La faillite de General Motors est un important point
tournant de la vie économique et politique des Etats-Unis.
Le géant industriel, jadis l’entreprise la plus importante
et la plus profitable au monde, a défini le capitalisme américain pour la
majeure partie du 20ième siècle. Sa présence dominante au sein de l’économie
américaine avait inspiré la célèbre remarque du directeur général de GM,
Charles Wilson, en 1953 : « Ce qui était bon pour le pays était bon
pour General Motors et vice versa. »
La déclaration de Wilson, bien que parlant pour ses propres
intérêts, semblait être juste alors que GM employait un demi-million de
travailleurs américains, dont les conditions de vie s’amélioraient, et que
l’industrie de l’automobile était au centre d’une vaste industrie
manufacturière responsable de 60 pour cent de tous les profits aux Etats-Unis.
L’effondrement de GM symbolise le déclin et la crise du
capitalisme américain ainsi que le rôle prédominant qu’a développé la spéculation
financière au sein de l’économie américaine et mondiale. La faillite forcée de
GM est la démonstration la plus claire de la subordination de tous les intérêts
sociaux à l’aristocratie financière qui gouverne les Etats-Unis.
L’annonce de la faillite a provoqué une hausse de 221
points à la bourse de New York, même après l’annonce que GM se verrait retirer
de la liste Dow Jones des 30 meilleures actions, dont l’entreprise faisait
partie depuis 1925. Cette hausse était la célébration par l’élite financière de
la destruction de dizaines de milliers d’emplois et de l’extorsion de
concessions salariales et autres des travailleurs, dont les conditions de vie
âprement disputées sont perçues depuis longtemps comme un obstacle inacceptable
aux profits.
« La faillite de GM est très positive pour
l’industrie de l’automobile : ils devraient en sortir comme un compétiteur
sérieux », a déclaré à Bloomberg News Len Blum, administrateur chez
la firme bancaire d’investissement Westwood Capital LLC à New York. « Les
contrats de travail et les relations avec les débiteurs et les franchisés sont
les seules choses qui empêchent GM d’aller de l’avant. Tout ceci devrait être
nettoyé par une faillite. »
Le « nettoyage » exigé par les
gros investisseurs aura des conséquences sociales désastreuses. GM va fermer 14
usines au Michigan, en Ohio, en Indiana et dans d’autres Etats déjà touchés par
de hauts taux de chômage et la détresse sociale. Quelque 23 000
travailleurs au taux horaire et 8000 salariés vont perdre leur emploi et 2100
concessionnaires vont fermer, affectant ainsi jusqu’à 100 000
travailleurs.
Dans ses remarques après l’annonce de la faillite, le
président Obama s’est comporté de manière à assurer à Wall Street que le
gouvernement, qui assume une part majoritaire dans GM en échange de près de 50
milliards $ en fonds publics, ne ferait rien qui affecterait la propriété
privée ou les prérogatives de l’élite financière. « Ce que nous ne faisons
pas, ce qui ne m’intéresse absolument pas, est de diriger GM », a-t-il
dit.
La compagnie « sera dirigée par un comité
d’administrateurs privés et une équipe de gestion », a-t-il insisté,
montrant clairement qu’ils seront des experts en restructuration et en baisse
des coûts. « Ils, et non le gouvernement, vont diriger et vont prendre les
décisions sur comment placer cette compagnie dans une autre direction, a-t-il
continué. Le gouvernement fédéral va s’abstenir d’exercer ses droits en tant
qu’actionnaire. … En un mot, notre but est de remettre GM sur pied, de garder
une certaine distance et de se retirer rapidement. »
Pendant des années, la classe dirigeante américaine a dénoncé
les « nationalisations » en raison de leur association avec le
socialisme et a chanté les louanges du libre marché capitaliste. Maintenant, le
gouvernement fédéral s’empare essentiellement de GM.
Cependant, cela n’a rien à voir avec le socialisme ou de
véritables nationalisations. Le gouvernement n’intervient pas pour défendre les
intérêts du public et garantir l’emploi et des niveaux de vie décents pour
tous. Au contraire, c’est une intervention de l’Etat capitaliste pour créer les
meilleures conditions dans le but de générer du profit pour les investisseurs
américains et étrangers.
