WSWS :
Nouvelles et
analyses :
EuropeLes leçons de la vague de grèves en Europe
Par Alex Lantier
13 novembre 2010
Imprimez cet
article |
Ecrivez à
l'auteur
La trahison des grèves en France contre la réduction des droits à la
retraite du président Sarkozy souligne la nécessité d’établir un bilan
politique des luttes menées contre les coupes sociales adoptées par les
gouvernements européens en pleine crise économique mondiale.
Le déclenchement en octobre de grèves dans les ports et les raffineries
françaises, soutenues par un vaste mouvement de protestation des lycéens a
galvanisé l’opposition à Sarkozy de la classe ouvrière et a rapidement
conduit à une sévère pénurie de pétrole. Les grèves ont été efficaces et
extrêmement populaires et le gouvernement s’est rapidement trouvé
politiquement isolé.
Néanmoins, Sarkozy a réussi, au moyen de la police anti-émeute, à briser
la grève et a ignoré les mobilisations que des centaines de milliers de
travailleurs et de jeunes ont poursuivies.
Les grèves françaises font partie des étapes initiales d’une résurgence
de la lutte de classes qui une fois de plus a prouvé l’immense pouvoir
social de la classe ouvrière. Dimanche, plus de 100.000 personnes ont défilé
à Lisbonne contre les coupes sociales du premier ministre socialiste José
Sócrates. Mercredi, à Londres une manifestation des étudiants contre
l’augmentation des frais d’inscription a rassemblé 50.000 personnes dont
certaines ont occupé le siège du Parti conservateur et se sont affrontés
avec la police anti émeute.
La dure réalité toutefois est qu’en dépit d’une opposition massive contre
les coupes sociales et la volonté des travailleurs et des jeunes de lutter,
la population laborieuse a partout été contrainte de reculer.
Les gouvernements, tant conservateurs que sociaux-démocrates, imposent
des coupes drastiques au mépris total de l’opinion publique. Les
travailleurs partout en Europe sont confrontés non seulement à leurs
employeurs mais se trouvent dans une lutte politique contre l’Etat et qui
requiert une toute nouvelle perspective ainsi que de nouvelles organisations
de lutte.
La principale raison de la défaite des travailleurs a été la perspective
en faillite de cette politique consistant à faire pression, imposée aux
travailleurs par les syndicats et les partis de « gauche » existants. Une
telle perspective n’a rien à offrir dans une situation où l’Etat et la
classe dirigeante, poussés par une crise capitaliste sans précédent depuis
les années 1930, n’ont pas l’intention de céder quoi que ce soit.
En Grèce, tout comme au Portugal et en Espagne, les syndicats ont appelé
à plusieurs journées d’action nationales de 24 heures, visant en apparence à
exercer une pression sur le gouvernement social-démocrate pour qu'il modifie
les coupes qu’il allait imposer pour satisfaire ses créanciers lors de la
crise de la dette grecque du printemps dernier. Comme il fallait s’y
attendre, le gouvernement qui est soutenu par les syndicats, a ignoré les
protestations qui n’ont entraîné qu’un court arrêt de la vie économique.
Les conséquences ont été désastreuses pour les travailleurs. Selon les
évaluations des médias, les travailleurs grecs ont vu leur salaire réduit de
30 pour cent en moyenne.
En France, le gouvernement et les médias ont traité des protestations
similaires avec le plus profond mépris. Un commentateur du Monde a dit que
ces protestations étaient « un moment du processus de production de la
réforme. » Un responsable syndical cherchant à exprimer la frustration des
travailleurs face à l’impuissance de telles manifestations a expliqué qu’ils
en avaient « assez de se contenter de battre le pavé. »
Les partis de la classe moyenne anciennement de gauche, tels SYRIZA ou le
Nouveau parti anticapitaliste en France, ont néanmoins insisté pour dire que
la principale tâche des travailleurs dans la lutte contre les coupes était
de participer en grand nombre à ces rassemblements. Par cette politique
cynique ils ont cherché à répondre au désir de la population de lutter
contre des gouvernements réactionnaires, tout en la canalisant derrière les
syndicats, et ce malgré la frustration croissante que les protestations sans
issue organisées par les syndicats génèrent au sein de la classe ouvrière.
