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France: Comment les syndicats ont aidé la police à briser la grève à la raffinerie de Grandpuits

Par Kumaran Ira et Antoine Lerougetel
11 décembre 2010

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En octobre dernier, les travailleurs ont organisé une puissante vague de grève contre les coupes impopulaires du président Nicolas Sarkozy dans les retraites. Ces coupes comprennent le report de 60 à 62 ans de l'âge légal de départ en retraite et de 65 à 67 ans le départ en retraite sans décote. La France a été paralysée par les occupations de secteurs stratégiques tels les raffineries et les ports, ce qui a provoqué des pénuries de carburants dans toute la France. L'opposition sociale aux coupes s'est propagée et un sondage fait à ce moment a montré que 70 pour cent de la population soutenait la poursuite des grèves.

Finalement ce mouvement a été étouffé par les syndicats qui étaient hostiles à la grève contre des coupes sociales qu'ils avaient eux-mêmes aidé à préparer avec Sarkozy. Ils ont isolé les grèves du secteur pétrolier et n'ont pas essayé de mobiliser des couches plus larges de la classe ouvrière contre la répression policière des travailleurs en grève. Mais des reportages sur la grève d'octobre dans le secteur pétrolier apparaissent à présent qui montrent que les représentants syndicaux ont directement aidé la police à briser les occupations des raffineries de pétrole bloquées par les travailleurs.

Le mouvement de grève s'est propagé à toutes les raffineries à partir du 12 octobre. Cette grève, ainsi que la grève des terminaux portuaires de Fos-Lavéra près de Marseille ont forcé toutes les raffineries du pays à complètement cesser la production, ce qui a entraîné des perturbations massives de ravitaillement et la ruée sur les stations service dans toute la France. En conséquence, plus d'un quart des stations service de France se sont retrouvées à sec. C'est à ce moment, alors que le gouvernement Sarkozy était confronté à une situation de crise, que les syndicats sont intervenus pour aider la police à briser la grève de la raffinerie de Grandpuits.

Grandpuits est un site de raffinage de la compagnie pétrolière française Total qui contrôle 6 des 12 raffineries de France. Le site qui produit 5,7 millions de tonnes de produits pétroliers raffinés par an, est essentiel à l'approvisionnement de carburants de la capitale et des principaux aéroports parisiens, Orly et Roissy-Charles de Gaulle.

Tandis que qu'une grève nationale contre les coupes dans les retraites bloquait la production de carburants et paralysait l'économie française, le gouvernement a donné l'ordre à la police de débloquer les occupations des raffineries et de contraindre les travailleurs à reprendre le travail. La police a aussi attaqué les dépôts de pétrole de Fos dans le sud de la France et de Donges, Le Mans et La Rochelle.

Etant donné les difficultés d'approvisionnement des stations service, notamment en région parisienne, les autorités locales de Seine-et-Marne avaient ordonné la réquisition de la raffinerie de Grandpuits, forçant les travailleurs à mettre fin à leur grève. L'ordre de réquisition disait: «La continuation de la grève est de nature à entraîner des troubles graves à l'ordre public (pénuries, émeute. » Cet ordre de réquisition menaçait les travailleurs qui n'obtempèreraient pas de leur infliger une peine de prison de six mois et une amende de 10 000 euros.

Tôt dans la matinée du 22 octobre, la police a été déployée pour débloquer la raffinerie. Selon un reportage de l'AFP, « Quatre fourgons de gendarmerie étaient arrivés vers 3 heures du matin et ont d'abord stationné devant l'entrée de l'une des raffineries du site où les gendarmes ont indiqué les noms des salariés réquisitionnés. »

Un délégué CGT (Confédération générale du travail) de Grandpuits contacté par le WSWS a expliqué que les travailleurs de Grandpuits qui bloquaient leur lieu de travail avaient été rejoints par d'autres travailleurs et des particuliers résidant dans le voisinage. Ils formaient une chaîne humaine à l'entrée de la raffinerie pour stopper les travailleurs réquisitionnés d'entrer. Mais des échauffourées se sont produites tandis que la police s'avançait pour dégager l'entrée et la police avait attaqué les travailleurs sur le piquet de grève et avaient dégagé le site, faisant trois blessés parmi les travailleurs.

Un représentant de la CGT a minimisé la gravité de l'attaque: « il y a eu trois personnes qui ont reçu des coups. Ce n'était pas des coups volontaire. Il y en a un qui est tombé par terre et une autre personne qui était déjà par terre. » En fait le propre rapport du délégué de la CGT laisse clairement entendre que la police avait chargé les grévistes délibérément.

