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France : Etat et syndicats cherchent à limiter la poursuite des grèves

Par Alex Lanthier
27 octobre 2010

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Des responsables du gouvernement se sont efforcés lundi de limiter la poursuite des grèves contre les coupes impopulaires dans les retraites du président Nicolas Sarkozy. Tablant sur le fait que des raids policiers ont brisé des blocages pétroliers et que les manifestations lycéennes se sont arrêtées à cause des vacances de la Toussaint, des ministres cherchent à démoraliser les travailleurs en affirmant que les grèves sont terminées.

Ils sont aidés des syndicats, qui ont isolé les grèves dans les secteurs du pétrole et du transport ainsi que dans les ports français.

Le gouvernement essaie de profiter de la récente adoption par le Sénat du projet de loi sur les retraites, qui vise à réduire d’environ 18 milliards d’euros le montant annuel des pensions. La mesure a été adoptée au mépris d’une opposition populaire de masse.

Interrogé dimanche sur la chaîne de télévision France 3, le ministre du Travail Eric Woerth a affirmé sur un ton arrogant : « Ça ne sert à rien de faire grève aujourd'hui. Après le vote de la loi, c'est la loi, il faut la respecter. »

La presse s’est concentrée principalement lundi sur les votes de retour au travail dans trois raffineries : Fos-sur-Mer, Port-Jérôme Gravenchon et Reichstett. Jusqu’à présent, les douze raffineries de France étaient en grève. Les ouvriers des raffineries, ainsi que les débardeurs, les ouvriers des dépôts pétroliers et les routiers, ont bloqué l’approvisionnement en carburant, causant une grave pénurie d’essence et de gazole à travers le pays.

Le gouvernement mobilise la police anti-émeute pour démanteler les blocages de plusieurs installations en France. L’Ufip (Union française des industries pétrolières) a affirmé que tous les blocages de dépôts pétroliers avaient pris fin, hormis les neuf dépôts pétroliers qui se trouvent dans les raffineries en grève. Des raids policiers ont démantelé deux blocages de dépôt pétrolier dans la région de Drôme, au sud-est de la France : un en Savoie, et un autre à Saint-Pierre-des-Corps, situé près de Tours.

Des responsables syndicaux de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) ont averti que les routiers pourraient continuer quand même à organiser des blocages. Mais les syndicats n’organisent aucune action militante à l’échelle nationale contre les opérations de la police pour briser les grèves.

Malgré les déclarations de Woerth que le mouvement de grève a été vaincu, les arrêts de travail continuent d’avoir un puissant impact sur l’économie. Le gouvernement a encore du mal à réalimenter les stations d’essence. Une station-service sur trois en France était à sec lundi, selon les chiffres du gouvernement. Le ministre de l’Écologie Jean-Louis Borloo a dit qu’il avait fixé pour « objectif » d’avoir 80 pour cent des stations « en état de fonctionner » mardi.

Les pires problèmes ont été rapportés dans l’ouest de la France et à Paris. Mais, les autorités policières dans le département du Rhône autour de Lyon, au sud-est du pays, ont rapporté que 87 des 250 stations étaient entièrement à sec, et que deux tiers des stations-service avaient des problèmes d’approvisionnement.

Les grèves continuent dans les ports français, y compris les installations pétrolières critiques de Marseille et du Havre. Le nombre de navires qui n’ont pas pu accoster au port de Marseille et aux terminaux pétroliers continue d’augmenter : 76 navires et 4 péniches lundi, contre 73 navires et 4 péniches la veille.

Les travailleurs municipaux continuaient leur grève lundi : les éboueurs ont bloqué le principal centre de traitement de déchets d’Ivry-sur-Seine près de Paris, tandis que des chauffeurs d’autobus et d’autres employés des transports en commun faisaient la grève dans plusieurs villes.

Huit universités restent bloquées, et des syndicats étudiants ont appelé à une journée nationale de grève aux côtés des lycéens le 4 novembre, à la fin des vacances scolaires. Une manifestation nationale des jeunes a pris place hier.

Des sondages cités par le quotidien des affaires Les Echos montrent que 61 pour cent de la population soutient la poursuite du mouvement de grève contre les coupes.

L’absence d’une perspective révolutionnaire est le gros point faible du mouvement de grève. Les travailleurs sont objectivement engagés dans une lutte contre l’Etat et toute la classe dirigeante. Mais les syndicats et leurs alliés politiques de la « gauche » le Parti socialiste, le Parti communiste, le Nouveau Parti anticapitaliste — sont déterminés à limiter le mouvement à une simple protestation sur la fausse prémisse qu’il est possible de faire pression sur le gouvernement pour qu’il abandonne ou modifie substantiellement la « réforme » des retraites.

