Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) s’apprête, en
vue d’une participation au gouvernement, à resserrer ses liens avec le
Parti socialiste (PS), le parti gouvernemental de la « gauche »
bourgeoise du pays. Cette politique qui s’était manifestée par des
dissensions grandissantes au sein du NPA après son score médiocre aux élections
régionales de mars dernier a obtenu une confirmation officielle le 1er juillet
à l’occasion d’une interview du dirigeant du NPA, Alain Krivine.
En évoquant le PS dans une interview accordée au journal Le Bien Public, Krivine a remarqué qu’il n’était pas sûr
de « gouverner la France avec eux [les socialistes] »,
mais « s’il y a un accord unitaire à gauche, peut-être. » Il a
expliqué, « Il faut d’abord forcer toute la gauche politique et
syndicale à travailler ensemble contre la politique de Sarkozy. Et ça, on
commence à y arriver. »
Avec cette politique, le NPA cherche à poser les fondements politiques pour
une trahison de la classe ouvrière.
Comme Krivine en est parfaitement conscient, le PS retournerait au pouvoir
sur une plateforme de coupes sociales massives à l’encontre de la
population. En réponse à la crise économique européenne, les partis
sociaux-démocrates au pouvoir, tel le PASOK en Grèce et le PSOE en Espagne, ont
lancé des attaques contre les emplois, les salaires, les retraites et la
législation du travail. Le PS a contribué à ces attaques en votant en faveur de
la participation de la France au financement du plan de secours de 750
milliards d’euros et qui a imposé des coupes massives aux travailleurs
grecs en échange d’un important renflouement des principales banques
détenant les dettes grecques.
Une telle politique est issue des précédentes trahisons par le PS de la
classe ouvrière. Le soi-disant « tournant de la rigueur » du
président François Mitterrand avait ravagé les conditions de vie des
travailleurs, durant les années 1980 notamment dans les milieux miniers et
sidérurgiques. Entre 1997 et 2002, le premier ministre socialiste, Lionel
Jospin, avait poursuivi un programme de privatisations de grande ampleur.
Krivine ne considère pas cet héritage comme passant outre une alliance
politique avec les sociaux-démocrates. « On a vu ce que le PS fait en
Grèce, au Portugal, en Espagne ou en France », a-t-il dit. « On veut
bien lutter avec eux contre Sarkozy dans la mesure où il
l’accepte. »
L’interview avait eu lieu en plein milieu d’un débat amer au
sein des classes dirigeantes européennes, alors que chaque gouvernement tente
de restaurer la compétitivité de son économie nationale en imposant des mesures
d’austérité. Le premier ministre britannique, David Cameron, donne le ton
en exigeant des réductions de 25 à 40 pour cent du budget de l’Etat.
Cette politique a été ratifiée dernièrement, lors du sommet financier du G20 en
juin et qui avait publié un communiqué appelant à la réduction mondiale des
dépenses.
En France, des sections de l’establishment politique pourraient
considérer remplacer l’actuel gouvernement conservateur par les
sociaux-démocrates pour essayer de reproduire les coupes énormes votées par
leurs homologues grecs, espagnols et portugais. Sarkozy, désormais impopulaire,
est profondément impliqué dans le récent scandale de fraude fiscale de la
milliardaire Liliane Bettencourt, ce qui a renforcé une hostilité publique déjà
profonde à l’égard de davantage de coupes sociales. L’on
s’attend de plus en plus à des grèves et des manifestations à
l’automne.
Dans un tel climat, la réaction du NPA est de se rapprocher encore davantage
d’une alliance avec l’establihsment. Le NPA est en train
d’approfondir ses liens avec le PS en encourageant les illusions que le
PS et ses partis alliés, Europe Ecologie (EE) et le Parti communiste français
(PCF), peuvent être poussés sous la pression à adopter une politique
progressiste au moyen de protestations syndicales ou d’accords
politiques.
Cette orientation avait été implicite à la fondation, en février 2009, du
NPA par la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et qui avait été basée à la
fois sur le rejet de l’idée que la classe ouvrière était la force
politique dirigeante dans la lutte contre le capitalisme et de toute
association verbale restante au trotskysme.
