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La CIA entretient une armée de mercenaires active en Afghanistan et au
Pakistan
Par Tom Peters
7 octobre 2010
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Obama’s Wars (Les guerres d’Obama), le nouveau livre écrit par Bob
Woodward, journaliste de longue date du Washington Post, confirme
publiquement le fait que la CIA (Central Intelligence Agency) entretient une
armée privée de mercenaires afghans depuis au moins 2002. Le 22 septembre,
le Washington Post rapportait que les soi-disant CTPT (Counterterrorism
Pursuit Teams – Equipes de poursuite contre-terroriste) fortes de 3.000
hommes « sont utilisées pour la surveillance, pour des raids et des
opérations de combat en Afghanistan [et sont] cruciales pour la guerre
secrète des Etats-Unis au Pakistan, selon des responsables en activité et
d’anciens responsables américains ».
Des « responsables anonymes des services de renseignement » ont dit au
Washington Post que la CIA a commencé à rassembler cette armée d’Afghans
« presque immédiatement » après l’invasion du pays en 2001. Selon ce
journal, ces unités se trouvent à Kaboul et à Kandahar ainsi que dans des
bases nommées Firebase Lilley et Forward Operaiting base Orgun –E, dans la
province de Paktika, le long de la frontière pakistanaise. L’agence
Associated Press rapporta que « certains ont reçu leur entraînement dans les
bases de la CIA aux Etats-Unis. »
Les forces des CTPT opèrent dans le secret et sont responsables devant
l’armée afghane ou devant l’ISAF (International Security Assistance Force)
conduite par les Etats-Unis. Mais certaines de leurs activités furent
dévoilées dans les 76.000 documents militaires américains révélés par
WikiLeaks, en juillet. Le Washington Post note que « des rapports militaires
de terrain suggèrent que les forces paramilitaires afghanes peuvent … être
brutales. Le 32 octobre 2007, le personnel militaire d’Orgun-E rapporta
avoir traité un Afghan de trente ans pour une ‘amputation traumatique des
doigts’ de la main gauche. Selon le rapport l’homme avait été ‘blessé
par des OGA afghans pendant un raid. » Le terme « OGA afghan » veut dire
« Other Government Agency » (autre agence gouvernementale) et selon le
Washington Post est « généralement utilisé pour faire référence à la CIA ».
De tels actes brutaux se produisent dans l’impunité. Jonathan Horowitz,
un expert en droits de l’homme de l’Open Society Institute dit à Associated
Press le 22 septembre qu’étant donné le statut secret du groupe « Pour la
plupart des Afghans, il est pratiquement impossible qu’il soit tenu
responsable de ses brutalités. Ces forces ne font pas partie d’une chaîne de
commandement de l’armée afghane et si un civil est tué ou mutilé, les
Etats-Unis peuvent dire que ce n’est pas leur faute. » Associated Press a
rapporté que Horowitz « avait ajouté que des civils afghans on régulièrement
accusé ces groupes paramilitaires de brutalités physiques et de vols durant
des razzias nocturnes. »
Lors d’un incident qui s’est produit en juin 2009 et décrit par l’AP le
groupe basé à Kandahar s’est lancé dans une « orgie meurtrière » après qu’un
de ses membres ait été arrêté, tuant le chef de la police de Kandahar et
neuf autres policiers. A l’époque, le commandant de l’ISAF, Chris Hall, dit
à l’Agence France presse que « ni l’ISAF ni les troupes de la coalition
n’étaient pour rien » dans ce massacre.
L’armée privée de la CIA a été active et ce, en complète violation de la
souveraineté du Pakistan, dans les régions sous administration tribales qui
bordent l’Afghanistan et sont considérées comme des refuges pour les
combattants afghans résistant à l’occupation néo-coloniale. La chaîne de
télévision CNN a rapporté le 22 septembre qu’« un ancien responsable du
contre-terrorisme américain a dit qu’une équipe allait entrer au Pakistan
pour faire du renseignement et pour fournir des information afin d’aider la
CIA à tuer des gens suspects de terrorisme avec des missiles lancés à partir
d’avions sans pilotes. »
Les frappes à partir de drones, dont la plupart ont lieu dans la région
tribale du Nord-Waziristan, ont été intensifiées en août et en septembre.
Depuis le début du mois de septembre, plus de 90 personnes sont mortes au
cours de vingt raids effectués par des drones. Selon le journal pakistanais
Daily Times, « beaucoup ont été frappés dans ou autour de la ville de
Dattakhel, qui compte environ 40.000 habitants ». Alors que ceux qui furent
tués sont inévitablement décrits comme étant des « terroristes » ou des
« militants » par les services de renseignement pakistanais et américains,
leur identité est rarement confirmée et il est clair que ce sont des
centaines de civils qui ont été tués.
Le chercheur Zeeshanul Hasan Usmani qui gère le site web Pakistan Body
Count, a dit à l’Express Tribune le 27 septembre qu’un total de 2.063 civils
avaient été tués et 514 blessés par des frappes à partir de drones depuis
que celles-ci ont commencé en 2004. Selon ses calculs, 57 civils ont été
tués pour chaque victime de ces raids ayant été identifiée comme membre
d’une organisation terroriste spécifique.
