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Les syndicats irlandais d’accord pour interdire les grèves pendant quatre ans

Par Steve James
2 juillet 2010

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La Commission des services publics de la Fédération des syndicats irlandais (ICTU) a voté la semaine dernière en faveur d’un accord en bonne et due forme pour interdire les grèves pendant quatre ans, pour des rationalisations en grand dans les services publics, l’élimination de milliers d’emplois (sans qu’on en connaisse le chiffre précis) et la poursuite du blocage des salaires. L’accord, connu sous le nom de Croke Park Agreement, est le pire accepté jusqu’ici par une fédération syndicale en Europe en réponse à la crise économique.

Des coupes représentant 4 milliards d’euros, c'est-à-dire 3 pour cent du PIB, ont déjà été effectuées cette année et on a l’intention d’imposer 3 milliards de coupes supplémentaires en 2011, 2012 et les années suivantes. Ces coupes budgétaires sont en ligne avec la campagne menée par la coalition Fianna Fail -Verts au pouvoir pour réduire le déficit du secteur public de 14 à 3 pour cent d’ici 2014.

Depuis 2008, les salaires du secteur public ont été réduits par deux fois, une fois par une « contribution retraite » de 7 pour cent et ensuite par des réductions nettes allant de 5 à 15 pour cent. Dans des conditions où le chômage augmente, les étudiants sans travail dépendants de l’allocation chômage et les bénéficiaires de diverses allocations d’aide sociale ont eux aussi été durement touchés. Les réductions représentent pour cette année seulement presque 1.000 euros de moins dépensés par personne, toutes aides sociales confondues.

En réponse à cela, le ICTU a consacré tous ses efforts à ignorer les actions de protestation, à réprimer les grèves et à insister pour dire aux travailleurs qu’il n’y avait pas d’autre alternative. Depuis le début de la crise économique en 2008, l’objectif principal de l’ICTU a été de rétablir une relation de travail avec le gouvernement en prouvant sa capacité à faire passer les mesures d’austérité.

Avant même que la décision de l’ICTU ne soit ratifiée dans les formes, les dirigeants des deux plus importants syndicats du secteur public ont demandé à jouer un rôle dans la supervision directe des coupes. Jack O’Connor du SIPTU enjoignit le premier ministre, Brian Cowen, de convoquer une table ronde réunissant le gouvernement, les responsables du service public et les syndicats afin de « considérer comment on pouvait faire avancer les réformes ». Shay Cody, le prochain secrétaire général du syndicat Impact, se joignit à lui. Tous deux demandèrent la mise en place d’un commission commune, gouvernement et syndicats, de mise en oeuvre des coupes.

L’accord fut salué par Brendan McGinty le représentant de la Fédération patronale irlandaise IBEC, comme « du réalisme bienvenu ». Le secteur public, exigea McGinty, devrait continuer d’imiter la réduction des coûts dans le secteur privé ; on prédit que le coût du travail devrait y baisser de 9 pour cent entre 2009 et 2011.

L’accord de Croke Park a été imposé aux adhérents des syndicats, auxquels on a dit que s’il n’était pas accepté, ce qui allait arriver serait pire encore. En même temps, les syndicats ont dit d’une façon très nette qu’ils ne mèneraient aucune lutte en défense des conditions de travail et des salaires. L’accord stipulait qu’à condition qu’il n’y eût pas de « détérioration imprévue » dans la position budgétaire de l’Etat irlandais, il n’y aurait pas d’autres réductions de salaire avant 2014 et que, si le budget le permettait, il y aurait peut-être des efforts faits pour compenser les pertes que les travailleurs avaient déjà subies.

Un grand nombre de travailleurs a tout de même rejeté l’accord. Malgré des attaques permanentes de la part des médias contre les travailleurs du service public et malgré l’exigence de sacrifices au niveau national, 9 des 19 syndicats des services publics ont rejeté l’accord, certains à une grande majorité. 75 pour cent des 10.000 enseignants organisés dans la Teacher’s Union of Ireland ont voté contre l’accord. Dans les syndicats les plus importants SIPTU et IMPACT seulement 50 et 57 pour cent des membres respectivement ont voté, bien qu’une majorité ait voté en faveur de l’accord.

Les clauses de cet accord s’opposant à des réductions de salaires futures n’ont aucune valeur. Presque chaque jour de nouvelles conséquences de la débâcle financière deviennent visibles. Le quotidien Irish Independent écrit que quelque 77 milliards d’euros de dettes des banques irlandaises arrivent à échéance cette année. Ces dettes doivent être soit remboursée, soit renégociées en septembre et en octobre. Etant donné que les banques irlandaises sont plus ou moins ruinées, la seule option sera de renégocier les emprunts.