Le déclenchement de grèves prolongées de la classe ouvrière a arraché le
masque de ces organisations qui, en temps de lutte véritable, opèrent comme
des agents de l’Etat. En Grèce, les syndicats ont ouvertement soutenu le
recours du PASOK à l’armée pour briser la grève des camionneurs durant
juillet-août. Les syndicats français n’ont rien entrepris pour organiser des
grèves de solidarité afin d’arrêter les actions entreprises par Sarkozy pour
briser les grèves du mois dernier dans les raffineries.
Ailleurs, les syndicats ont même refusé d’organiser des protestations
symboliques. En Irlande, les syndicats du secteur public ont accepté en
avril une promesse de ne pas faire grève pendant quatre ans tandis que
l’Etat préparait des licenciements de masse et des attaques contre les
conditions de travail.
En Grande-Bretagne, les syndicats n’ont aucun projet de protestation à
l’échelle nationale contre la politique du gouvernement nouvellement élu du
premier ministre David Cameron. Ce dernier a promis de réduire de 83
milliards de livres les dépenses publiques avec la suppression de 500.000
emplois dans le secteur public, ce qui provoquera certainement une perte
s’élevant à des millions d’emplois.
Les partis de la classe moyenne sont complices des trahisons de par leur
silence à l’égard de la politique syndicale consistant à isoler les
grévistes et à réprimer la lutte de classes. Ceci est lié à leur opposition
à tout développement de la classe ouvrière qui échappe à l’emprise des
syndicats.
La question la plus cruciale est le développement d’une perspective
politique et de nouvelles organisations nécessaires pour attirer de vastes
couches de la classe ouvrière dans des grèves et des mobilisations politique contre
les gouvernements capitalistes d'Europe et du monde. Pour cette raison, le
WSWS appelle les travailleurs à former des comités d’action indépendants des
syndicats et fondés sur une lutte pour une politique socialiste.
Les acquis sociaux d’après-guerre, remportés par les travailleurs dans
toute l'Europe occidentale, sont anéantis au fur et à mesure que la classe
dirigeante s’enrichit en poussant les travailleurs dans une spirale qui les
entraîne vers le bas, les mettant en concurrence avec leurs frères de classe
en Europe et dans le monde. Ceci s'accompagne d'une promotion du chauvinisme
anti musulman et anti immigrant partout en Europe dans le but d’empoisonner
le climat politique et de diviser la classe ouvrière.
Les luttes des travailleurs contre l'austérité ne sont pas des luttes
nationales mais des luttes européennes et mondiales et qui doivent être
menées sur cette base. Les travailleurs ne peuvent défendre leur niveau de
vie en exerçant des pressions sur les gouvernements par le biais
d’organisations qui sont au service de la classe dirigeante. Il ne s’agit
pas non plus de mettre en place des gouvernements bourgeois alternatifs dans
les pays, dans une situation où tous les partis sont engagés à imposer des
coupes historiques.
Les travailleurs doivent lutter pour renverser les gouvernements
bourgeois antidémocratiques, comme partie intégrante d’une lutte
internationale pour établir des gouvernements ouvriers fondés sur une
politique socialiste. En Europe, le programme doit se fonder sur le
renversement de l’Union européenne capitaliste et l’établissement des Etats
socialistes unis d’Europe. Cette lutte est à son tour liée à la lutte pour
le pouvoir ouvrier et le socialisme internationalement.
La classe ouvrière est confrontée à la tâche de s’organiser et de
construire un parti afin de mener une lutte politique contre l’offensive
internationale qui est engagée par l’aristocratie financière. Le World
Socialist Web Site encourage les travailleurs en Europe et dans le monde à
lire ses articles et à le contacter afin de lutter pour la construction du
Comité international de la Quatrième Internationale en tant que parti
révolutionnaire de la classe ouvrière européenne et mondiale.
(Article original paru le 11 novembre 2010)