Dans une interview publiée le 24 septembre par Cageprisoners.com, Haider,
un habitant de Peshawar a décrit comment son beau-frère avait été tué dans
une attaque conduite par un drone alors qu’il visitait des amis dans la
ville de Miranshah, au Nord-Waziristan. 31 personnes furent tuées au cours
de cette attaque lorsqu’un missile frappa une maison pendant la prière du
soir. Haider dit : « Les civils dans toutes ces régions ont très peur et
sont dans l’angoisse. Ils ne peuvent pas travailler durant la journée ni ne
peuvent dormir pendant la nuit. Dès qu’ils entendent le moindre bruit
d’avion, il s’enfuient paniqués de leurs maison et des bâtiments pour
essayer de trouver un endroit où ils sont en sécurité. »
Mohammad Kamran Khan, un député du Nord-Waziristan a dit à l’Express
Tribune que durant une récente visite dans cette région, il avait rencontré
des gens qui « étaient très en colère contre moi à cause du fort nombre de
civils tués dans ces attaques. Ils étaient en colère contre le gouvernement
pakistanais et nos forces armées parce qu’ils ne faisaient rien pour arrêter
ces attaques. Leur haine vis-à-vis de l’Amérique n’a jamais été aussi
grande. »
The Pakistani government, while officially condemning the attacks, has
been fully complicit with the CIA in carrying them out. Woodward’s book
describes a meeting between then-CIA Director in which drone strikes were
discussed. Zardari reportedly urged the CIA to continue the attacks, saying:
"Collateral damage worries you Americans. It does not worry me."
Le gouvernement pakistanais, tout en condamnant officiellement ces
attaques, en a été entièrement complice. Le livre de Woodward décrit une
réunion entre l’ancien directeur de la CIA, le général Michael Hayden et le
président pakistanais Asif Ali Zardari en novembre 2008 et au cours de
laquelle les attaques par drones furent discutées. On rapporte que Zardari a
pressé la CIA de continuer ses attaques, disant : « Vous vous faites du
souci pour les dégâts collatéraux. Moi, cela ne me cause pas de souci. »
Les révélations faites dans le livre Obama’s Wars ajoutent à la crise du
régime Zardari, généralement détesté tant pour sa réponse extrêmement
inadéquate aux inondations dévastatrices qui touchent le Pakistan, que pour
sa collaboration avec la guerre des Etats-Unis en Afghanistan. Le
gouvernement pakistanais a immédiatement nié ce qui est affirmé dans le
livre quant à une armée privée de la CIA opérant dans le pays. Le
porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdul Basit a dit à l'AFP
(Agence France Presse) le 24 septembre : « Notre politique est claire, nous
ne permettrons jamais des bottes étrangères sur notre sol quelles qu’elles
soient … je peux donc vous dire qu'il n'y a aucune troupes étrangères
participant à des opérations de contre-terrorisme à l'intérieur du
Pakistan. » Le porte-parole de l’armée pakistanaise, le général Athar Abbas,
a dit à l'AFP « si on trouvait de telles forces on leur tirerait dessus. »
Les Etats-Unis cependant, essayant d'écraser toute résistance à leur
domination néocoloniale d’une région riche en ressources, poursuivent de
façon irresponsable leur extension de la guerre au Pakistan. Dans un acte
provocant, des hélicoptères américains ont par deux fois, le 25 septembre,
poursuivi un groupe de militants présumés à travers la frontière
pakistanaise depuis la province Afghane de Khost. Selon le chef de la police
de cette province, Abdul Hakim Ishaqzai, ces hélicoptères ont tué plus de 60
personnes. Le 27 septembre, des hélicoptères ont de nouveau traversé la
frontière dans la région de Kurram, tuant cinq autres personnes.
Basit a protesté contre le fait que ces frappes représentaient « une
nette violation du mandat de l'ONU sur la base duquel opère l’ISAF et une
nette infraction à son égard. » Un porte-parole de l’ISAF a, en réponse, dit
de façon absurde à la société de presse McClatchy Newspapers le 27 septembre
que les hélicoptères avaient poursuivi les militants « à cause du danger
imminent qu’ils représentaient pour les troupes » et qu’ils avaient agi en
situation de « légitime défense ».
L'administration Obama, qui a collaboré étroitement avec Woodward dans la
préparation de son livre, n'a rien dit sur les opérations transfrontalières
de la CIA qui y sont révélées. Dans une interview avec la chaîne de
télévision ABC le 27 septembre, Woodward a dit que l'administration était au
courant des révélations faites dans le livre et avait autorisé leur
publication.
Le livre annonce de même que les Etats-Unis ont un plan « de
représailles » - développé par l'administration Bush et conservé par Obama -
pour bombarder « au moins 150 » bases présumées d’Al Qaida au Pakistan au
cas où trouverait qu’elles sont à l’origine d’une attaque terroriste
majeure. Woodward écrit : « Il se peut que quelques sites ne soient plus
actuels, mais selon ce plan on ne s’inquiéterait aucunement de ceux qui
pourrait y vivre maintenant. Le plan… dicte une attaque punitive et
brutale. »
Ce livre fait partie d'une campagne de menaces en cours contre le
Pakistan. Le New York Times a rapporté le 27 septembre que l'augmentation
des frappes de drones par la CIA reflétait une « frustration grandissante »
face au refus de l'armée pakistanaise « de lancer des opérations militaires
à l'intérieur du Nord-Waziristan ». L'article ajoutait que « selon des
responsables américains, le Général David H. Petraeus, le commandant en chef
des troupes américaines en Afghanistan, avait récemment lancé des
avertissements voilés au commandement militaire pakistanais que les
États-Unis pourraient lancer des opérations terrestres unilatérales dans les
régions tribales si le Pakistan refusait de démanteler les réseaux militants
du Nord-Waziristan. »
(Article original publié le 30 septembre 2010)