La décision des
travailleurs de General Motors à Indianapolis
de lutter pour un comité d’action de base, indépendant
du syndicat américain de l’automobile (UAW), pour
lutter contre les attaques menées contre eux par le
constructeur automobile, a une importance internationale. Les
travailleurs de l’automobile de nombreux autres pays, dont la
France, sont confrontés à des situations similaires,
où les syndicats collaborent avec divers gouvernements et
employeurs pour leur faire payer le prix de la crise.
L’administration
Obama s’est unie aux syndicats et aux employeurs pour exiger
d’énormes réductions de salaires. L’UAW a
passé un accord avec l'investisseur JD Norman — censé
racheter l’usine d’emboutissage à Indianapolis —
comprenant une baisse de moitié du salaire horaire. Au mois
d'août, les représentants nationaux de l’UAW
furent désavoués par les ouvriers de GM Indianapolis
lors d’un meeting du syndicat local, où ceux-ci les
huèrent et les forcèrent à quitter la tribune.
Depuis, l’UAW essaie d’organiser un nouveau vote afin
d’entériner, contre la volonté des ouvriers de
la base, l’accord qu’il a passé avec
l’investisseur.
Licenciements, baisses
de salaire et aggravation des conditions de travail ont aussi touché
les travailleurs de l’automobile en France, où les
syndicats collaborent avec le Fonds stratégique
d’investissement de l’Etat pour renforcer les profits et
la compétitivité des usines françaises. En
juillet de cette année les travailleurs de GM à
Strasbourg, victimes d’un chantage à la
fermeture, ont été poussés à voter une
baisse de salaire de 10 pour cent et ce, avec le soutien du
gouvernement et des syndicats français.
La base
des ouvriers de l’usine
d’emboutissage de GM à Indianapolis a commencé à
se mobiliser contre la dernière tentative du syndicat UAW
(United Auto Workers) de passer outre à son opposition et
d’imposer une baisse de 50 pour cent de son salaire dans cette
usine. Mercredi 15 septembre, les ouvriers ont distribué un
tract dénonçant la trahison de l’UAW et appelant
les travailleurs à rejoindre un comité de base pour
lutter contre cette baisse de salaire et pour s’opposer à
la menace de fermeture de l’usine.
Le
tract fut distribué en réponse à la révélation
que l’UAW était en train
d’organiser un vote par correspondance sur la proposition sur
laquelle le syndicat s’était mis d’accord avec
l’investisseur JD Norman : celui-ci rachèterait
l’usine à GM et on ferait passer le salaire horaire de
29 dollars à 15.50 dollars.
Mardi
14 septembre, les ouvriers ont révélé
l’existence d’un mémoire interne du directeur de
l’usine Gary Malkus au personnel salarié de l’usine
et disant que la direction « avait été
informée par les représentants de Region 3 et de l’UAW
International (la centrale de l’UAW, n.d.t.) qu’un vote
[serait] organisé sur les accords provisoires qu’ils
[avaient] négociés. Ils ont spécifiquement
choisi d’organiser un vote par correspondance et vont faire
appel à un tiers pour superviser le vote de ratification. »
Un tel
« vote » se ferait en opposition totale à
la décision des travailleurs de l’usine d’emboutissage
de GM qui ont voté à plusieurs reprises contre une
réouverture du contrat actuel. Le
15 août, les ouvriers avaient hué les responsables de
l’UAW International et les avaient empêché de
parler à leur meeting syndical local parce qu’ils
avaient accepté la baisse de salaire et défié
leur vote précédent interdisant toute négociation
avec Norman.
Surpris
par ce militantisme, l’UAW a passé tout le mois dernier
à conspirer avec GM, Norman, les médias et les
politiciens locaux du Parti démocrate et du Parti républicain
pour forcer les travailleurs à voter de nouveau. A cette fin,
le président de l’UAW International Bob King, le
directeur de Region 3 Mo Davison et d’autres responsables de
l’UAW ont concocté le plan d’un vote par
correspondance pour empêcher un autre meeting du syndicat
local où les ouvriers rejetteraient l’accord en masse.
En même temps, le dit « tiers »
soigneusement sélectionné fera en sorte que l’UAW
obtienne le résultat désiré. Le processus est
tellement révoltant que le comité électoral du
Local 23 de l’UAW a dénoncé cette mesure parce
qu’elle usurpait sa responsabilité d’organiser
tout vote de ratification.
Le
mémoire du directeur de l’usine montre clairement que
GM et Norman dépendent entièrement
de l’UAW pour ce qui est de faire passer la baisse de salaire,
permettant ainsi aux responsables de l’entreprise de maintenir
un semblant de neutralité. « Nous rappelons qu’il
s‘agit là d’une procédure syndicale et
nous ne devrions pas intervenir dans ce processus » écrit
le directeur de l’usine.
Les
bulletins de vote seront envoyés par la poste le 17
septembre, dit le mémoire. Les responsables de l’UAW
eux, « répondront à des questions »
lors d’un meeting qui doit se tenir dans l’enceinte de
l’usine le 20 septembre et le dépouillage du scrutin
commencera le 27 septembre.
Après
avoir pris connaissance du plan, des
travailleurs ont sorti un tract dans lequel ils rejettent ce plan et
l’ont distribué. Ce tract, dont une copie a été
envoyée au World Socialist Web
Site, déclare que si l’UAW
arrive à faire passer ce vote « nous ne
l’accepterons pas comme un vote légitime ».
