Des manifestations
d'étudiants indiens en Australie au cours des 12 derniers jours ont mis en
lumière une sinistre série de violentes attaques racistes qui étaient jusque-là
restées dans l'ombre, qui a créé une vague d'indignation et de profondes
inquiétudes en Inde comme en Australie. Une fois de plus, la négation des
tensions produites par l'inégalité sociale et des décennies de politique
libérale ont éclaté sous une forme délétère et réactionnaire, les
« étrangers » – des étudiants indiens – soumis à des injures et des
actes de violence racistes.
Ces attaques se
sont amplifiées au cours des dernières semaines. À Sydney, un appartement a été
incendié et des voitures brûlées, à Melbourne, au milieu d'injures racistes, un
jeune a été brutalement poignardé avec un tournevis. Le 31 mai, les étudiants
indiens ont répondu par une manifestation de 4000 personnes dans les rues du
quartier commercial central, exigeant des actions de la police, du gouvernement
fédéral et de celui de l'état fédéré pour garantir leur sécurité.
La réponse
initiale du gouvernement travailliste a été de limiter les dégâts possibles
pour l'économie australienne. Le 1er juin, le premier ministre Kevin Rudd a
offert des garanties que « les plus de 90 000 étudiants indiens
d'Australie sont les bienvenus dans notre pays ». La seule chose qui soit
« la bienvenue », ce sont les milliards de dollars payés chaque année
par les étudiants indiens, faisant partie des 15 milliards extorqués aux
étudiants étrangers chaque année et que le gouvernement Rudd craint de perdre.
En réalité, ce
sont les gouvernements fédéraux et les états fédérés successifs – qu'ils soient
travaillistes ou libéraux – qui sont directement responsables des attaques
contre les étudiants étrangers venus en Australie, ainsi que la police.
Selon le
porte-parole de la Fédération des étudiants indiens d'Australie (FISA), Gautam
Gupta, les insultes et autres crimes contre les étudiants indiens ont pris de
l'ampleur régulièrement depuis deux ans, pourtant les plaintes déposées devant
la police ont été systématiquement ignorées, les étudiants étant accusés d'être
des « cibles faciles ». Alors que la police a permis aux forfaits de
se poursuivre impunément, les manifestations étudiantes de ce mois-ci n'ont pas
eu droit à la même complaisance. La répression policière a été immédiate, avec
mobilisation de la police anti-émeute, des chiens et de la police montée.
Lorsque les étudiants et les habitants se sont réunis à la gare de Melbourne la
semaine dernière, pour escorter de jeunes Indiens venus en train, ils ont été
interpellés par la police. Voilà le vrai visage de la « protection »
d'Etat.
Il faut noter que
le commissaire de police de la zone, Robert Redfern, qui a dirigé l'opération
de cette semaine à Harris Park, était affecté à Cronulla au moment des fameuses
émeutes qui s'y sont produites en 2005. Sous le commandement de Redfern, la
police a reçu l'ordre de ne pas intervenir lorsque des foules racistes et
imbibées d'alcool ont brutalisé des jeunes du Moyen-Orient. Lorsque ces
derniers ont répliqué les jours suivants, la répression a été immédiate. Le
gouvernement de l'état fédéré a fait passer des lois draconiennes au Parlement,
accordant des pouvoirs exceptionnels à la police et les médias ont vilipendé
les « gangs libanais » qui, selon eux, « menaçaient l'ordre et la
sécurité publics ».
Les manifestants
ont demandé une meilleure protection de la part de la police, mais il faut
prévenir les étudiants : comme à Cronulla, le gouvernement s'empare de ces
demandes pour justifier de nouvelles décisions « garantissant la loi et
l'ordre », qui peuvent s'appliquer contre l'ensemble de la classe ouvrière.
« L'Australie
est un pays de grande diversité, d'harmonie et de tolérance » a déclaré
Rudd le 1er janvier quelques heures après que la police a attaqué les
manifestants du quartier commerçant de Melbourne. Au contraire, comme tout pays
capitaliste, l'Australie est traversée par d'énormes – et croissantes –
divisions de classe.
