Après 3 années de négociation, le syndicat CGT a signé la
nouvelle convention collective nationale permettant de mettre en vigueur la
réforme portuaire entre le 3 mai et le 15 juin. Par ce geste, la CGT continue
la politique anti-ouvrière qu’elle mène en collaboration étroite avec le
gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Les ports français ont été sous-investis depuis ces 30
dernières années, car les investisseurs réclamaient une attaque plus intense
contre les acquis sociaux des travailleurs pour que leurs investissements dans
les ports soient plus rentables. La bourgeoisie s’était déjà attaquée aux
dockers, dont les postes avaient été privatisés en 1993, seuls les dockers du
port de Marseille avaient pu conserver leurs centres d’embauche. La
réforme portuaire qui vient d’être signée constitue une attaque plus
large contre les travailleurs portuaires.
Elle prévoit une privatisation partielle des ports et une
attaque contre les retraites des ouvriers portuaires. Elle prévoit le transfert
des outils, des portiqueurs et des agents de maintenance des GPM (Grand Port
Maritimes) détenus par l’Etat, vers le privé. Depuis le 9 mars la
Fédération des ports CGT a accepté les négociations locales.
Au début des négociations en 2008, la CGT voulait que les
ouvriers portuaires puissent partir 5 ans avant l’âge de départ à la
retraite basé à 60 ans. Finalement, le gouvernement accepte que les ouvriers
partent 3 ans avant l’âge de départ à la retraite, la quatrième année
étant négociée localement. Cependant, ce calcul est basé sur l’âge
minimum de départ à la retraite de 62 ans, fixé par la réforme nationale des
retraites imposée par Sarkozy en 2010. Ainsi un ouvrier docker ayant travaillé
18 ans sur les ports pourra partir à 58 ou 59 ans—soit trois ou quatre
ans plus tard que ce qui était prévu auparavant.
La Fédération de la CGT des ports a cyniquement mené des
mouvements de grèves pendant la négociation de la réforme. Cependant, son but
n’était pas de défendre le statut des travailleurs portuaires, mais de
promouvoir cette nouvelle réforme voulue et à présent défendue publiquement par
les bureaucrates syndicaux.
La CGT des ports et docks de Fos-sur-Mer (près de Marseille)
a publié sur son site dockercgtfos.fr le discours prononcé par le secrétaire
général CGT des dockers et agents de maintenance, Stéphane Stamatiou. Son
discours avait pour objectif de faire accepter la finalisation de la réforme
portuaire aux travailleurs.
Ce discours se révèle être rempli de contradictions. Il
reconnaît que le résultat de la réforme portuaire était de s’attaquer aux
statuts des travailleurs des ports et dit que la CGT a jeté toutes ses forces
pour repousser le texte « scélérat ». De plus il décrit le
gouvernement de Sarkozy comme étant un gouvernement de « merde, en
agissant de la sorte, nous a mis la pression avec cette contrainte de
calendrier à respecter ».
Pourtant le secrétaire a applaudi la réforme comme étant le
« fruit de notre combat, il obligeait les entreprises de la manutention,
la direction des ports à négocier un accord cadre national de haut : socle
de garantie pour atténuer les effets les plus nocifs de la réforme ». La
CGT ne s’est donc pas opposée à la réforme mais a décidé d’aider la
direction à mettre en œuvre les changements nécessaires pour la faire
accepter aux ouvriers.
Plus loin dans son discours, il explique qu’il
n’y a pas de raison que les travailleurs aient peur de la réforme :
« Alors si rien ne change dans nos têtes et que nous sommes toujours les
mêmes, pourquoi devrions nous avoir peur ?! De qui ?! De
quoi ?! » Et il ajoute, « Avoir peur de nos accords que
l’on vient de conforterdans leCCNU (Convention Collective
Nationale Unifiée – Port et Manutention)et la pénibilité
qui accélère non seulement les embauches mais permet à nos anciens de partir
avant la date prévue et ce dès le premier juillet».
Il a ensuite applaudi la réforme des ports comme un projet
« moderne et audacieux ».
Le soutien accordé par la CGT aux attaques contre les acquis
sociaux des travailleurs portuaires est une partie intégrante de la trahison
par la CGT du mouvement de grèves contre la réforme nationale des retraites par
Sarkozy en septembre-octobre 2010.
Le gouvernement était fragilisé par les mouvements de grève
des travailleurs des raffineries et des ouvriers portuaires dans le pétrole,
qui ont provoqué une pénurie d’essence dans tout le pays. Alors que la
majorité de l’opinion était favorable à une grève générale contre
Sarkozy, la CGT a laissé le gouvernement s’attaquer aux ouvriers en grève
en envoyant les CRS reprendre le contrôle des raffineries et des dépôts
pétroliers.
En plus des blocages des dépôts pétroliers, les ouvriers
portuaires faisaient des grèves tournantes entre les portiqueurs et agents de
maintenances d’un côté et les dockers de l’autre. Pour faire
reprendre le travail aux ouvriers portuaires, le gouvernement a promis de leur
offrir des conditions de retraite spéciales.
La CGT des ports et docks a ensuite enlevé les ouvriers
portuaires de la lutte nationale, contribuant ainsi à casser le mouvement
général contre la réforme des retraites.
En décembre le gouvernement a rétracté ses promesses, et la
CGT a de nouveau appelé les travailleurs portuaires à faire grève, mais cette
fois-ci de manière isolée. Ayant encouragé une attitude de sauve-qui-peut
corporatiste envers la défense de l’emploi et des salaires, la CGT a
ensuite isolé les travailleurs portuaires, pour finalement leur imposer une
convention collective qui est une rétrogression sociale.
Dans son discours Stamatiou parle de l’unité qui fut
développée pour combattre la réforme portuaire. Ceci n’est qu’un
mensonge cynique qui cache la division corporatiste des travailleurs au courant
des manœuvres cyniques menées par le syndicat.
Cette lutte a été marquée par la scission de la CGT des
portiqueurs et des agents de maintenance du GPMM : d’un côté se
trouve la CGT des bassins ouest (Fos situé à 50 km de Marseille) qui va rentrer
au sein de la CGT des ports et docks, et de l’autre la CGT des bassins
est (Marseille) qui souhaite avoir une position plus critique de la réforme.
A cela s’ajoute le fait que le secrétaire de la CGT à
Fos se réjouit du fait que son port va pouvoir prendre du trafic au port
d’Arles.
Ainsi les syndicats aident à diviser les travailleurs et
favorisent une concurrence plus forte entre les ports, ce qui les rendra plus
rentables au dépens des travailleurs.
Content parce que sa section de la CGT aura 2 postes
permanents de plus et qu'elle en absorbe une autre, Stamatiou a insisté pour
dire qu'il ne faut pas "bouder son plaisir" à voir passer la réforme.
La CGT veut donc faire passer une réforme qui consolide ses positions, tout en
rognant les acquis et les statuts des travailleurs en les divisant.
Ces évènements soulignent le fait que les syndicats
soutiennent activement les réformes voulues par le gouvernement, et que les
luttes qu’ils organisent lors des négociations des plans
d’austérité du gouvernement ne sont qu’un leurre cynique. La CGT
n’a pas l’intention de bloquer la mise en œuvre des attaques
contre les acquis sociaux des travailleurs. C’est pour cela qu’elle
a cassé le mouvement national contre la réforme des grèves l’année
dernière, puis orchestré l’isolement des travailleurs portuaires.