Les Verts allemands, qui autrefois se
faisaient passer pour une alternative à la politique bourgeoise, ont à présent
ouvertement professé leur allégeance au camp bourgeois.
Commentant les résultats relativement bons
de leur parti dans les élections européennes qui se sont déroulées dimanche
dernier, l’ancien ministre vert de l’Agriculture, Renate Künast, a déclaré,
« La nouvelle bourgeoisie vote pour les Verts. » Un commentaire
identique a été fait par Boris Palmer, le maire Vert de la ville universitaire
de Tübingen, qui a dit, « La circonscription des Verts devient de plus en
plus bourgeoise. »
Le terme de « bourgeois » est un
signal clair et net aux partis conservateurs influents, l’Union
chrétienne-démocrate (CDU) et l’Union chrétienne-sociale (CSU) qui, dans le
langage courant, sont qualifiés de partis bourgeois. Il n’y a à présent plus
aucun obstacle à une coalition entre les Verts et les partis de l’Union au
niveau fédéral.
Si les résultats des élections européennes
étaient appliqués aux élections législatives prévues le 26 septembre prochain,
alors une telle alliance remporterait une majorité parlementaire. Les Verts ont
obtenu leur meilleur score national dimanche dernier avec 12,1 pour cent. Ils
ont recueilli plus de voix que le Parti libéral-démocrate (FDP, 11 pour cent)
partisan du « libre marché » et du parti La Gauche (7,5 pour cent) en
totalisant, avec le CDU et le CSU (37,9 pour cent), exactement 50 pour cent des
voix exprimées.
Boris Palmer a été le premier à s’exprimer
ouvertement pour un gouvernement fédéral conservateur/Verts. « Nous devons
devenir plus forts que le FDP afin d’être pour le CDU la seule alternative pour
une grande coalition », a-t-il dit. « L’Union nous soumettra alors
une offre que nous pourrions accepter. » Les Verts possèdent des
« valeurs identiques » à celles de l’Union et disposent de
« conceptions claires pour une politique budgétaire », a-t-il ajouté.
Sur Spiegel-Online, le candidat de tête
des Verts français et membre du parti Vert allemand, Daniel Cohn-Bendit, a
aussi exprimé son soutien à une alliance avec l’Union. A la question « Si
une alliance avec Angela Merkel avait un sens en terme politique… ? »
il a répondu : « … alors elle sera réalisée. Toute autre voie serait
absurde. »
Suite à l’objection de Spiegel-Online que ceci briserait un tabou pour de nombreux Verts,
Cohn-Bendit a rétorqué, « Je ne crois pas. Après les élections de septembre, rien ne sera comme avant. On aura fini de rêver. Le fantôme de La Gauche comme troisième
force, par exemple, fera partie du passé et bien d’autres questions auront
également été traitées … »
D’autres membres influents des Verts
prennent plus de précaution à s’engager ouvertement dans une alliance avec
l’Union. Ils craignent que cela ne dissuade les électeurs. Du reste, il est
improbable que les Verts obtiennent un résultat identique lors des élections
législatives (au Bundestag) à celui obtenu lors des élections européennes qui
s'est caractérisé par un taux de participation extrêmement bas. Néanmoins, si
l’occasion se présentait, ils n’hésiteraient pas à rejoindre un gouvernement
bourgeois droitier.
La caractérisation par Künast des Verts
comme un parti de la nouvelle bourgeoisie ne vient pas de nulle part. Il
n’existe pas d’autre parti parlementaire qui soit aussi clairement et
exclusivement fondé sur une couche sociale aussi faible. Alors que sur un plan
fédéral les Verts ne peuvent atteindre qu’un dixième de l’électorat, ils sont
devenus un parti dirigeant sur le plan urbain dans les grandes villes où réside
la classe moyenne riche et cultivée.
A Berlin, les Verts ont recueilli près d’un
quart des voix exprimées lors des élections européennes. Ils talonnent de près
le parti dirigeant, le CDU, alors que les deux autres partis qui se partagent
le pouvoir au parlement de Berlin, le SPD et La Gauche, traînent loin derrière.
