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Au moment où le premier ministre social-démocrate du PASOK en appelait au soutien politique de l'Allemagne à l'égard de son gouvernement à l'heure où il attaque le niveau de vie de la classe ouvrière grecque, des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes protestaient à Athènes et à Thessalonique en brandissant des bannières réclamant la « guerre contre la guerre des capitalistes. »
Des manifestations spontanées ont éclaté près des bâtiments du gouvernement et du parlement grecs alors que les députés lors d'une séance spéciale votaient le dernier plan de mesures de rigueur annoncé mercredi par Papandreou.
Plusieurs centaines de manifestants ont encerclé le ministère des Finances à Athènes et empêché les responsables de pénétrer dans le bâtiment. Les manifestants ont temporairement occupé plusieurs bureaux et contrôlé l'entrée du ministère en déployant une énorme banderole disant « Soulevez-vous pour que les mesures ne s'appliquent pas. »
Alors que Papandreou était encore à Berlin, une nouvelle grève des contrôleurs aériens paralysait tous les aéroports de Grèce. A Athènes, aucun bus ou tramway n'était en service vendredi. Les instituteurs des écoles primaires et même les policiers qui sont touchés par les réductions projetées ont appelé à débrayer. Une nouvelle grève nationale est prévue pour le 16 mars.
Lors de ses entretiens à Berlin, Papandreou a assuré à Merkel et Juncker qu'il était prêt à imposer « les mesures douloureuses ». Il a déclaré qu'il n'était pas venu à Berlin pour demander au gouvernement allemand de l'argent. Il ne demandait pas aux « contribuables allemands de payer nos retraites et nos vacances », a dit Papandreou dans une interview au Frankfurter Allgemeine Zeitung. Il s'agissait plutôt de trouver un appui politique pour les mesures d'austérité de son gouvernement.
Mercredi, le gouvernement grec a accepté un deuxième plan d'austérité encore plus drastique incluant des augmentations d'impôt et une réduction des dépenses publiques s'élevant à 4,6 milliards d'euros. Les mesures comprennent une hausse de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) passant de 19 à 21 pour cent ; une réduction de 10 pour cent du salaire des fonctionnaires du public, une augmentation de la taxe sur le carburant, du prix des cigarettes et de l'alcool, un gel des retraites et une réduction des primes de vacances versées aux fonctionnaires.
En annonçant les nouvelles mesures, Papandreou a parlé de « situation de guerre » pour la Grèce. La population devait être prête à faire des sacrifices, a-t-il dit, pour « la survie de notre pays. »
Merkel et Juncker ont salué les dernières mesures en date comme un premier pas important, mais en prévenant Papandreou qu'il ne pourrait pas relâcher la pression et qu'il devait envisager des mesures d'austérité supplémentaires pour rassurer les marchés financiers internationaux et améliorer la réputation auprès des organismes de crédit.
Merkel s'est fermement abstenue de formuler toute promesse de soutenir financièrement le gouvernement grec. Au lieu de cela, elle a loué la volonté de Papandreou de coopérer étroitement avec l'Union européenne en promettant un soutien politique pour l'imposition des mesures d'austérité.
Merkel n'a pas révélé quel était le contenu de ce soutien politique mais il est évident qu'un tel soutien ne peut que dépendre de la capacité du régime PASOK à défier l'opposition de la population aux coupes budgétaires. Ce qui ne peut que signifier un soutien pour toute mesure répressive que Papandreou pourrait instaurer pour réprimer les grèves et les protestations visant à lutter contre le programme d'austérité.
Depuis l'introduction des Accords de Schengen, ratifiés il y a dix ans par le parlement grec, et l'élimination des contrôles aux frontières qui s'en est suivi, la coopération entre les agences de sécurité grecques et allemandes a été intensifiée. Cette coopération sera renforcée dans le but de venir à bout des grèves et des manifestations de masse.
