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C'est souvent dans leur réaction aux événements
internationaux que les organisations pseudo-gauchistes révèlent leur véritable
orientation sociale. Le domaine de la politique nationale, où le bilan des
politiciens de droite est connu d’un vaste public, impose souvent
certaines limites à leur opportunisme, du moins en termes de rhétorique. Ces
organisations ne connaissent toutefois pas de telles inhibitions sur la scène
internationale et exposent ouvertement leur véritable position de classe.
C’est le cas avec la réaction du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) aux
derniers événements survenus en Iran.
Le NPA, sous la direction de son dirigeant Olivier
Besancenot, n’avait jusque-là consacré que quelques lignes aux événements
qui ont eu lieu en Iran. [1] Et pourtant, sa position est évidente et
totalement alignée sur celle du président français, des partis traditionnels de
l’establishment et des médias officiels.
Le NPA a accepté sans critique et sans les avoir
vérifiées, les affirmations selon lesquelles les résultats des élections
iraniennes avaient été massivement falsifiés. Il reproche au président sortant,
Mahmoud Ahmadinejad, d’écarter du pouvoir les soi-disant forces
réformatrices au moyen d’un « véritable coup d’Etat » en
se déclarant être solidaire sans réserve avec « tous ceux qui manifestent
publiquement et courageusement leur opposition au régime en place. »
Dans un autre communiqué officiel du parti en date du 16
juin il est dit : « Le NPA… soutient tous ceux et toutes celles
qui veulent en finir avec la République islamique. » La déclaration ne
procède à aucune analyse des intérêts sociaux et des programmes politiques qui
font l’objet des luttes en Iran. Le NPA fournit un blanc-seing à tous
ceux qui veulent renverser le régime iranien, sans tenir compte des intérêts et
des objectifs qu’ils poursuivent.
Le fait que ceux qui « veulent en finir avec la
République islamique » comprennent aussi l’impérialisme américain et
français importe aussi peu au NPA que le programme du candidat vaincu Mir
Hossein Moussavi qui soutient des coupes budgétaires dans les programmes
sociaux, la privatisation des entreprises d’Etat et l’ouverture de
l’Iran au capital international. C'est-à-dire que Moussavi préconise
précisément ce même modèle économique « néo-libéral » que le NPA dit
par ailleurs rejeter.
La déclaration du NPA est un signal clair lancé aux
gouvernements français et américain leur disant qu’ils peuvent compter sur
le soutien propagandiste du NPA lors de leurs efforts pour mettre en place un
régime pro-occidental en Iran.
Le NPA ne propose pas la moindre perspective
indépendante à la classe ouvrière et aux masses opprimées en Iran. Il exprime
sa solidarité avec « la jeunesse étudiante, les femmes et, au-delà, tous
celles et ceux qui résistent courageusement » au régime, mais ne se
distance pas lui-même des éléments bourgeois de droite qui dirigent ce
mouvement de protestation.
Il n’est pas un secret que de nombreux manifestants
sont issus de la classe moyenne supérieure pour qui la priorité n’est pas
en premier lieu la démocratie (et certainement pas la justice sociale), mais
l’extension de leurs privilèges sociaux qui sont actuellement restreints
par le régime clérical.
A cet égard, des parallèles existent avec les
manifestations qui avaient renversé il y a vingt ans les régimes staliniens en
Europe de l’Est. A l’époque aussi, un grand nombre de jeunes y
avaient participé, mais en fin de compte, les principaux bénéficiaires en
furent une infime minorité privilégiée qui s’est enrichie avec la
restauration du capitalisme et la démolition du système social.
Le NPA ne tente pas non plus de jeter un pont entre les
pauvres et les opprimés qui ont massivement voté pour Ahmadinejad parce
qu’ils savent que Moussavi et ses partisans projettent de mettre en place
de vastes attaques sociales. Un programme socialiste et qui soit dirigé contre
toutes les ailes de l’élite dirigeante est nécessaire pour unifier la classe
ouvrière, la masse des pauvres et de la jeunesse étudiante. Mais le NPA rejette
un tel programme. Dans la lutte qui oppose Moussavi à Ahmadinejad, deux
représentants réactionnaires de l’élite dirigeante, il se place sans
réserve du côté de Moussavi.
