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Grèce : la pseudo-gauche et les syndicats

Par Ulrich Rippert
29 mars 2010

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La Grèce est actuellement au centre de la crise internationale économique et politique. C'est là que l'élite financière européenne et internationale est en train de tester ses méthodes pour imposer des attaques sans précédent contre la classe ouvrière non seulement en Grèce, mais dans chaque pays.

En Grèce, les travailleurs et les jeunes ont commencé à s'opposer aux mesures d'austérité destinées à démolir des acquis sociaux conquis au cours de décennies de lutte et à abaisser de façon draconienne le niveau de vie de la classe ouvrière. Ceci contraint toutes les tendances politiques à révéler quelles forces sociales elles représentent objectivement.

Les événements de Grèce jettent une vive lumière sur des questions politiques qui sont d'importance bien ailleurs encore qu'à Athènes et à Thessalonique. Les actions et la politique des groupements petits bourgeois qui se présentent comme étant de « gauche » révèlent notamment le rôle décisif qu'ils jouent en aidant à bloquer un mouvement indépendant de la classe ouvrière et, par là, à maintenir l'ordre bourgeois.

Qu'est-ce-qui caractérise l'actuelle situation politique en Grèce ?

Le gouvernement du PASOK social-démocrate agit pour le compte du capital financier international, imposant des coupes draconiennes pour faire payer à la population une faillite de l'Etat qui est la conséquence du renflouement des banques et de la crise du système capitaliste en général.

Le PASOK compte à son tour sur les syndicats, avec lesquels il a une longue relation, pour diviser, dissiper et épuiser la résistance des travailleurs en la réduisant à d'infructueuses protestations. Tout en critiquant les coupes sociales lors des rassemblements protestataires, les dirigeants syndicaux soutiennent le gouvernement et consacrent tous leurs efforts à la stabilisation du système capitaliste. Ceci signifie en pratique créer pour le PASOK les conditions pour imposer les coupes exigées par les banques.

Dans des conditions où la trahison des syndicats devient de plus en plus manifeste et qu'elle est confrontée aux critiques grandissantes des travailleurs, la bureaucratie syndicale compte à son tour sur les groupes de la pseudo-gauche. Le rôle de cette dernière est d'empêcher une rébellion des travailleurs contre la camisole de force organisationnelle et politique de l'appareil syndical.

Des organisations politiques telles que SYRIZA, qui se qualifie elle-même de « Coalition de la gauche radicale » et Antarsya qui a vu le jour au printemps dernier et pris le nom de « Coopération de la gauche anticapitaliste pour le renversement du système », affirment qu'aucune lutte contre les mesures d'austérité n'est possible ou légitime qui ne soit menée par les syndicats.

Elles oblitèrent le fait que les directions des deux principales fédérations syndicales, la GSEE pour le secteur privé et l'ADEDY pour le secteur public, sont en grande partie constituées par des membres du PASOK et que les deux organisations sont alliées au parti même qui applique les attaques contre la classe ouvrière.

L'exigence centrale de SYRIZA et d'Antarsya est « l'unité de la gauche » pour soutenir les actions syndicales du GSEE et d'ADEDY. Ce programme d'« unité » derrière les syndicats est une trahison des intérêts de la classe ouvrière. Son but est de maintenir l'autorité d'organisations droitières oeuvrant pour la défaite des travailleurs.

L'unité authentique de la classe ouvrière ne peut être établie que sur la base d'une révolte contre les syndicats et de l'établissement de nouvelles organisations démocratiques de lutte basées sur une perspective socialiste - la lutte pour la mobilisation de la population laborieuse dans le but de renverser le gouvernement PASOK pour le remplacer par un gouvernement ouvrier.

Il n'y a rien de fortuit dans l'orientation de cette fausse « gauche ». Elle ne résulte pas de l'impulsion donnée par des dirigeants individuels. Le ralliement d'organisations petites bourgeoises, jadis de gauche, aux appareils syndicaux est un phénomène universel. Que ce soient les ex-radicaux aux Etats-Unis, le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) en France, Die Linke (La Gauche) en Allemagne, le SWP (Socialist Workers Party) en Grande-Bretagne, Rifondazione Comunista en Italie etc., il peut être observé sur chaque continent et dans chaque pays.

Partout, ces groupes affirment que les syndicats qui ont, des décennies durant, été de mèche avec le patronat et leurs gouvernements respectifs au vu et au su de tous, qui ont perdu la plupart de leurs membres en raison de leur trahison, sont les représentants véritables et légitimes de la classe ouvrière.

Ce n'est pas là la conséquence d'un malentendu politique. L'ascension de l'ex-gauche vers les plus hautes sphères de l'appareil syndical et son assimilation à la bureaucratie syndicale représentent un important mécanisme de l'intégration de ces forces au cadre de la politique bourgeoise.

L'ex-gauche justifie son soutien aux partis sociaux-démocrates en affirmant que ceux-ci ont des liens étroits avec les syndicats. Inversement, lorsqu'elle promeut l'établissement de nouveaux partis, elle en mesure le succès en fonction du soutien qu'ils obtiennent de la part d'une importante partie de la bureaucratie syndicale.

Nombre de ces forces sont profondément intégrées dans l'Etat social qui a permis durant ces dernières décennies à toute une couche gravitant autour de la bureaucratie syndicale à mener une vie tout à fait agréable et privilégiée. Elles considéraient l'Etat social comme une force de maintien de l'ordre public et étaient viscéralement hostiles à tout mouvement indépendant de la classe ouvrière.

Aujourd'hui, elles se sentent menacées par les implications sociales et politiques de la crise économique - et avant tout par l'intensification de la lutte de classe - et s'accrochent encore plus farouchement aux syndicats.

A la base, ces groupements politiques sont une partie intégrale des couches petites bourgeoises que la crise pousse vers la droite et qui voient les syndicats comme un rempart contre la révolution sociale.

C'est ce qui sous-tend le rapide virage vers la droite d'organisations telles SYRIZA et Antarsya en Grèce et de leurs homologues dans d'autres pays.

Ce n'est pas par hasard que Lothar Bisky, président par intérim de Die Linke et président du groupe parlementaire de la Gauche unitaire au Parlement européen, a dit quelques jours avant la grève de 24 heures en Grèce : « La population en général doit participer à la réduction de la dette, mais avec modération. »

C'est on ne peut plus clair. Lors de la conférence de SYRIZA à Athènes fin février, Bisky avait souligné l'étroite coopération entre les deux organisations.

Bisky confirme ce que le Comité international de la Quatrième Internationale a dit dans sa déclaration du 20 mars sur la crise de l'endettement européen - une lutte victorieuse contre les mesures d'austérité en Grèce et dans chaque pays requiert une rupture radicale avec les syndicats et leurs défenseurs au sein de l'ex-gauche.

(Article original paru le 20 mars 2010)

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