Dans l’arrondissement de Friedrichshain-Kreuzberg, les Verts ont totalisé 43
pour cent des scrutins. Dans d’autres grandes villes, la situation est
identique. Dans six arrondissements de Munich, les Verts ont émergé en tant que
parti le plus fort avec des scores se situant entre 25 et 36 pour cent.
Dans les villes universitaires telles
Tübingen et Fribourg, les Verts dirigent déjà la municipalité en détenant les
mandats de maires. Lors d’une élection communale qui a eu lieu dimanche
dernier, ils sont sortis pour la première fois comme le parti le plus fort
d’une grande ville. Avec 25 pour cent des voix exprimées, les Verts ont dépassé
d’un pour cent le CDU dans la ville Stuttgart, dans le sud-ouest de
l’Allemagne. Un élément de poids dans le score obtenu ont été les controverses
autour d’un projet de reconstruction de la gare centrale de la ville, et que
les Verts rejettent.
Les Verts se sont développés en un parti de
la classe moyenne urbaine et riche. Ils ne disposent d’aucun programme
politique propre. Leurs marques de fabrique, l’environnement, l’écologie et le
développement durable, ont depuis longtemps fait leur entrée dans tous les
partis après qu’il est apparu clairement qu’il était possible de faire beaucoup
d’argent avec les boutiques écolos, les énergies alternatives et les voitures
écologiques. Et, en cas de conflit entre la protection environnementale et les
intérêts économiques, les Verts sont les premiers à céder du terrain. Les Verts
ont abandonné il y a dix ans leur antimilitarisme et leur démocratie de base en
s’associant au gouvernement de coalition avec le SPD.
Ce qui différencie aujourd’hui les Verts des
autres partis bourgeois, c’est moins leur programme que leur mode de vie. On
pourrait les décrire comme un parti du mode de vie bourgeois. Qualifier leur
politique d’opportuniste serait une litote. Ils sont
l’incarnation vivante de l’opportunisme.
Personne n’excelle aussi bien en matière
d’opportunisme que l’ancienne vedette du mouvement de protestation de 1968,
Daniel Cohn-Bendit. Sa liste « Europe écologie » a été en mesure de
remporter un succès surprenant en France en obtenant 16 pour cent des voix aux
élections européennes. Son parti est arrivé en troisième position à un cheveu
derrière le Parti socialiste. Cohn-Bendit avait rassemblé sur sa liste des gens
qui n’avaient rien en commun excepté leur notoriété. L’activiste anti-Union
européenne, José Bové se trouvait aux côtés du défenseur passionné de l’Union
européenne, Cohn-Bendit et de l’ancienne juge d’instruction, Eva Joly, qui a
été rendue célèbre par le scandale de l’affaire Elf-Aquitaine.
Une telle coalition est peut-être en mesure
de rassembler des voix, mais elle est complètement incapable de poursuivre des
objectifs politiques parce qu’elle n’arrivera pas à se mettre d’accord sur la
moindre question. Elle ne pourra, au plus, que servir à manipuler les électeurs
et à exploiter des tendances et des sentiments politiques confus dans un but
réactionnaire. Un exemple majeur a été la manière dont les Verts allemands
avaient usé de l’hystérie soulevée par les atrocités lors de la guerre de
Yougoslavie afin de permettre la première intervention de l’armée allemande à l’étranger
depuis la Seconde Guerre mondiale.
De nombreux électeurs des Verts ont les
idées larges et libérales en ce qui concerne de nombreuses questions politiques
et sociales. Ils ont généralement une éducation solide, ils sont cultivés,
politiquement bien informés et ressentent souvent une véritable sympathie à
l’égard des pauvres et des personnes socialement défavorisées. C’est la raison
pour laquelle ils rejettent le CDU et le FDP. Toutefois, la suppression par le
SPD, La Gauche et les syndicats de la lutte de classe ouverte contribue à les
désorienter en les rendant perméables aux influences de la politique des
politiciens cyniques Verts qui exploitent leur soutien pour étayer un
gouvernement de droite.