WSWS : Nouvelles et analyses : Europe
La menace de faillite de General Motors résume le sort social de millions de travailleurs dans une situation de récession mondiale. Elle montre la nécessité brûlante d’une offensive unie contre les tentatives de placer le fardeau de la crise capitaliste sur le dos de la classe ouvrière et d’une révolte politique contre les syndicats et leur politique de nationalisme économique.
La survie de General Motors n’est due qu’à un plan de sauvetage octroyé par le gouvernement d’Obama aux Etats-Unis et totalisant plus de 21 milliards de dollars. Tout comme dans le cas des milliers de millions gaspillés sous forme de cadeaux faits aux banques, ces fonds ne servent pas à protéger la vie de dizaines de milliers de salariés mais à sauvegarder les intérêts des marchés boursiers et des institutions financières internationaux. En conséquence, GM se sert de sa menace d’insolvabilité pour avancer une gigantesque opération de destruction aux Etats-Unis et pour se débarrasser de ses activités européennes en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Belgique, en Suède, en France et en Russie.
Seule la mobilisation de l’ensemble des salariés de GM, aux côtés des salariés de ses fournisseurs et des entreprises qui tentent présentement de reprendre GM Europe, peut faire échouer une telle attaque mondiale.
Une telle volonté est présente parmi les travailleurs de l’automobile. En France, le « bossnapping », séquestration des patrons, est une expression qui reflète la colère largement répandue et l’esprit de résistance, qui règnent tout particulièrement dans l’industrie automobile. Les travailleurs ont organisé des opérations et des actions industrielles à Visteon en Angleterre et dans le Nord de l’Irlande, chez Caterpillar et chez Continental en France, y compris les manifestations communes avec les travailleurs en Allemagne, et les manifestations organisées presque quotidiennement chez Fiat dans les usines menacées de fermeture en Italie.
Mais les syndicats de par l’Europe, tout comme le syndicat américain des travailleurs de l'automobile (UAW), ont cherché à supprimer de telles actions. Ils se sont alignés derrière « leur » gouvernement et leur groupe industriel respectif pour exiger que « leur » industrie nationale soit sauvegardée aux dépens des travailleurs des autres pays. En échange, les syndicats offrent leurs services pour aider à restructurer Opel, Vauxhall, Saab et leurs fournisseurs en imposant des suppressions d’emplois, une accélération de la cadence de travail et des réductions de salaire et de retraite.
GM Europe emploie directement 55 000 salariés dont le plus grand nombre est chez Opel. Le constructeur automobile italien Fiat, qui emploie plus 80 000 personnes, est un repreneur potentiel d’Opel. Fiat qui a dernièrement pris une part de propriété de Chrysler en faillite, projette de former une nouvelle entreprise au chiffre d’affaires de106 milliards de dollars afin de faire partie des « Cinq Grands » du monde.
Une telle démarche se ferait aux dépens des travailleurs de l’automobile. Des fuites ont révélé qu’il avait initialement été question d’une perte de 18 000 emplois et de la fermeture de 10 sites d’assemblage et centres de pièces lors de pourparlers en Allemagne. Les emplois allemands devant bénéficier d’un traitement préférentiel tandis que l’ensemble des activités de Vauxhall au Royaume-Uni, qui emploie plus 4000 personnes, devrait être fermé. L’unique usine Opel en Belgique, qui emploie 2600 salariés, serait également fermée de même que les usines en Espagne et en Autriche ainsi que trois usines Fiat en Italie et en Pologne. Et malgré tout, il y aurait tout de même des licenciements de masse et d’éventuelles fermetures d’usine en Allemagne.
Ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg. Des centaines de milliers d’emplois sont menacés dans les secteurs s’y rattachant. Il y 12 millions d’emplois tributaires de l’industrie automobile dans l’Union européenne qui est le plus important producteur automobile. Plus de sept millions d’emplois dépendent de l’industrie automobile aux Etats-Unis.
Dans ce qui n’est rien moins qu’une énorme opération de restructuration, le patron de Fiat, Sergio Marchionne, s’était immédiatement empressé, après ses négociations avec le gouvernement allemand et les syndicats, de tenir des pourparlers avec le gouvernement Brown en Grande-Bretagne et le syndicat UNITE. Fiat s’attend à encaisser une subvention et des garanties de prêts de plus de sept milliards d’euros ainsi que des concessions majeures de la part des syndicats. Faute de quoi, l’avenir même de l’entreprise est morose. Ses dettes ont grimpé ces derniers mois à 8,6 milliards de dollars et ses actions en bourse ont été réduites à l’état d’actifs pourris.