Il est nécessaire d’élargir le mouvement et d’unir toute la classe ouvrière dans une lutte politique consciente pour renverser Sarkozy et établir un gouvernement ouvrier. Et il faut bâtir une nouvelle direction afin de lutter pour cette perspective.

Les syndicats et leurs partisans « de gauche » sont foncièrement opposés à une telle stratégie de lutte.

Bernard Thibault, dirigeant de la CGT (Confédération générale du travail), a déclaré sur la chaîne de télévision France 5 : « L'ouverture des négociations sur l'avenir des retraites reste l'objectif des syndicats ».

C’est la voie de la capitulation, donnant le feu vert à l’Etat pour briser l’une après l’autre les grèves dans les divers secteurs. D’autres hauts dirigeants de la CGT font des déclarations défaitistes afin de mener les luttes au point mort. Un officiel de la CGT à ESSO, Laurent Delaunay, a déclaré : « Nous avons perdu une bataille, mais pas l'essentiel: pouvoir s'exprimer contre cette réforme ».

Charles Foulard, un responsable de CGT-Total, a quant à lui expliqué : « On sait que les raffineries pèsent beaucoup dans ce mouvement, mais on ne veut pas être les seuls à agir en France ». Il a dit que le secteur des raffineries « ne se considère pas comme le fer de lance de la contestation ».

Mais la classe dirigeante a fait des ouvriers des raffineries sa principale cible politique et elle va agir impitoyablement contre eux. Le gouvernement a déjà annoncé des plans de fermeture de deux sites de raffinage, Dunkerque et Reichstett, dans un secteur aux prises à une importante surcapacité à cause de la récession économique mondiale. Les 12 raffineries de France peuvent raffiner 97 millions de tonnes de pétrole, mais l’an passé elles ont seulement raffiné 74 millions de tonnes, une baisse de 13 pour cent par rapport à 2008.

L’assaut sur les ouvriers des raffineries n’est qu’une partie des plans visant à mener une attaque plus large sur le niveau de vie de la classe ouvrière. Les coupes dans les retraites vont être adoptées en même temps qu’un budget d’austérité et des coupes dans la sécurité sociale. Selon Le Monde : « Ces trois textes, élaborés au printemps alors que l'Europe, surendettée, venait de connaître l'épreuve de la crise grecque » devaient tous être discutés mardi à l’Assemblée nationale.

Les gouvernements rivalisent partout en Europe à qui coupera le plus dans les salaires et les dépenses sociales, et fera croître plus vite les profits et la compétitivité. Ce traitement choc s’en vient en France, a expliqué Le Monde : « Toute la politique économique et financière conduite par la France se déroule désormais sous l'œil des marchés financiers, à l'affût du moindre faux pas. L'action résolue de l'Allemagne et, aujourd'hui, de la Grande-Bretagne, pour éponger leurs déficits, accentue un peu plus la pression. Si la France donnait le moindre signe de faiblesse, elle serait sanctionnée, ce qui aurait pour effet immédiat de renchérir le coût de sa dette. »

Ce qui se prépare est un assaut sur la classe ouvrière qui dépasse de loin celui que Sarkozy a lancé jusqu'à présent. Les coupes sociales en Angleterre s’élèvent à 81 milliards de livres, et vont éliminer environ un million d’emplois dans les secteurs public et privé.

La perspective de faire pression sur Sarkozy, qui est prônée par la CGT et ses alliés parmi les partis soi-disant de « gauche », a fait faillite. Les travailleurs en France et partout en Europe font face à une lutte pour exproprier une aristocratie financière internationale qui les menace de ruine sociale, et au nom de laquelle gouverne Sarkozy.

Le Monde a noté que Sarkozy dont le taux d’approbation a atteint son plus bas niveau, soit 29 pour cent va continuer à lutter pour la « reconquête » de l’électorat de droite, une lutte qu’il a commencée avec un appel « aux extrêmes avec l'offensive sécuritaire de l'été ».

Autrement dit, les mesures sécuritaires de type fasciste et le ciblage ethnique des Roms cet été font partie d’une stratégie à long terme visant à créer une atmosphère politique empoisonnée pour pouvoir mener des attaques sans précédent sur la classe ouvrière.

La semaine passée, le député Christian Vanneste de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) de Sarkozy a confirmé au Figaro qu’il préconisait des alliances électorales entre l’UMP et le Front national (FN) néo-fasciste. Il avait déjà fait cette proposition lors d’une entrevue à la station d’extrême-droite Radio Courtoisie.

Vanneste a cité en exemple le premier ministre italien Silvio Berlusconi, qui a gouverné en coalition avec les néo-fascistes de l’Alliance nationale dirigés par Gianfranco Fini.

Cela souligne l’importance de l’appel lancé par le World Socialist Web Site pour que les travailleurs forment des comités d’action indépendants pour étendre les grèves et préparer une grève générale pour renverser le gouvernement Sarkozy.

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