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EuropeLa police attaque les étudiants qui participent aux
protestations dans tout le Royaume Uni
Par Robert Stevens
2 décembre 2010
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Des dizaines de milliers d’étudiants et de lycéens ont protesté mercredi
dans tout le Royaume Uni contre l’augmentation des frais d’inscription et
des coupes supplémentaires dans l’éducation supérieure.
Une protestation comptant quelque 10.000 personnes s’est déroulée à
Londres et des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses autres grandes
villes dont Birmingham, Manchester, Oxford, Cambridge, Leeds, Sheffield,
Newcastle, Bournemouth, Glasgow et Cardiff.
De nombreuses personnes participant aux manifestations étaient des
étudiants et des élèves de terminale de 16 à 18 ans. Des lycéens, dont
nombre d’entre eux portaient encore leur uniforme, avaient aussi quitté les
cours pour soutenir les manifestations à Londres, Manchester, Sheffield,
Winchester, Cambridge et Leeds. Parmi les questions contre lesquelles
manifestaient les jeunes de cette tranche d'âge figurent les projets du
gouvernement de supprimer l’allocation à l’éducation qui accorde aux
étudiants à faible revenu jusqu’à 30 livres sterling par semaine pour les
aider à couvrir le coût de cours à plein temps, après avoir quitté l’école à
16 ans.
Les manifestations de mercredi étaient en grande partie organisées sur
une base ad hoc par des organisations locales qui se sont formées en
opposition aux attaques du gouvernement contre l’éducation. Ceci se voit
dans la prolifération de banderoles et de pancartes fait maison. Les
protestations étaient une nette manifestation de l’indignation ressentie par
les jeunes et les étudiants à l’égard du syndicat national des étudiants
(National Union of Students, NUS), du syndicat des universités et des
instituts universitaires technologiques ainsi qu’à l’égard du parti
d’opposition, le Parti travailliste, qui s’étaient ouvertement alignés avec
le gouvernement pour condamner les étudiants qui avaient protesté à Londres
il y a deux semaines, et n'avaient depuis plus rien organisé.
A Londres les manifestants se sont rassemblés à midi à Trafalgar Square
avant de se mettre en route en direction de Whitehall, le centre
administratif du gouvernement britannique. La manifestation aurait dû être
quelque chose de relativement simple et se passer sans incident. Toutefois,
la police avait décidé de faire un exemple en punissant les manifestants qui
protestaient contre les mesures d’austérité et les coupes sociales, dans la
ligne de la chasse aux sorcières orchestrée par l’Etat après les
protestations des étudiants à Londres, il y a deux semaines.
A cette fin, la Police métropolitaine s’est servi de la manifestation de
mercredi pour organiser une opération massive contre surtout des jeunes
d’âge scolaire pour faire une démonstration de force. Au cours de la
dernière décennie la police a géré des manifestations et des événements bien
plus importants, notamment ceux contre les guerres en Afghanistan et en
Irak.
Juste avant la manifestation de Londres, l’ancien chef de la police
métropolitaine (Met), Brian Paddick, avait dit que la police « mettra tout
en œuvre » (« throw the kitchen sink ») contre la manifestation. La Met a
mobilisé 1.500 policiers pour contrôler la manifestation à Londres – sept
fois plus qu’il y a deux semaines – y compris le Territorial Support Group
(TSG), la police anti-émeute de la Met.
Mercredi a marqué le retour à la stratégie à présent connue du
« kettling » qui avait été fortement critiquée l’année dernière lors des
protestations contre le G20. Le kettling est un dispositif de maintien de
l’ordre par lequel la police encercle et enferme des heures durant dans un
espace restreint des milliers de manifestants sans qu’ils aient accès à de
la nourriture, des boissons ou des toilettes. Ceci correspond à un
emprisonnement forcé des manifestants hors procédure légale. Lors des
protestations contre le G20 et suite à ce type d’action, Ian Tomlinson, un
vendeur de journaux rentrant chez lui après le travail, avait été tué suite
à la brutalité policière.
La manifestation a été stoppée par la police à Whitehall avant qu’elle
n’arrive devant le Palais du parlement à Parliament Square. La rue menant au
siège du Parti libéral démocrate avait été bouclée. Les manifestants avaient
projeté de protester à cet endroit parce que le premier ministre adjoint,
Nick Clegg, avait promis avant les élections législatives que les
libéraux-démocrates voteraient contre toute augmentation des frais
d’inscription. Cette politique avait même déjà été abandonnée en privé avant
que les libéraux-démocrates en partenariat avec les conservateurs n’accèdent
au gouvernement – les libéraux ayant accepté de soutenir une hausse visant à
tripler les frais d’inscription en les portant à 9.000 livres sterling
(10.500 euros) par an.
Des manifestants tentant de sortir des zones restreintes qui avaient été
interdites d’accès à Whitehall furent alors frappés à coup de matraque.
Après 18 heures, la police a finalement permis à environ un millier de
manifestants de quitter la zone encerclée. La violence s'est poursuivie
lorsque des policiers à cheval ont chargé les manifestants qui étaient
rassemblés près de Trafalgar Square. Certains manifestants, dont des
lycéens, auraient encore été détenus à minuit, selon ce qui correspond à une
interpellation en pleine rue.
