Les travailleurs licenciés de l’usine de Clairoix, fermée au début de
l’année par le fabricant de pneumatiques Continental ont été indignés après
que Continental leur ait proposé de prendre des emplois dans des usines en
Tunisie. Ils recevraient un salaire mensuel de 137 euros ou l’équivalent de
trois jours du salaire minimum, le SMIC, payé en France.
En mars 2009, Continental avait annoncé que le groupe fermerait son site
à Clairoix en Picardie ainsi que son usine de Hanovre en Allemagne,
supprimant 1.900 emplois. L’usine de Clairoix produisait 8 millions de pneus
tourisme par an. Elle avait généré 28 millions d’euros de profit en 2008.
Selon Continental, l’usine de Clairoix a été fermée en raison de coûts de
production trop élevés. L’entreprise a justifié ses fermetures d’usines et
baisses de production en invoquant la chute des ventes de voitures en Europe
et internationalement. Mais, comme le remarquait le 31 mars le journal
stalinien l’Humanité, « Un an plus tard…Continental a toujours
provisionné plus de 325 millions d’euros pour le versement des dividendes à
ses actionnaires… »
Le 24 mars, les travailleurs recevaient une lettre de Continental leur
offrant des emplois en Tunisie. Le journal poursuit, « Bien que ce poste
corresponde à votre qualification professionnelle, nous souhaitons néanmoins
attirer votre attention sur le fait que la rémunération mensuelle brut
proposée par notre filiale tunisienne s’élève à un montant minimum de 260
dinars. Si cette rémunération est conforme aux standards tunisiens, elle est
bien entendu largement inférieure aux minima en vigueur au sein de
Continental France. Nous avons cependant l’obligation de vous soumettre
cette proposition. »
Le groupe Continental affirme avec cynisme qu’il fait cette proposition
pour respecter l’obligation légale en matière de reclassement des
travailleurs licenciés. Un responsable de Continental à déclaré à l’AFP,
« Il s’agit d’une obligation légale et en aucun cas d’une provocation. Ce
poste en interne correspond aux qualifications des ex-salariés de Clairoix
et la langue parlée est le français, ce qui nous oblige à le proposer. Une
entreprise a été condamnée pour ne pas avoir respecté ces obligations. »
Le responsable de Continental se référait à la jurisprudence Olympia, un
fabricant de chaussettes condamné par la justice française à verser 2,5
millions d’euros d’indemnité aux travailleurs licenciés pour ne pas leur
avoir proposé de nouveaux emplois en Roumanie.
Malgré les tentatives de se procurer une protection pseudo-légale pour
ses actes, Continental cherche en fait à fuir ses obligations légales, à
savoir, l’accord de fermeture de l’usine négocié avec les syndicats en juin.
L’accord comprend une indemnité de 50.000 euros pour la fermeture de
l’usine, en échange d’un reclassement de 80 pour cent de l’effectif, avec 80
pour cent du salaire net perçu antérieurement à l’usine de Clairoix.
L’entreprise affirme à présent ne pas être à même de trouver de tels emplois
et propose en contrepartie de trouver des emplois pour 600 travailleurs en
Tunisie.
Christian Lahargue, un membre du comité d’entreprise a remarqué : « Ils
font tout pour dégoûter les salariés et les faire sortir du plan social. »
La proposition de Continental est une provocation impudente. C’est une
tentative d’intimider l’ensemble de la classe ouvrière à penser que, quelle
que soit les actions qu’entreprennent les travailleurs à leur lieu de
travail, ils seront vaincus : les entreprises sont toujours en mesure de
délocaliser leurs emplois pour les offrir à des travailleurs qualifiés dans
les pays pauvres – notamment, les anciennes colonies française – qui
travailleront pour moins.
En avançant cet argument, la classe dirigeante compte surtout sur la
collaboration de classe des bureaucraties syndicales. La fermeture de
Continental fait partie d’une longue série de fermetures qu’elles ont
organisées avec le gouvernement depuis qu’a éclaté la crise économique
mondiale. Une fois une usine ciblée pour fermeture, les syndicats l’isolent
et proposent aux travailleurs d’accepter des plans sociaux. Une fois les
travailleurs défaits, on laisse la direction et les tribunaux essayer de se
dégager des dispositions du plan social.