Dans
une « Lettre à tous les
travailleurs de l’automobile » publiée par
le comité de base de l’usine
d’emboutissage de GM, les travailleurs
écrivent que « L’UAW sait que si les
travailleurs se rassemblent, ils rejetteront cet accord comme ils
l’ont fait trois fois auparavant. » Remarquant que
les travailleurs n’auront aucune possibilité de
vérifier les résultats du vote, la lettre dit :
« Rien ne peut empêcher l’UAW d’ajouter
des bulletins de vote et de dire qu’une majorité a voté
pour l’accord. »
« L’UAW
agit contre nous, pas pour nous »
poursuit la lettre. « Ses représentants veulent
protéger leurs salaires à six chiffres, leurs
avantages financiers et leurs cours de golf en faisant le sale
travail de GM et de Norman. Ils sont payés avec nos
cotisations. C’est là un contrat pour nous protéger,
pas pour nous vendre tout en continuant à être payés
avec notre argent. » Accepter la baisse de salaire, note
le tract, ne fera que remplir leurs comptes en banque, « tandis
que les nôtres se vident ».
« La
génération suivante de
travailleurs de l’automobile a le droit de ne pas vivre dans
la pauvreté et nous voulons protéger ce droit. Ce ne
sont pas les menaces si nombreuses soient-elles qui nous
arrêterons », écrivent
les ouvriers. Ils disent aussi :
« Nous rejetons le “choix”
entre une baisse de salaire de 50 pour cent et la fermeture de
l’usine. Nous devons nous préparer à une lutte
contre ces deux choses. Pour ceux qui risquent de perdre tout ce
pour quoi ils ont travaillé leur vie durant, c’est du
vol légalisé. Pour ceux qui travaillent pour leur
avenir, cela veut dire un travail d’esclave. C’est
ça la façon américaine
maintenant ? »
Appelant
les travailleurs à rejoindre le
comité de base, ils disent que les ouvriers pour lutter
doivent s’organiser indépendamment. « Nous
devons unir tous les ouvriers de l’usine, jeunes et plus âgés,
les ouvriers à plein temps et les intérimaires. Nous
appelons tous les travailleurs dans tous le pays à soutenir
notre lutte » poursuivent-ils,
remarquant que leur déclaration a été envoyée
aux travailleurs d’autres usines automobiles qui seront les
prochains à avoir à faire à des exigences de
baisse des salaires. « Dans le nombre,
il y a la force. Si nous savons que nous ne sommes pas seuls dans
cette affaire, nous serons forts. »
Le
tract conclut en disant :
« C’est notre responsabilité vis-à-vis
de nos enfants et de leurs enfants de ne pas permettre que cela
arrive. Ils connaîtront l’histoire telle qu’elle
s’est passée et ils sauront que nous avons eu notre mot
à dire pour empêcher qu’ils aient à vivre
une vie de luttes. Il ne faut pas les abandonner. Cette lutte a été
conduite il y a des années et nous sommes fiers en tant
qu’adultes de ceux qui nous ont précédés
et de ce qu’ils ont mené cette lutte. A présent
c’est notre tour d’être vus de la même façon
à l’avenir. L’histoire se répète
effectivement. »
Plus
tard, une travailleuse qui a participé
à la formation du comité a parlé avec le WSWS.
« Des tas de gens ont dit que ce tract était la
meilleure chose qu’ils aient jamais lue. Nous avons
l’intention de lutter contre ce vote. »
Elle
dit qu’après le meeting du syndicat local où les
ouvriers avaient mis dehors les responsables de l’UAW, que
l’UAW « avait passé beaucoup de temps à
envisager toutes les éventualités. Cela a demandé
beaucoup de réflexion, comme au jeu d’échecs.
L’UAW a dû se regrouper et,
depuis, il a travaillé dur à monter les intérimaires
contre les travailleurs plus âgés et tous les ouvriers
les uns contre les autres. »
« Ils
veulent que nous travaillions pour 15,50 dollars de l’heure,
mais le prix des voitures, de la nourriture, du chauffage en hiver
lui, n’a pas diminué de moitié. Les gens doivent
avoir le droit – pas seulement d’exister —
mais aussi de vivre en ayant de bons emplois et un toit. »
« Les
familles étaient habituées à acheter une
maison, des voitures et d’envoyer leurs enfants au lycée.
Maintenant ils sont locataires, interrompent leur scolarité
pour prendre un emploi dans une usine et les jeunes familles
dépensent la moitié de leur salaire pour payer la
garderie. Les sociétés et le gouvernement veulent deux
classes : la classe ouvrière et la classe supérieure. »
« Il
y a des millions de gens dont on a baissé
le salaire et qui ont perdu leur assurance
maladie. Ici nous sommes une poignée qui a commencé à
lutter, ils devraient lutter aussi. Si tout le monde avait la même
attitude disant “Je veux ce
pour quoi je travaille” et se
levait, alors ils ne pourraient pas se permettre ce qu’ils
sont en train de faire. Nous ne nous opposons pas seulement à
l’UAW et à cette société, mais aussi au
gouvernement Obama. »
Les
travailleurs d’Indianapolis pressent tous les travailleurs
dans le pays à imprimer
leur tract et à le distribuer, et à entreprendre une
lutte commune contre les baisses de salaires et contre les
licenciements.
Le
World Socialist Web Site encourage les
travailleurs de l’usine GM d’Indianapolis à lui
écrire ce qu’ils pensent et à commenter cette
bataille cruciale.