La décision en début d’année de la direction du NPA de mener lors des
élections régionales de mars 2010 une campagne indépendante du Front de Gauche
menée par le PCF, fut amèrement contestée au sein du parti. En janvier, Leila
Chaibi qui dirige une faction organisant des « pique-niques sans payer
dans les supermarchés » a dit, « le choix de partir seul aux
élections régionales est pour moi l’expression de l’échec du projet
NPA. »
Après les élections de mars, lors desquelles le PS avait remporté les 22
régions métropolitaines sauf une, conséquence de la colère populaire contre la
politique de Sarkozy, il y eut de plus en plus d’appels au sein du NPA en
faveur d’une collaboration avec des partis gouvernementaux. Raoul Marc
Jennar, un militant antimondialiste et l’un des fondateurs du NPA, avait
dénoncé le « sectarisme » du NPA dans une interview accordée le 9
avril au journal Libération. Il avait expliqué qu’il préconisait
des « confluences » avec EE et d’autres groupes écologiques en
annonçant sa démission.
Comme le montre l’interview de Krivine dans Le Bien Public, l’actuelle
direction du NPA accepte le besoin de travailler avec le PS ou ses partis
satellite, bien que pour le moment ils préfèrent adopter une attitude
faussement indépendante.
Le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot, partage cette
opinion. Il salue la présence de membres du PS sur les tribunes publiques en
affirmant frauduleusement que le PS lutte contre les réductions des retraites
avancées par le président Sarkozy. Dans le discours qu’il a prononcé le
14 juin à Rouen aux côtés de Guillaume Bachelay du PS et de Jacky Hénin du PCF,
Besancenot a dit : « aujourd’hui on tape sur le même clou pour
défendre la retraite à taux plein à 60 ans… La mayonnaise est en train de
prendre. »
Comme les commentaires de Krivine sur la politique des sociaux-démocrates en
Grèce et en Espagne le montrent, une telle bravade de la direction du NPA
correspond à une trahison consciente de la classe ouvrière et de tous ceux qui
s’adressent à tort au NPA comme une sorte de mouvement d’opposition
authentique. La direction du NPA est tout à fait consciente du caractère
droitier du PS et des partis identiques partout en Europe. Son objectif est de
favoriser la conception selon laquelle avec suffisamment de pression d’en
bas, le PS peut être amené à adopter une politique moins nocive que celle de
Sarkozy.
Cette illusion qui est extrêmement précieuse à la bourgeoisie française est
maintenue par des acteurs cyniques tels Krivine. Il a dit au Bien Public
qu’il n’avait pour le moment pas de projets d’entrer dans un
gouvernement PS parce que « ça discrédite la gauche ». Krivine entend
par là qu’une participation immédiate dans un gouvernement PS droitier
risquerait d’exposer l’ensemble de l’establishment politique
de « gauche », allant du NPA au PS.
C’était là l’expérience faite en Italie où les condisciples de
Krivine dans le parti Refondation communiste (Rifondazione comunista –
RC) avaient participé de 2006 à 2008 au gouvernement Prodi qui avait réduit les
retraites et poursuivi la participation italienne à la guerre en Afghanistan.
Par la suite, le score du RC devait s’effondrer au parlement italien.
Pour le moment, le NPA a l’intention d’enfermer
l’opposition montante contre le gouvernement grâce à d’autres
méthodes bien rodées. Se référant aux manifestations des jeunes en 2006 qui
avaient été déclenchées par les propositions du gouvernement de réduire les mesures
de protection de l’emploi sous la forme du Contrat première embauche
(CPE), Krivine a déclaré, « [Au] NPA, à la rentrée, on va commencer un
mouvement de grève générale, privé-public, et continu, comme les jeunes
l’ont fait avec le CPE. » Krivine a déclaré pouvoir arriver à
« les [le gouvernement] faire reculer » de leurs mesures
d’austérité proposées, à l’image du retrait partiel du gouvernement
Villepin dans le cas du CPE en 2006.
L’analogie de Krivine repose toutefois sur une fausse présentation de
ce qui s’était en fait passé à l’époque. Le mouvement de
protestation anti-CPE fut trahi par les syndicats et la « gauche » en
échange d’un recul partiel du gouvernement. Certaines sections du
mouvement syndical avaient agi de concert avec Sarkozy qui s’était servi
de la défaite du premier ministre d’alors, Dominique de Villepin, pour
promouvoir sa propre campagne présidentielle de 2007. Cette manœuvre avait
donné à Sarkozy un faux vernis populiste qu’il exploita au début de son
mandat présidentiel pour s’attaquer aux travailleurs en réduisant les
retraites et la législation du travail.
Le fait que Krivine puisse promouvoir un tel exemple souligne le caractère
anti-classe et perfide de la politique du NPA.