Fiat compte pouvoir exploiter à la fois les antagonismes nationaux au sein de l’Europe et le souhait collectif du capital européen de concurrencer les Etats-Unis et ses autres principaux rivaux. Toute aide gouvernementale à venir ne servira qu’à multiplier les coupes claires et à poursuivre la guerre commerciale.
Les syndicats partagent cette perspective et sont hostiles à toute lutte des travailleurs automobile par delà les frontières qui compromettrait les étroites relations existant entre les syndicats, les gouvernements et les grands groupes.
En Allemagne, le syndicat IG Metall préconise l’offre faite par l’équipementier austro-canadien Magna pour la reprise d’Opel. En Grande-Bretagne, UNITE ne se préoccupe que du sort de Vauxhall tandis que les syndicats italiens se plaignent de ce que Fiat n’accorde pas assez la priorité aux intérêts nationaux. En France, la CGT fait campagne pour une « politique de vente offensive » de la part de Renault tout en se plaignant que l’achat de voitures d'origine étrangère est mauvais d'un point de vue écologique.
Le nationalisme des syndicats est démontré par la décision de la Confédération européenne des syndicats (CES) d’organiser des journées d’action du 14 au 16 mai à travers l’Europe, à Madrid, à Bruxelles, Prague et Berlin. La confédération ne propose pas une action paneuropéenne mais exige qu’une nouvelle version du « New Deal » soit conclue avec chaque gouvernement respectif. La manifestation organisée par le syndicat britannique UNITE, en appelant le gouvernement à protéger l’industrie contre la concurrence européenne, ne mentionne nullement la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs européens.
Les syndicats ne peuvent plus être qualifiés d’organisations des travailleurs. Les revenus et les privilèges de la bureaucratie syndicale sont totalement détachés du sort des travailleurs qu’elle est censée représenter et elle est parfaitement intégrée dans les structures hiérarchiques de l’entreprise et de l’Etat. Ceci apparaît le plus clairement dans le cas de l’UAW qui détient la majorité des actions dans le projet Nouveau Chrysler et assume une responsabilité directe dans l'imposition des attaques contre les emplois et les salaires ainsi que la destruction des caisses d’entreprise maladie et retraite.
La transformation de l’UAW en une affaire économique n’est pas simplement un phénomène américain. En Allemagne, les représentants syndicaux occupent la moitié des sièges au conseil de surveillance d’Opel et travaillent main dans la main avec la direction de l’entreprise et le gouvernement. Au cours de la dernière vague de licenciements chez BMW en Angleterre, les représentants syndicaux anglais avaient reconnu avoir dissimulé à leurs adhérents les projets de suppression d’emplois jusqu’à la dernière minute.
Quelle que soit l’issue immédiate de la lutte chez GM Europe et ses différents secteurs, aucun emploi n’est sûr. Les travailleurs sont montés les uns contre les autres dans une course fratricide à l’issue de laquelle il n’y aura pas de gagnants.
Les comparaisons faites entre l’actuelle crise économique mondiale et celle des années 1930 doivent servir d'avertissement. Une fois de plus, l’effondrement du capitalisme mène à un accroissement du nationalisme économique et du protectionnisme en provoquant des menaces de guerres militaire et économique.
Les entreprises automobile doivent être arrachées des mains des groupes privés pour être transformés en services publics socialisés et démocratiquement contrôlés par la population laborieuse. Ce n’est que sur la base d’une perspective socialiste qu’il est possible de défendre les installations de production modernes et de fabriquer des véhicules abordables et respectueux de l’environnement tout en développant un nouveau système de transport viable pour l’avenir.
La lutte contre les grands groupes organisés mondialement doit être elle aussi internationale. Ce n’est qu’en réorganisant les énormes ressources qu’offre l’économie européenne hautement intégrée qu’il est possible de satisfaire les besoins sociaux. Ceci signifie que la lutte pour les Etats-Unis socialistes d’Europe est une partie intégrante d’un appel plus général lancé aux travailleurs des USA, d’Asie, d’Amérique latine et de par le monde pour l’unité de la classe ouvrière elle-même contre l’ennemi commun.
Cette perspective ne peut se concrétiser que par des organisations nouvelles et indépendantes, issues de la révolte des travailleurs contre la direction syndicale qui opère comme la cinquième colonne du patronat. En Europe, cela signifie la construction de nouveaux partis internationalistes et socialistes de la classe ouvrière: des sections du Comité international de la Quatrième Internationale.
(Article original paru le 14 mai 2009)
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