La Met a dit avoir effectué 29 interpellations dans la capitale. La BBC a
rapporté que 11 « membres du public » avaient été blessés.
La manifestation a eu lieu le jour où la température était tombée à près
de zéro degré. Le journal de droite, Daily Mail, a rapporté que « l’on avait
vu certains lycéens arracher les pages de leurs cahiers pour les brûler
tandis que d’autres faisaient leurs devoirs en se plaignant d’avoir froid,
d’être fatigués et d’avoir faim. »
Le « kettling » de manifestants pendant des heures dans ces conditions a
mis en danger la sécurité et le bien-être de ceux qui participaient à la
manifestation, un fait dont la police était parfaitement consciente
lorsqu’elle a déclenché l’opération à Whitehall. S’exprimant sur la chaîne
de télévision Sky News, Graham Wettone, ancien policier de l’unité d’ordre
public de la Met, a dit, « Cela a été une opération réussie. Vous avez bien
chaud quand vous sautillez sur place mais si vous ne bougez pas vous avez
froid très vite. »
Les équipes de renseignement de la Met (the Met’s Forward Intelligence
Teams) ont également pris des photos des étudiants avant et après leur
encerclement à Whitehall.
Des instances de brutalité policière ont aussi eu lieu dans d’autres
villes dont Manchester où des policiers en grand nombre ont attaqué les
manifestants, avec des charges par des policiers à cheval. Un sit-in
organisé dans Oxford Road a conduit à une évacuation forcée des
manifestants. Un étudiant à dit au journal The Guardian, « les affrontements
étaient nombreux. J’ai vu la police tirer plusieurs jeunes filles par les
cheveux et un journaliste d’ITV a été malmené par la police après avoir pris
des photos. »
« Après ceci, une marche spontanée a été organisée dans Oxford Road. La
police a alors barré la rue près de Rusholme, elle a chargé les manifestants
et menacé d’arrêter toute personne qui s’aventurait dans les rues.
« Beaucoup de gens semblent avoir été interpellés durant les
protestations de cette soirée et le trafic sur Oxford Road a dû être
interrompu pendant des heures. »
Au cours de ces dernières semaines, il y a eu une vaste connivence entre
les médias et le gouvernement pour condamner les faits relativement mineurs
de vandalisme et d’entrée en force dans un lieu non autorisé qui sont
survenus à Londres il y deux semaines. Ceci n’a cessé tout au long de la
journée de mercredi avec la chaîne publique British Broadcasting Corporation
(BBC) assumant quasiment le rôle de ministère de la Propagande. La BBC a
couvert les protestations à Londres en direct en profitant de toutes les
occasions pour louer les opérations de la police et calomnier les
participants aux manifestations.
Dans un reportage diffusé lors de l’émission présentée par Anna Todd
«Look East », en parlant d’étudiants qui sautaient par-dessus des
balustrades pour essayer de rejoindre le sit-in qui avait lieu au Senate
House de l’université de Cambridge, celle-ci a parlé de « racaille » en se
référant à ceux qui y participaient.
Dépeindre comme des voyous et des extrémistes violents des étudiants qui
protestent est un moyen régulièrement utilisé pour criminaliser toute
manifestation sérieuse d’opinions contraires et d’opposition aux mesures
d’austérité drastiques du gouvernement. Au moment même où se déroulaient
mercredi les protestations, le secrétaire d'Etat à l'Education du
Royaume-Uni, Michael Gove, exigeait de faire valoir « toute la force de la
loi pénale » contre les manifestants à Londres.
Gove a déclaré « Cela enverrait un signal complètement contraire à celui
que nous voulons envoyer si le gouvernement… si nous abandonnions cette
politique au motif de la violence. Je réponds à des arguments, je ne réagis
pas à la violence. »
Il a dit qu’il faudrait que les médias n'accordent pas aux manifestants
« l’oxygène de la publicité.» C’était une expression utilisée en 1985 par le
premier ministre conservateur, Margaret Thatcher, en référence à l’IRA
[l’armée républicaine irlandaise] qu'elle qualifiait de « terroristes et
preneurs d’otages. »
Les manifestations des étudiants et des lycéens se poursuivent. Au moins
une dizaine d’universités et instituts universitaires de technologiques ont
été occupés du jour au lendemain mercredi. En font partie la Bibliothèque
bodléienne de l’université d’Oxford, le syndicat étudiant de l’université de
Leeds et le bâtiment Aston Webb de l’université de Birmingham. L’université
Royal Holloway [collège majeur de l’université de Londres], l’université de
Manchester, l’université de Plymouth, l’université Warwick à Coventry,
l’université de South Bank de Londres, l’University College de Londres
(UCL), l’université d’Essex à Wivenhoe, l’université de l’Ouest de
l’Angleterre (UWE Bristol), l’université Strathclyde à Glasgow et
l’université de Dundee. Ces occupations ont eu lieu immédiatement après
celles de l’Ecole des Etudes orientales et africaines de Londres (School of
Oriental and African Studies), de l’université de Metropolitan de Manchester
et de l’université de l’Ouest de l’Angleterre qui avaient débuté dans les
jours qui ont précédé les manifestations de mercredi.
(Article original paru le 26 novembre 2010)
Voir aussi :
Contre la chasse aux sorcières à l’encontre des étudiants manifestants
22 novembre 2010