTAN continuent d'attaquer les forces gouvernementales dans la région.
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