Le syndicat des
Travailleurs canadiens de l’automobile, agissant de concert avec les
patrons de Chrysler et Fiat, l’administration Obama,
ainsi que les gouvernements du Canada et de l’Ontario, a rouvert le
contrat de trois ans, qui accordait déjà de nombreuses concessions, négocié
avec Chrysler Canada au printemps 2008 pour y inclure d’autres
concessions draconiennes en termes d’avantages sociaux, de congés payés,
d’intensité du travail et autres.
Selon le syndicat, ces
concessions vont réduire les coûts de main-d’œuvre de Chrysler de
plus de 250 millions de dollars canadiens par année jusqu’en
septembre 2012.
Au nom de l’
« équité » et de la « compétitivité », les TCA vont offrir
les mêmes concessions à GeneralMotors
et Ford.
Chrysler et Fiat, ce
dernier négociant actuellement une fusion avec le constructeur automobile basé
à Détroit, avaient menacé de retirer toute la production hors du Canada si les
8000 travailleurs syndiqués de Chrysler Canada n’acceptaient pas des
concessions de l’ordre de 19 dollars l’heure par travailleur.
Le syndicat a évité
d’employer en public le chiffre de 19 $, préférant mettre
l’accent sur les 240 millions $ que Chrysler va récolter par année,
« le résultat de réductions dans les avantages sociaux, de changements
dans les indemnités et d’une productivité accrue grâce à des
améliorations opérationnelles ». Le Toronto
Star a tout de même rapporté que des officiels des TCA ont
admis en privé que « les concessions répondent aux demandes de la
compagnie de réduire les dépenses de 19 $ l’heure ».
Le gouvernement
conservateur du Canada et le gouvernement libéral ontarien ont pleinement
appuyé les demandes de concession de la part de Chrysler. Le ministre fédéral
de l’Industrie, Tony Clement, a affirmé que si
un contrat de travail « compétitif » n’était pas négocié
d’ici ce jeudi 30 avril Ottawa reprendrait les
prêts d’urgence octroyés à Chrysler, entraînant ainsi la faillite du
constructeur. Le premier ministre libéral Dalton McGuinty
a quant à lui annoncé que son gouvernement n’allait pas honorer une
garantie de paiement des retraites, vieille de trois décennies, advenant la
situation où Chrysler ou GeneralMotors
ne seraient plus en mesure de respecter leurs obligations vis-à-vis leurs
retraités.
La bureaucratie des TCA a
rapidement joint l’assaut contre les travailleurs de Chrysler. Elle a
insisté que le seul moyen d’éviter la faillite de la compagnie, qui
« causerait un tort immense aux travailleurs, aux retraités et aux
consommateurs », était de s’incliner devant l’extorsion exigée
par le patronat et le gouvernement.
Il n’y a rien de
nouveau dans le fait que les TCA disent aux travailleurs de l’automobile
que des concessions et des augmentations du rythme de travail sont la seule
façon d’assurer des investissements et de sauver des emplois.
Mais l’étendue et
l’importance des concessions atteignent cependant ampleur inégalée à ce
jour. Les TCA abandonnent des droits et des avantages gagnés par les luttes de
générations d’ouvriers.
La convention collective de
Chrysler inclut toutes les concessions contenues dans l’entente que les
TCA avaient négociée avec GM au début mars, incluant l’élimination
d’une semaine par année de vacances payées, la prolongation du gel sur
les prestations liées au salaire et au coût de la vie jusqu’à l’été
2012, l’abolition d’un bonus annuel de 1700 $ et
l’imposition d’une nouvelle prime d’assurance-maladie.
Parmi une longue liste de
concessions additionnelles, la nouvelle convention collective de Chrysler
réduit les paiements quotidiens des heures supplémentaires, coupe les
assurances supplémentaires, met fin à la couverture hospitalière semi-privée, élimine les primes de Noël, met fin au
remboursement de frais de scolarité, coupe un bonus de 3500 $ (« un
rachat de vacances »), augmente les périodes d’attentes pour les
prestations liées à la maladie et aux accidents et réduit la couverture
médicament.
Dans la mesure où la fusion
avec Fiat prend place, la direction aura le droit d’introduire le système
de « production de classe mondiale » de Fiat, qui demande plus de
« flexibilité » et une poussée implacable pour l’efficacité,
c’est-à-dire une intensification et une accélération du travail.
Au même moment, la compagnie
procédera cet été à l’élimination du troisième quart de travail à
l’usine d’assemblage de minifourgonnettes
à Windsor, envoyant 1200 travailleurs au chômage.