La position du NPA est d’autant plus remarquable que
quelques jours plus tôt, juste avant les élections, il avait fait une
évaluation tout à fait différente de la situation. A ce moment, il avait jugé
que peu d’intérêt serait porté aux élections. « Avec près de 40 pour
cent de chômeurs, 30 pour cent d’inflation, 12 millions de personnes
vivant sous le seuil de pauvreté, la grande majorité de la population voit son
pouvoir d’achat chuter, » écrivait-il le 10 juin. « Les
Iraniens n’attendent pas grand-chose de ce scrutin. » [2]
Les quatre candidats présents sur les listes électorales
sont « des caciques du régime », poursuit l’article. « Il
s’agit d’une lutte d’influence acharnée entre les factions au
pouvoir. » Moussavi est le candidat « le plus bienveillant à
l’égard des intérêts occidentaux » et pour qui « une partie de
la jeunesse issue des classes moyennes et citadines sera tentée de
voter. »
A l’époque, le NPA prêtait à Ahmadinejad de bonnes
chances d’être élu : « Cependant, les chances de victoire
d’Ahmadinejad sont réelles. Il conserve, notamment par sa rhétorique
pieuse, nationaliste et populiste, une capacité de mobilisation importante au
sein des couches les plus pauvres de la population. Il dispose de véritables
soutiens au sein des Pasdarans [ou Sepah, les Gardiens de la Révolution], dont
il est le garant des intérêts. Enfin, il est le candidat du Guide
suprême. »
Une semaine plus tard, tout était oublié. Dès que les
manifestations contre le résultat des élections ont laissé entrevoir la
possibilité d’un changement de régime, le NPA a rejoint le camp du
candidat « le plus bienveillant à l’égard des intérêts
occidentaux », pour prêter sa voix à tous ceux qui affirment que les
résultats des élections ont été falsifiés.
Ce modus operandi est typique du NPA et de son prédécesseur,
la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Tant que la situation est calme, ils
se disent de gauche. Dès qu’une crise se profile, ils se mettent
entièrement au service de l’ordre bourgeois.
En 2002, Olivier Besancenot avait obtenu 1,2 million de
voix en tant que candidat de la LCR au premier tour des élections
présidentielles. A l’époque, les candidats positionnés à gauche du Parti
communiste avaient recueilli dix pour cent du scrutin. Mais, quand des millions
de personnes étaient descendues dans la rue pour protester contre la présence
au second tour de l’élection du fasciste Jean-Marie Le Pen, la LCR avait
canalisé ce mouvement derrière le président sortant, Jacques Chirac. Elle avait
appelé à voter pour Chirac en l’aidant à remporter une écrasante victoire
électorale, stabilisant ainsi la droite française.
Le soutien du NPA pour Moussavi est l’expression
d’un phénomène plus général. La crise économique et sociale entraîne une
différenciation de la classe moyenne. Tandis que les couches inférieures
connaissent un déclin social, les couches supérieures plus privilégiées se
tournent vers la droite. Les organisations politiques qui dépendent
principalement de la classe moyenne suivent ces couches supérieures.
Ceci peut se voir le plus clairement dans le développement
des Verts, dont les cadres, comme pour la LCR/NPA, sont issus du mouvement
étudiant de 1968. Les Verts ont tiré en partie profit du déclin des partis
sociaux-démocrates et communistes et, ce faisant, ont opéré un virage à droite.
Aujourd’hui, ils font partie des piliers de l’ordre bourgeois. En
Allemagne, ils ont supervisé, aux côtés du Parti social-démocrate de
l’Allemagne (SPD), la remilitarisation de la politique étrangère et
procédé aux coupes les plus massives des dépenses sociales depuis la Seconde
Guerre mondiale. En France, lors des dernières élections européennes, ils ont
failli faire jeu égal en termes de résultats avec le Parti socialiste pour se
présenter à présent comme des alliés potentiels de la nouvelle coalition
bourgeoise. Les Verts européens soutiennent sans réserve le camp Moussavi en
Iran en appelant au renversement du régime.
En dépit de sa rhétorique de gauche, le NPA représente une
orientation identique à celle des Verts. La réponse du NPA aux événements en
Iran montre qu’il est plus proche de la classe supérieure avec laquelle
il forme l’épine dorsale du mouvement de protestation de Moussavi que de
la classe ouvrière et des pauvres qui détestent Moussavi et ses partisans
autant sinon plus qu’Ahmadinejad.