73 Africains de plus se sont noyés dans la
mer Méditerranée alors qu'ils cherchaient à rejoindre l'Italie au départ de la
Libye. Selon l'organisation d'aide aux réfugiés des Nations unies, 525 réfugiés
venus par bateaux sont morts en mer en 2008 et plusieurs centaines se sont déjà
noyés cette année.
Seuls cinq réfugiés d'Erythrée, deux jeunes
hommes, deux garçons et une jeune femme, ont survécu à leur récent périple dans
une petite embarcation. Leur voyage a duré 20 jours, a dit l'un des survivants.
Un porte-parole de la marine maltaise a dit à CNRmedia.com qu'un hélicoptère
Frontex allemand avait détecté sept corps dans les eaux libyennes qui
provenaient certainement du bateau.
Jeudi dernier les cinq Erythréens épuisés et
affaiblis ont débarqué sur l'île italienne de Lampedusa. « Nous sommes les
uniques survivants, » ont-ils dit. Les autres réfugiés étaient morts en
route et leurs corps jetés à la mer. Plusieurs bateaux avaient croisé leur
route, mais aucun n'avait cherché à leur venir en aide. Un bateau de patrouille
était allé jusqu'à leur donner du carburant et des gilets de sauvetage mais
« après ils sont repartis et nous ont abandonnés malgré notre état. »
Un porte-parole de l’UNHCR a rapporté qu'un
bateau de pêche avait aussi donné aux réfugiés du pain et de l'eau mais les
avait abandonnés à leur sort.
Une telle indifférence de la part de bateaux
dans la Méditerranée est une nouveauté. Cela contredit complètement
l'obligation maritime de porter secours en cas d'urgence. Cette indifférence
est encouragée par la politique du gouvernement italien de Silvio Berlusconi
qui interdit aux réfugiés de débarquer en Italie. Ce gouvernement mène depuis
des mois une vile campagne contre les réfugiés africains et est tout à fait
prêt à en assumer les conséquences fatales.
Suivant l'accord conclu entre l'Italie et la
Libye, la côte libyenne et le Détroit de Sicile sont systématiquement
patrouillés par des bateaux. Lorsque des réfugiés sont interceptés ils sont
renvoyés directement en Afrique. On ne leur permet même pas de poser le pied
sur le sol italien pour y faire une demande d'asile.
Ce dernier désastre sur la Méditerranée a
provoqué un échange politique vif. Le journal catholique Avvenire a
critiqué la politique d'immigration du gouvernement. Il accuse l'occident de
« fermer les yeux » sur le problème et a comparé le destin tragique
de ces boat people dans la Méditerranée à la Shoah.
Umberto Bossi, dirigeant du parti raciste de
la Ligue du Nord qui fait partie de la coalition au gouvernement, a réagi en
demandant au Vatican de donner le bon exemple en ouvrant ses portes aux
immigrés.
Le ministre des Affaires étrangères Franco
Frattini (Forza Italia) est intervenu et a cherché à faire porter la
responsabilité sur l'Union européenne (UE) en déclarant que cette dernière ne
faisait rien pour stopper l'immigration vers l'Italie. Frattini a demandé que
d'autres pays européens soient prêts à accepter des réfugiés.
En mai, Silvio Berlusconi avait cyniquement
cherché à justifier la politique italienne de déportation en reconnaissant que
les conditions de vie dans les centres de déportation italiens ressemblaient
beaucoup à celles des « camps de concentration. » Et que de ce fait
il était « plus humain » d'empêcher d'emblée que les réfugiés ne
débarquent sur le sol italien. »
Des émeutes s'étaient produites lorsque de
nouvelles réglementations de sécurité avaient été mise en place dans les
centres d'identification et de déportation au début du mois d'août. Plusieurs
détenus étaient montés sur le toit du centre de déportation à Turin. D'autres
s'étaient armés de barres de métal et avaient cherché à briser les barreaux des
fenêtres. La rébellion avait finalement été maîtrisée par une importante
intervention policière. Des protestations et émeutes semblables se sont aussi
produites dans d'autres prisons de déportation.