Avec la nouvelle convention
collective, les TCA ont aussi fourni à Chrysler, et par extension à GM et à
Ford, les moyens de se départir de leurs obligations quant aux soins de santé
de leurs retraités. Suivant les traces de l’UAW,
qui en 2007 a établi le VoluntaryEmploymentBenefit Associations (VEBA) avec les Trois Grands de
Détroit afin de les aider à se départir de leurs obligations envers leurs
retraités, les TCA et Chrysler vont mettre sur pied le CanadianHealth Care Trust.
Alors que la forme exacte
que prendra ce CanadianHealth
Care Trust n’a pas encore été négociée, la compagnie pourra grâce à la
création de cet organisme se débarrasser de ses obligations quant aux soins de
santé de ses retraités. Un fonds d’investissement sera créé et placé sous
contrôle syndical. Il aura à sa charge toutes les dépenses reliées aux soins de
santé des retraités de Chrysler. La gestion de ce fonds offrira aux hauts
placés de la bureaucratie des TCA une nouvelle source très lucrative de revenus
dans un contexte où les cotisations syndicales que le syndicat tire des
travailleurs de l’auto diminuent constamment, conséquence de ses
trahisons. Ce fonds incitera également la bureaucratie à couper dans les coûts
de santé des retraités et à améliorer la profitabilité de Chrysler dans le cas
où, comme on peut si attendre, la plus grande partie des actifs du fonds sera
constituée d’actions de Chrysler.
Lewenza a déclaré lors d’une
conférence de presse qui a eu lieu vendredi dernier en soirée que Chrysler
avait promis qu’advenant le cas où la compagnie devait être réorganisée
sous la protection des lois américaines sur la faillite (le chapitre 11), alors
Chrysler Canada serait inclus dans le « bon Chrysler » et pas dans
les parties de Chrysler qui seront démembrées et liquidées. Il a aussi affirmé
que Chrysler avait garanti qu’il ne cherchera pas à obtenir des concessions
supplémentaires des TCA au moyen des tribunaux de faillite.
Au cours des derniers douze
mois, le syndicat des TCA a affirmé à plusieurs reprises qu’il avait
signé des ententes avec les Trois Grands de Détroit qui signifiaient la fin des
concessions seulement pour les répudier peu après et concéder encore plus.
Abandonnés par leur
syndicat et confrontant un flot incessant de menaces de la part de Chrysler, du
gouvernement ontarien et du gouvernement canadien, c’est à contrecoeur
que les ouvriers de Chrysler ont accepté le contrat sur lequel ils ont dû voter
le week-end dernier. Dans un vote pour lequel les TCA ont dit qu’il y
avait eu un fort taux de participation, 87 pour cent des travailleurs de chez
Chrysler ont voté pour l’acceptation d’un contrat comportant une
longue liste de concessions. Mais presque un quart des ouvriers de production
de l’usine d’assemblage de Brampton (24 pour
cent) ont rejeté le contrat.
Il est maintenant pratique
courante chez les TCA lorsqu’ils veulent forcer l’acceptation de
contrats avec des concessions, de ne pas laisser de temps aux travailleurs pour
réfléchir au contrat soumis au vote. Ce n’est qu’environ douze
heures après que la direction des TCA eut annoncé qu’elle venait de
conclure ses négociations avec Chrysler que les travailleurs de l’usine de
Toronto, qui sera fermée en 2011 à moins qu’on lui trouve un acheteur,
ont dû voter sur la proposition de contrat.
Lors d’une conférence
en fin de soirée vendredi dernier, le président des TCA Ken Lewenza
a décrit l’entente comme « une victoire si l’on considère ce
qu’on vient de vivre et l’alternative et les conséquences qui nous
attendaient si nous n’arrivions pas à une entente collective ».
Tout au long de la crise
actuelle, Lewenza a déclaré ouvertement que
l’objectif des TCA était de conserver « l’avantage
canadien » dont bénéficient les fabricants d’automobile,
c’est-à-dire de s’assurer que les opérations des Trois Grands de
Détroit soient plus profitables au Canada qu’aux Etats-Unis.
Il n’est surprenant
que les TCA aient chaudement félicité les serviteurs de la direction des TCA.
Al Iacobelli, le négociateur en chef de la compagnie,
a déclaré : « La direction des TCA a travaillé nuit et jour pour
défendre ses membres en réglant tous les détails dans ce qui fut une
négociation extrêmement complexe. La direction de Chrysler apprécie le dur
labeur de ses employés syndiqués avec les TCA et tout ce qu’a fait la
direction des TCA pour paver la voie pour que la compagnie ait un avenir au
Canada. »