Dans les banlieues
de Melbourne, y compris St Alban, où les menaces racistes augmentent, les
tensions sociales sont sur le point d'exploser, créées par plus de trente
années de restructurations économiques. Les industries, les banques et les
bureaux qui employaient des dizaines de milliers de travailleurs à une époque,
ont été fermés dans les années 1980 et 1990, condamnant des familles entières à
une vie de chômage et de pauvreté dont elles ne se sont jamais remises.
Aujourd'hui,
devant la pire récession mondiale depuis les années 1930, le chômage augmente à
nouveau, on annonce qu'il atteindra un million l'année prochaine. Au cours des
12 derniers mois, le nombre des 15-19 ans sans emploi a bondi de 10 à 18 pour
cent nationalement, le chômage des jeunes dans certaines zones approchant des
40 pour cent.
Le gouvernement
Rudd, comme le gouvernement Howard avant lui, a répondu à cette crise sociale
qui s'aggrave par les méthodes qui font partie du fonds de commerce du
capitalisme australien, cherchant à détourner la colère et le ressentiment de
la population dans les voies réactionnaires de la politique nationaliste et
raciale. Au cours des 10 dernières années, les immigrés, les demandeurs d'asile,
les « boat people », les musulmans et les « gangs
libanais » sont tous devenus des boucs émissaires pour l'incapacité du
système capitaliste à donner un cadre de vie et des services adaptés à des
millions de gens ordinaires.
Cette semaine,
alors que se poursuivaient les manifestations des étudiants indiens, Rudd a
déclaré sur Radio Melbourne : « Ces dix dernières années, j'ai appris
que nous avions, je crois, jusqu'à 20 australiens qui ont été soit tués soit
victimes d'une attaque quelconque. Cela ne veut pas dire que les
Australiens sont visés en Inde, c'est juste la réalité de la violence dans le
monde. »
Rudd et l'ensemble
de l'establishment politique cherchent à empêcher toute investigation
sérieuse des causes des violences. Que les hauts niveaux de chômage chez les
jeunes et de pauvreté aient alimenté les tensions raciales dans les grandes
villes australiennes, n'est pas une « réalité » inévitable. Ces
conditions sont le produit de la politique libérale appliquée par les
gouvernements capitalistes successifs – travaillistes et libéraux – et de
l'absence d'un mouvement politique unifié de la classe ouvrière pour s'y
opposer, qui offrirait une alternative progressiste et socialiste. C'est cela
qui a laissé de nombreux jeunes à la merci des diversions réactionnaires
fondées sur le racisme et le nationalisme.
En opposition aux
tentatives de Rudd, de la police et des médias capitalistes de diviser les
jeunes Australiens, Indiens et du Moyen-Orient selon leur nationalité ou leurs
origines ethniques, avec le danger bien présent d'une escalade des
représailles, les couches les plus avancées des étudiants et de la classe
ouvrière doivent se tourner précisément vers le développement d'un mouvement
internationaliste et socialiste dans la classe ouvrière. C'est la perspective
pour laquelle se bat le Comité international de la Quatrième Internationale et
son mouvement étudiant, l'Internationale étudiante pour l'égalité sociale.
En décembre 2005,
juste après les émeutes racistes de Cronulla, Wije Dias, secrétaire général du
Parti de l'égalité socialiste du Sri Lanka, avait publié un avertissement aux
jeunes d'Australie, s'appuyant sur les leçons de la longue et tragique
expérience sri lankaise concernant les politiques raciales :
« La réponse
ne réside pas dans le communautarisme, mais dans les solutions de classe
s'appuyant sur la reconnaissance du fait que tous les travailleurs, quelle
que soit leur religion, leur couleur de peau, leur langue ou leur ethnie,
doivent faire face à un ennemi commun : le système capitaliste de profit.
Si la classe ouvrière internationale ne prend pas l'initiative et ne lutte pas
pour la restructuration socialiste de la société, la classe dirigeante
continuera à accumuler les conflits fratricides : que ce soient les
"Aussies" contre les "Libanos" ou les Cingalais contre les
Tamouls. Rien de moins que l'abolition du capitalisme mondial et la
construction du socialisme mondial ne pourra garantir la fin des conflits, de
la guerre et garantir les droits démocratiques fondamentaux et un niveau de vie
décent à chacun. »