En droite ligne avec ces nouvelles lois, les
réfugiés sans permis de séjour peuvent être emprisonnés jusque six mois.
L'immigration clandestine peut être passible d'une amende pouvant s'élever
jusque 10 000 euros et les immigrés doivent payer 200 euros pour une demande de
permis de séjour. De plus la nouvelle loi requiert que les enseignants, les fonctionnaires
et le personnel de santé dénoncent les immigrés clandestins. Ces lois menacent
aussi de peines de prison tout propriétaire leur accordant un logement. Ces
lois légalisent aussi la mise en place de milices civiles pour compléter
l'utilisation systématique de soldats pour patrouiller les centres villes.
Ces nouvelles régulations apportent le
soutien à des éléments fascisants et minent non seulement les droits
démocratiques fondamentaux des réfugiés mais aussi ceux de toute la classe
ouvrière. Dans le même temps, la campagne gouvernementale dirigée contre les
travailleurs immigrés est de plus en plus utilisée pour fournir un bouc
émissaire face l'échec économique du pays et détourner de l'élite dirigeante la
responsabilité de la crise.
La situation économique en Italie s'est
détériorée de façon notoire en 2009. Selon la fédération du commerce
Confcommercio, le PNB du pays a décliné de près de 5 pour cent (-4,8 pour cent)
et la consommation de 1,9 pour cent. L'industrie automobile a vendu 15 pour cent
de voitures en moins qu'il y a un an. Il résulte de cela que le gouvernement
est tout à fait conscient de la menace de conflits sociaux dans les grandes
entreprises telles Fiat et de possibles émeutes dans les villes.
Le gouvernement Berlusconi a été en mesure
de se maintenir au pouvoir et de mettre en place sa politique droitière car il
n'y a en face de lui aucune opposition politique sérieuse. Les soi-disant
partis d'opposition représentent des points de vue qui ne diffèrent que de
façon insignifiante de la trajectoire du gouvernement. De plus un certain
nombre de ministres, qui sont responsables de la politique xénophobe inhumaine
du gouvernement, ont commencé leur carrière dans le camp de la gauche
parlementaire ou comme radicaux petits-bourgeois.
Le ministre de l'Intérieur Roberto Maroni
qui est aujourd'hui membre de la Ligue du Nord raciste, a commencé en politique
comme membre du groupe de soi-disant Marxistes-léninistes de Varese. Puis il
est parti un temps dans l'organisation Democrazia proletaria, une union de
plusieurs tendances gauchistes petites bourgeoises que les membres ont plus
tard quitté pour rejoindre principalement Refondation communiste ou les Verts.
Tout comme Berlusconi et Bossi, Maroni a
plus ou moins gagné sa vie pendant un temps comme musicien. Il a rencontré
Bossi à la fin des années 1980 et en 1990 il a rejoint Lega Lombarda, qui est
devenue plus tard la Ligue du nord. Aujourd'hui Maroni entérine l'introduction
de milices civiles privées et est déterminé à faire déporter un demi-million
d'immigrés cette année.
En tant qu'architecte de « l'Accord
Italie-Libye pour la lutte contre l'immigration clandestine », Maroni est
l'un des principaux responsables de cette dernière tragédie de réfugiés. Maroni
a négocié l'accord actuel en mai à Tripoli. Selon le journal libyen Akhbar
Libya le contrat « engage la
Libye à combattre la migration clandestine tandis que Rome promet en retour de
payer à la Libye cinq milliards de dollars sur les 25 années à venir en
compensation de la période coloniale. » De plus, le gouvernement italien a
fait don de trois bateaux pour patrouiller les côtes libyennes.