Il a ajouté: « Il y a un gréviste qui a eu un arrêt de travaille de 10 jours et les deux grévistes hospitalisés sont vite sortis de l'hôpital. »

Une vidéo tournée le jour de l'intervention policière à Grandpuits montre qu'en fait les syndicats ont étroitement travaillé avec la police pour rouvrir le site et mettre fin au blocage. Peu après les heurts, les syndicalistes ont appelé au calme et ont ensuite parlé avec la police, disant qu'ils voulaient sécuriser le site et éviter tout incident. Les travailleurs réquisitionnés se sont vus invités à reprendre le travail pour le réapprovisionnement des carburants.

Une scène de la vidéo montre un porte-parole de la CGT disant aux grévistes rassemblés: «Nous allons pratiquer, par l'intermédiaire d'un représentant de la direction, à une réquisition des salariés afin d'effectuer des manoevres qui permettront de remplir ,entre autres, des camions-citernes. Ces salariés vont travailler sous la contrainte, ces salariés vont travailler avec l'envie de faire la grève. »

Une autre scène de la même vidéo montre un représentant de la direction de Total, entouré de représentants de la CGT, en train de lire le nom des travailleurs réquisitionnés. La caméra montre ensuite les travailleurs réquisitionnés qui se frayent un chemin à travers le piquet de grève tandis que le représentant de la CGT demande aux grévistes de les laisser passer.

La vidéo montre des syndicats mettant en scène des protestations inefficaces et cyniques. On voit les représentants CFDT et CGT de la raffinerie déclarant que les droits démocratiques fondamentaux ont été foulés aux pieds. Le dirigeant CGT-Total Charles Foulard appelle à une minute de silence pour la mort de la démocratie, et sur l'air d'un chant funèbre, un cercueil est solennellement emporté puis incinéré. La CGT entonne la Marseillaise, l'hymne national français.

Cette politique a été adoptée par la direction nationale de la CGT tout comme les délégués locaux. Après que la police a débloqué Grandpuits, la CGT a publié un communiqué déclarant qu'elle n'organiserait que « des actions symboliques » contre les actes de la police pour briser la grève et l'occupation de Grandpuits.. Autrement dit, elle ne chercherait pas à mobiliser la classe ouvrière pour défendre les travailleurs de Grandpuits.

C'est ce qui a permis à l'Etat de poursuivre sa politique contre les travailleurs, dans le plus profond mépris de la loi et des droits démocratiques fondamentaux. Les travailleurs ont porté plainte auprès des tribunaux contre l'ordre de réquisition et les tribunaux ont donné raison aux travailleurs. Le jour suivant les autorités locales ont à nouveau ordonné la réquisition de la raffinerie.

Il apparaît clairement que les syndicats n'avaient aucune intention de remettre en question les actions de la police pour briser la grève. Cela se voit dans leur comportement non seulement à Grandpuits mais aussi à la raffinerie de Fos où Sarkozy avait envoyé les CRS briser le blocage des travailleurs une semaine auparavant. Le dépôt pétrolier de Fos est un site stratégique pour entreposer les produits pétroliers près de Marseille, dans le sud de la France. (voir Comment les CRS ont brisé l’occupation des dépôts pétroliers à Fos)

L'isolement de la grève du dépôt pétrolier de Fos par les syndicats a encouragé le gouvernement Sarkozy à étendre ses opérations pour briser la grève et sa répression aux autres raffineries, tel Grandpuits.

Après avoir aidé l'Etat à briser les grèves et à réapprovisionner les stations service, les syndicats ont conseillé la classe dirigeante sur la manière de mettre fin à l'ensemble de la grève du secteur pétrolier.

Le Journal du Dimanche écrit: « Les syndicats ont d'ailleurs estimé que les déblocages par la force faciliteront certes l'acheminement des carburants vers les stations-service, mais ils ont également rappellé qu'un retour à la normale dépendra, à terme, de la fin du mouvement de grève aux terminaux pétroliers de Fos-Lavera et du Havre.»

Les syndicats n'ont rien obtenu pour les travailleurs en échange de la trahison de leur grève, que ce soit au niveau national, les coupes de Sarkozy, ou sur des lieux de travail particuliers tel Grandpuits. Quand le WSWS a cherché à savoir sous quelle condition les syndicats avaient appelé les travailleurs à reprendre le travail à Grandpuits, le représentant de la CGT a répondu tout de go: «Il n'y a eu aucune condition, monsieur. C'est-à-dire, à un moment donné tout mouvement doit s'arrêter. »

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