Parallèlement, le gouvernement Merkel profite de ses relations avec les syndicats pour contrôler les grèves et les manifestations en Grèce et pour empêcher qu'elles ne s'étendent. Les syndicats allemands jouent un rôle clé dans les organisations ouvrières européennes et internationales et ils ont travaillé implacablement pour empêcher l'émergence de luttes à l'échelle européenne à l'encontre des licenciements et des attaques contre le niveau de vie de la classe ouvrière.
Ce faisant, ils ont lié des appels occasionnels de protestation pour contenir la combativité populaire et la colère à une collaboration étroite avec les entreprises et les gouvernements européens. John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (ETUC), s'était adressé durant la grève générale du 24 février au rassemblement d'Athènes. Au moment même où il était en train de dénoncer verbalement les mesures d'austérité de l'UE, le plus important syndicat allemand, l'IG Metall signait, dans une action d'arrière-garde pour soutenir le gouvernement Merkel et les banques allemandes, un accord prévoyant le gel des salaires pendant deux ans.
Lors de sa visite à Berlin, Papandreou s'est comporté comme un social-démocrate typique. Face à la colère populaire grandissante en Grèce, il s'est efforcé de conquérir le soutien de la puissance impérialiste la plus forte sur le continent. Sachant que les banques allemandes sont les forces les plus influentes derrière les dictats financiers de Bruxelles, il a à maintes reprises manifesté son empressement pour aboutir à une coopération des plus étroites possibles. Sa servilité à l'égard de Merkel était flagrante et éhontée.
Ceci n'a pas satisfait les médias et l'establishment politique allemands. Le journal Die Welt avait par avance déjà rapporté que le gouvernement allemand souhaitait la nomination d'un « représentant spécial européen » en Grèce dont le rôle serait de superviser sur place l'application du plan d'austérité. Il ou elle pourrait aussi servir de « paratonnerre pour les protestations de la population grecque », écrivait le journal.
Papandreou n'a pas formulé la moindre protestation contre de telles menaces visant la souveraineté nationale de son pays ou contre les exigences de placer la Grèce sous administration judiciaire.
Le comportement servile du premier ministre grec semble avoir attisé l'arrogance de certains politiciens allemands et de certaines sections des médias. Dans une interview accordée au quotidien Bild, Josef Schlarmann, le président chrétien-démocrate (CDU) de l'association des PME, a dit : « Ceux qui sont insolvables doivent vendre tout ce qu'ils possèdent pour payer leurs créditeurs. » La Grèce, a-t-il remarqué, possède des bâtiments, des entreprises et des îles inhabitées « qui pourraient servir pour résorber la dette ».
Marco Wanderwitz, un chrétien-démocrate en vue, a réclamé que la Grèce fournisse des « garanties en échange [.] par exemple quelques îles grecques ».
Dans une provocation délibérée, Bild a publié dans son édition de vendredi une lettre ouverte adressée à Papandreou disant, « Quand vous lirez ces lignes, vous serez dans un pays bien différent du vôtre. Vous êtes en Allemagne. »
La lettre poursuit en disant que contrairement à la Grèce, les gens ne passent pas leur temps à ne rien faire en Allemagne mais travaillent jusqu'à « 67 ans ». L'Allemagne, pouvait-on lire, est un pays où cela faisait un certain temps que les travailleurs n'avaient pas eu d'augmentation de salaire généreuses, pas même les fonctionnaires.
« Ici, personne n'est obligé de payer des milliers d'euros de pots-de-vin » pour être hospitalisé, poursuit la lettre en vitupérant. Bien que l'Allemagne ait aussi de grosses dettes, elle est capable de les rembourser « parce que nous nous levons tôt le matin et travaillons toute la journée ».
Il faudrait remonter à l'époque nazie pour trouver un tel niveau d'arrogance rédactionnelle visant des gens « inférieurs ».
(Article original paru le 6 mars 2010)
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