La France a connu dans le secteur privé un grand nombre de grèves bien
médiatisées contre les fermetures d’usines –– notamment chez Continental,
GoodYear, Molex et New Fabris. Celles-ci allaient souvent de pair avec des
séquestrations de patrons ou des menaces de faire sauter les usines. Ces
actions jouissaient d’un large soutien populaire vu l’hostilité au
gouvernement et aux plans de sauvetage octroyés aux banques – à tel point
que Ségolène Royal, l’ex-candidate pro libre marché du Parti socialiste à
l’élection présidentielle de 2007, avait publiquement déclaré en avril 2009
qu’elle comprenait pourquoi les salariés recouraient à de tels mesures.
Les travailleurs des usines de Clairoix et de Hanovre avaient organisé
l’année dernière des protestations communes contre les fermetures d’usines.
Après plusieurs mois de conflit à Clairoix, y compris des grèves et une
occupation d’usine, la lutte avait finalement été isolée par les syndicats
et défaite.
La tâche d’empêcher que les luttes de classe s’étendent incomba aux
syndicats qui isolèrent chaque action usine après usine. En plus de leur
crainte d’un déclenchement de luttes de masse des travailleurs, les
trahisons des syndicats reflètent leur accord avec l’objectif de la
bourgeoisie de résoudre la crise économique sur le dos des travailleurs.
Dans le cas de Continental, comme le signalait sa direction, « Les motifs
économiques des licenciements avaient été reconnus par les représentants
syndicaux eux-mêmes. »
La tendance de saboter délibérément les grèves dans le secteur privé
s’est poursuivie cette année. En février, les travailleurs de la raffinerie
Total avaient fait grève en solidarité avec les travailleurs de la
raffinerie de Dunkerque qui étaient menacés de licenciement par l’annonce
par Total de la fermeture permanente de l’usine. Au bout de six jours, les
syndicats annulaient la grève et les travailleurs de Dunkerque furent isolés
et trahis.
La tâche de contrôler la situation politique – en alignant les
travailleurs derrière les syndicats et l’Etat de façon à les rendre
impuissants – est du ressort des traîtres endurcis des organisations jadis
de gauche que sont le Parti communiste français (PCF) stalinien, Lutte
ouvrière (LO) et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier
Besancenot.
Un exemple du verbiage cynique de ces partis à propos de la fermeture de
Continental est cette déclaration de la secrétaire nationale du PCF,
Marie-George Buffet : « L’Etat qui a multiplié les fausses promesses et le
laisser faire à l’égard de ce patronat-voyou se doit de réagir au plus vite
dans cette affaire inadmissible. »
Ceci est tout simplement une insulte à l’intelligence de ses lecteurs
ainsi qu’une tentative grossière de fortifier le gouvernement du président
Nicolas Sarkozy. Après des dizaines de fermetures – au cours desquelles
Buffet elle-même avait dit que l’Etat trompait les travailleurs – est-ce que
quiconque va encore croire que Sarkozy, « se doit » d’aider les travailleurs
de ces usines ?
L’année dernière, à l’époque de la lutte de New Fabris, le NPA avait
signalé l’isolement des luttes dans les différents lieux de travail en
écrivant : « Ce serait l’occasion, pour les salariés eux-mêmes, de débattre
des perspectives concrètes à mettre en avant aujourd’hui. Mais une telle
rencontre ne se décrète pas […] Le NPA pourrait réunir des représentants
d’une quinzaine d’entreprises en France aujourd’hui touchées par des plans
de licenciement et sortir de son chapeau ‘un appel NPA’. Ce n’est pas sa
manière de faire. »
Il ne pourrait y avoir de formulation plus claire de la différence entre
les partis de l’ex-gauche et un parti qui aurait pour objectif de mobiliser
la classe ouvrière pour sa propre défense.