Obama a feint être sympathique à la cause
des travailleurs qu’il a jetés à la rue, déclarant « Je sais que vous avez
déjà eu votre part de temps dur. Je ne prétendrai par que les temps durs sont
terminés. Des jours difficiles nous attendent. D’autres emplois disparaîtront.
D’autres usines fermeront. D’autres concessionnaires mettront la clé à la porte
et il en sera de même pour beaucoup de fournisseurs de pièces. »
Il a ensuite cyniquement affirmé que les
travailleurs qui perdent leur emploi servaient une grande cause, une cause
patriotique. « Je veux que vous sachiez que vous vous sacrifiez pour la
prochaine génération. C’est un sacrifice que vous n’avez peut-être pas choisi
de faire, mais c’est néanmoins un sacrifice que vous devez faire pour que vos
enfants et tous nos enfants puissent grandir dans un pays qui fait encore des
choses, qui construit toujours des autos, qui cherche toujours un meilleur
avenir. »
Ces phrases sont un mensonge éhonté. La
faillite de GM va en fait accélérer le processus de désindustrialisation qui a
été entrepris par l’élite dirigeante au cours des trois dernières décennies
alors qu’elle s’est tournée de plus en plus vers la spéculation financière pour
accumuler de gigantesques fortunes.
Avec l’administration Obama, la classe dirigeante
américaine a trouvé son représentant le plus impitoyable, avec à sa tête un
président du Parti démocrate qui est allé encore plus que même son prédécesseur
républicain dans son assaut sur la classe ouvrière. Alors qu’il a donné des
billions de dollars en fonds publics pour couvrir les mauvaises dettes de jeu
de l’élite financière, il demande aux travailleurs un « sacrifice »
qui ne finira jamais. La destruction des emplois et du niveau de vie des
travailleurs de GM et de Chrysler sera dorénavant utilisée comme un exemple
pour mener d’amples attaques contre toutes les sections de la classe ouvrière.
Depuis le commencement, la Maison-Blanche a compté sur les United Auto Workers pour endiguer toute résistance de la part
des travailleurs. Les UAW, qui ont été créés il y a 70 ans des grèves
d’occupation contre l’exploitation des ouvriers de GM, ont été complices du
retour aux conditions de travail inconnues depuis les années 1930. En échange
de leur supervision au nom de la compagnie et du gouvernement, ceux qui
dirigent cette organisation reçoivent des milliards de dollars en actions et
contrôleront 17,5 pour cent de la « Nouvelle GM ».
La transformation des UAW en une
entreprise, dont les intérêts matériels sont en opposition à ceux des
« membres » qu’ils disent représenter est le résultat de
décennies d’anti-socialisme et de soutien au système de profit.
Le fait que le gouvernement ait dû acquérir
GM et sauver les banques de Wall Street est une reconnaissance implicite de
l’échec du soi-disant système du libre marché et de la subordination de la vie
économique au profit privé.
En opposition aux plans du gouvernement
d’exploiter la crise pour créer de nouvelles conditions pour l’exploitation de
la classe ouvrière et de nouvelles richesses pour ceux qui profitent de cette
exploitation, le Parti de l’égalité socialiste appelle pour une véritable
nationalisation de l’industrie de l’auto et sa conversion en un service public
placé sous le contrôle démocratique des travailleurs.
Les immenses forces productives de
l’industrie automobile américaine, construite par le travail de générations
d’ouvriers, doivent être défendues et intégrées à l’économie mondiale sous
contrôle démocratique et sur la base de la coopération internationale de tous
les producteurs. Ce n’est que de cette façon que les emplois et le niveau de
vie des travailleurs de l’automobile de par le monde pourront être défendus.
Dans le but de briser les reins de la
dictature financière, les banques doivent être nationalisées et devenir
propriété publique. Les gains mal acquis de l’aristocratie financière doivent
être confisqués pour satisfaire les besoins de la société dans son ensemble.
Un tel programme est entièrement rejeté par
les deux partis de la grande entreprise aussi bien que les UAW. La réorganisation
de la vie économique sur la base des besoins humains et non du profit demande
une lutte pour unir toute la classe ouvrière dans une lutte pour le pouvoir
politique et un gouvernement ouvrier.