D'autres membres du gouvernement Berlusconi
sont issus du Parti socialiste qui s'est effondré sous le poids des scandales
de corruption dans les années 1990. Plus tard, une section du parti avait formé
le Nouveau parti socialiste (Nuovo PSI), qui a depuis fusionné avec
« Maison des libertés » de Berlusconi. Le dirigeant du PSI Bettino
Craxi a joué un rôle déterminant dans l'avancement de la carrière de Berlusconi
en lui donnant carte blanche dans le centre socialiste de Milan pour y
développer ses intérêts dans le bâtiment et les médias. En 1994, Craxi a été
contraint de quitter le pays pour échapper à une peine de prison pour
corruption. Il est mort en homme riche en Tunisie en 2000. Aujourd'hui sa,
fille Stefania Craxi est secrétaire d'Etat au ministère des Affaires
étrangères.
D'autres transfuges du Parti socialiste sont
Franco Frattini et Giulio Tremonti. L'actuel ministre des Affaires étrangères,
Frattini était précédemment rédacteur en chef du journal de gauche Il
Manifesto jusqu'à ce qu'il rejoigne le
parti de Berlusconi au milieu des années 1990. Il est un fervent défenseur des
guerres au Moyen-Orient et de la « guerre contre le terrorisme. »
Récemment Frattini s'est élevé aux Nations unies contre une conférence qui
condamnait le caractère criminel des attaques israéliennes contre les
Palestiniens.
Le ministre de l'Economie et des Finances
Tremonti est bien connu pour sa politique économique droitière. Il propage
ouvertement des points de vue nationalistes et protectionnistes et entretient
de bonnes relations de travail avec les postfascistes conduits par Gianfranco
Fini. Il a attiré l'attention par sa remarque: « Il y a des moments où il
faut mettre de côté les livres d'économie et ouvrir la bible. »
Un transfuge du Parti socialiste
particulièrement précieux pour Berlusconi est Rénato Brunetta, le ministre de
l'Administration publique et de l'innovation, qui a fait un doctorat sur le
code du travail. Il porte la responsabilité d'avoir rendu le marché du travail
flexible et d'avoir introduit des contrats précaires, c'est à dire de courte
durée et des emplois peu rémunérés. Il est bien connu pour sa campagne féroce
contre les « fanulloni », c'est à dire les « bons à rien »
qui travaillent dans l'administration publique.
Maurizio Sacconi, ministre de la Santé et
lui aussi ancien membre du PSI, a défendu la campagne menée par l'Eglise contre
l'euthanasie dans le cas récent d’Eluana Englaro.
Une autre partie du gouvernement de
Berlusconi provient du Parti radical de Marco Panella et Emma Bonino. Dans les
années 1960 et 1970, les Radicaux étaient considérés comme faisant partie du
spectre politique de la gauche et comprenaient des intellectuels tels
l'écrivain Elio Vittorino, l'acteur Arnoldo Foà et même pour un temps le
réalisateur Pier Paolo Pasolini. Ils soutenaient tous les Radicaux du fait de
leur défense du droit à l'avortement et au divorce et qu'ils demandaient la
séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Un ancien membre du Parti communiste italien
(PCI) occupe lui aussi un poste clé dans le gouvernement Berlusconi. Sandro
Bondi est ministre de la Culture et coordinateur de la Maison des Libertés.
Bondi avait rejoint la fédération des jeunesses communistes Federazione
Giovanile Comunista Italiana lorsqu'il était jeune. Fervent catholique, il
avait fait une thèse en philosophie sur un prêtre de l'Augustinus et opposant
de Savonarola. (Ce dernier fut brûlé sur le bûcher pour hérésie au Moyen Age.)
Bondi avait rejoint le PCI et était devenu
maire d'une ville de Toscane. Dans les années 1990, il était devenu un
fanatique défenseur de Berlusconi. En 2001, il avait mené la campagne
électorale de Berlusconi et était l'auteur d'une brochure publicitaire bien
ficelée distribuée dans toutes les boîtes aux lettres. En tant que ministre de
la Culture, Bondi s'est récemment opposé aux demandes d'artistes en grève qui
protestaient contre les coupes de 100 millions d'euros dans le budget de la
culture. Afin de dissimuler le déficit de l'Etat, Bondi a aussi nommé directeur
des musées italiens un ancien dirigeant de la chaîne de restauration rapide
McDonald, avec pour tâche de commercialiser l'héritage culturel italien.