Le « mur d’inquiétude » de la dette est considéré par les dirigeants des banques comme étant le plus grave risque systémique encouru par les banques irlandaises et la situation est suivie étroitement tant par le régulateur financier que par le ministère des Finances. Si les banques, en particulier l’Anglo Irish Bank, la plus endettée, étaient incapables d’obtenir des emprunts sur un marché fortement troublé, le gouvernement irlandais va, une fois de plus, être obligé de leur offrir de l’argent. Le prêt aux banques dans la zone euro s’est effondré, passant de 38 milliards d’euros par mois à 1,9 milliard en mai de cette année, bien qu’il se soit détendu quelque peu à la suite du plan de renflouement de 750 milliards de l’Union européenne.

Mais la dette gouvernementale irlandaise est elle-même de plus en plus chère à financer, précisément à cause des mesures de renflouement massif d’environ 70 milliards d’euros déjà offertes aux banques. Actuellement, le gouvernement n’est capable de se financer qu’au taux d’intérêt de 5,5 pour cent, bien au-dessus de ce que paye l’Allemagne. Ont estime que des taux d’intérêt de 6 pour cent ou plus pour des obligations d’Etat sont particulièrement dangereux.

L’économiste Morgan Kelly a insisté le mois dernier sur le danger d’une banqueroute de l’Etat provenant d’un niveau de dette élevé et d’un niveau rédhibitoire de paiement des intérêts.

Deux rapports publiés récemment et commandités par le ministre des finances, Brian Lenihan, ont révélé certaines des caractéristiques du boom immobilier qui a précédé une crise qui va s’aggravant.

Dans leur « Rapport préliminaire sur les sources de la crise bancaire irlandaise », Klaus Regling et Max Watson remarquent que le Krach irlandais fut entraîné par la fin d’une « bulle immobilière… renforcée par une concentration extrême de prêts à des fins liées à l’immobilier ». Du fait de l’intégration financière européenne, le marché immobilier irlandais s’est soudain trouvé inondé par de larges sommes d’argent offertes en prêts par les banques irlandaises et internationales.

Entre 2004 et 2006, le crédit individuel augmenta de 30 pour cent par an. Pendant le même période, les banques irlandaises eurent une croissance allant jusqu’à 46 pour cent par an, alors que jusqu’à 75 pour cent des prêts bancaires étaient dirigés vers le secteur immobilier. Sur les nouveaux prêts, un volume croissant concerna des prêts à court terme passant de 11,1 milliards d’euros en 2003 à 41 milliards en 2006.

Regling et Watson démontrent que même si Lehmann Brothers ne s’était pas effondrée, en 2008 l’Irlande était en route vers une crise majeure. Le rapport remarquait aussi qu’une dépendance trop marquée de l’immobilier signifiait que le revenu de l’impôt devenait lui-même dépendant du boom. Cette dépendance fut renforcée par des baisses d’impôt à travers lesquelles le gouvernement irlandais cherchait à maintenir l’illusion de hausses de salaires. Cela a, comme il fallait s’y attendre, intensifié l’effondrement du revenu de l’Etat au moment où la bulle immobilière a éclaté.

Un autre rapport rédigé par le nouveau président de la Banque centrale irlandaise, Patrick Honohan, était centré sur l’échec complet du régime régulatoire à prédire ou à empêcher l’effondrement financier.

Selon Honohan, il existait « des signes patents d’un échec général de l’administration bancaire… prenant des risques financiers externes immenses afin de soutenir un marché immobilier alimenté par le crédit et la frénésie de construire. »

Face à cela, les autorité régulatrices irlandaises manquaient de personnel, n’étaient pas suffisamment formées et tendaient à « se faire petites et à ne pas se munir d’un bâton ». Quand leur personnel manifestait des inquiétudes, les banques intervenaient simplement auprès de contacts à un plus haut niveau au sein des autorités régulatrices.

C’est là le contexte de l’accord de Croke Park. On demande à la classe ouvrière de payer la facture d’une énorme gabegie spéculative pour laquelle elle n’a aucune responsabilité et de laquelle elle n’a aucunement profité. L’ICTU est l’expression accomplie d’une tendance universelle. En réponse à l’effondrement financier de 2008 et à la crise subséquente de l’Eurozone, les syndicats officiels sont apparus comme l’instrument favori de l’aristocratie financière européenne pour faire porter le coût des renflouements à la classe ouvrière.

(Article original publié le 28 juin 2010)

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