Samedi dernier, le
président Barack Obama a déclaré l’état d’urgence national en
réaction au virus de la grippe porcine, ou H1N1. Le gouvernement américain a
disposé de plus de sept mois pour se préparer à la pandémie de H1N1 après que
des épidémiologistes eurent averti que l’éruption la plus importante pourrait
survenir à la fin de l’automne et en hiver.
L’administration
Obama et les gouvernements d’Etats semblent néanmoins avoir été pris par
surprise, alors que les stocks de vaccins sont insuffisants et les
infrastructures de santé publique lamentablement inadaptées pour distribuer le
peu qui est disponible. Il faut se demander ce qui a été fait durant les sept
derniers mois afin de se préparer à cette crise tout à fait prévisible.
L’administration
Obama a cédé la gestion de la grippe porcine au « libre marché »,
anticipant, avec une confiance inébranlable dans la recherche de profits des
grandes sociétés pharmaceutiques, qu’une quantité abondante de doses seraient produites. Au même moment, les gouvernements
d’Etats et régionaux étaient occupés à sabrer dans les budgets de la
santé publique et à licencier des administrateurs, des médecins, des
infirmières et d’autres employés du secteur, suivant ainsi la ligne du
président Obama que des « choix difficiles » devaient être faits dans
les dépenses sociales.
Ces politiques ont ensemble
produit un échec si lamentable que plus d’un commentateur a comparé la
crise actuelle à la colère populaire qui avait été provoquée par la réaction
catastrophique du président George W. Bush à l’ouragan Katrina.
De longues files de gens
souhaitant se faire vacciner se sont formées dans les villes et villages à
travers les Etats-Unis. Ils ont été laissés à la merci d’un système de
santé public si affaibli par les compressions et les mises à pied (les
économies ainsi réalisées canalisées directement ou indirectement dans les
coffres des très riches) que les travailleurs de la santé ont été obligés
d’agir, comme l’a décrit le New York Times, en tant que
« policiers improvisés de la grippe porcine » dont la première
préoccupation est, par nécessité, le contrôle des foules.
La grande majorité de ceux
voulant le vaccin ont été retournés chez eux, et parmi ceux-ci, des personnes
les plus vulnérables au virus : des femmes enceintes, des parents
souhaitant faire vacciner leurs enfants, des malades et des personnes âgées.
Le manque général de vaccin
aura comme résultat la mort de plusieurs individus avant que le virus ne suive
son cours. Le H1N1 a déjà causé la mort de plus de 1000 personnes aux
Etats-Unis. Alors que le nombre total de morts demeure petit comparé au nombre
de personnes qui meurent de souches typiques de la grippe dans une année, le
taux de mortalité pour ceux qui ont contracté le virus est plus élevé que pour
les souches typiques de grippe, et sa propagation est plus rapide.
L’incapacité des
principales entreprises pharmaceutiques à fournir une quantité suffisante de
doses de vaccin contre le virus du H1N1 expose un mythe central répandu par les
défenseurs du capitalisme — que la « main invisible » du marché
peut distribuer rationnellement les biens et les services nécessaires.
Les entreprises
pharmaceutiques avaient estimé que, avant la fin octobre, elles seraient en
mesure de fournir 40 millions de doses du vaccin au marché américain. Il est
maintenant anticipé que seulement 16 millions de doses seront disponibles,
selon le Centre pour le contrôle des maladies (CDC). La compagnie avec le plus
important contrat, Novartis AG, basée en Suisse, a dit qu’elle sera
incapable d’atteindre son quota de 90 millions de doses même d’ici
la fin de l’année, ce qui signifie que la pénurie de vaccin continuera
probablement dans la nouvelle année.
Les pharmaceutiques
produisent le vaccin contre la grippe en faisant croître des virus dans des
œufs de poule, un processus qui prend entre six et neuf mois. Les
compagnies de médicaments ne sont pas préparées à la possibilité que la
première production puisse échouer, supposant simplement qu’elles peuvent
fournir une quantité abondante à la fin des six mois du cycle de production.
Le recours à cette vieille
méthode, qui prend du temps, n’est pas dû fondamentalement à une
limitation technique. Les grandes pharmaceutiques trouvent la production de
vaccin contre la grippe non rentable. La vente des vaccins rapporte
relativement peu, et vu le caractère en constante mutation des virus de la
grippe, une année entière de production perd son utilité à la fin de la saison
de la grippe.
C’est peut-être pour
cette raison que les plus grandes pharmaceutiques basées aux Etats-Unis ne
produisent pas de vaccins contre la grippe. Parmi les cinq pharmaceutiques qui
ont obtenu les contrats pour produire des vaccins pour le marché américain,
aucune n’est basée aux Etats-Unis.
Les pharmaceutiques ont des
ressources énormes à leur disposition pour développer des moyens plus modernes
de productions de masse de vaccins. Les deux plus grandes pharmaceutiques
américaines, Johnson & Johnson et Pfizer, ont eu des revenus combinés de
plus de 100 milliards de dollars en 2008.
Mais les profits sont
distribués aux dirigeants multimillionnaires et aux actionnaires, et la part du
lion des revenus ne retourne pas dans la recherche et le développement de
nouveaux médicaments essentiels, mais va plutôt au marketing et à l’administration.
La recherche et le développement est effectué dans les médicaments dits « moi
aussi », parce qu’ils diffèrent très peu des médicaments qui sont le
plus vendu, mais offrent une possibilité de prendre une part d’un marché
profitable avec un produit breveté.
Les efforts scientifiques
et médicaux pour comprendre et combattre la grippe porcine sont aussi compromis
par l’absence de stratégie mondiale, une conséquence directe de la
division du monde en États-nations.
Alors que le virus ne
connaît pas les frontières, les gouvernements des nations les plus riches ont
chacun adopté leur propre stratégie visant à faire main basse sur la plus
grande partie de la production des vaccins. C’est seulement s’il en
restait, ce qui semble assez douteux, que les pays pauvres auront le vaccin,
même si le virus peut affliger encore plus les populations sans accès aux soins
de base, à une alimentation adéquate, à de l’eau potable ou à un système
d’égouts.
Le principal problème de
l’épidémie de grippe porcine n’est pas médical ou scientifique.
Contrairement aux affirmations sans fondement, et même
paranoïaques, de certains groupes, tant à gauche qu’à droite, il
n’y a pas de raisons historiques ou scientifiques de douter du rôle
essentiel que jouent les vaccins.
Le problème est d’une
double nature : la subordination du développement scientifique à la course
aux profits des grandes pharmaceutiques et la décimation du système public de
santé. Sur une échelle mondiale, ces facteurs sont combinées
avec le système chaotique des gouvernements nationaux concurrençant les uns
avec les autres. Sans ces contraintes, il ne peut y avoir de doute que la
science et la médecine pour augmenter de façon importante la durée et la
qualité de la vie de milliards de personnes sur cette planète.
(Article original anglais
paru le 30 octobre 2009)